pompidou-METZ,
L’Art cinematographique MARGINALISE ?
(QUELQUES
CONSTATS, reflexions ET INterogations
estivales)
« (...)
Parallèlement à la fin des hiérarchies
culturelles et au mélange des genres
entre l’art et l’entertainment, le critique
– aux Etats-Unis – devient un
« passeur » et non plus un juge.
Il était un
« gatekeeper », ce gardien de la
frontière entre l’art et
l’entertainment, et un
« tastemaker », celui qui
définissait le goût.
Le voici qui devient un « médiateur de
l’entertainment » et un
« trendsetter », celui qui fixe
la mode et le buzz en accompagnant
les goûts du public. Le nouveau critique
privilégie le
« cool », qui
déteste les distinctions culturelles. Et une fois les
classifications abolies,
il est très difficile de recréer une
hiérarchie.
D’ailleurs, qui le
souhaite ? »
Frédéric Martel
(« Mainstream,
Enquête sur cette
culture qui plait à tout le monde »[1]).
Dans le
même temps ou presque, dans le champ de la relation aux
expériences et du culte de l’art, on assiste
à la rationalisation, à la
standardisation et à la transformation de
l’expérience esthétique en produit
culturel accessible et calibré. […] Ici
se consomme, à tous les sens du
terme « consommer », une production industrielle des œuvres
et
des expériences qui aboutit,
elle aussi,
à la disparition de l’œuvre.
Yves Michaud (« L’Art
à l’état gazeux, Essai sur le triomphe
de
l’esthétique »[2])
« Le paradigme du
monde contemporain, c’est le consommateur. Je vois que tout
pousse
à une atomisation de la
société composée de libres
consommateurs
allant surtout chercher
dans le marché global les objets qui les
intéressent »
Alain Badiou (Philosophe)[3].
« Ecrire sur
Debussy et le Hip-hop : c’est ça
l’Amérique.
Mixer la culture et le
commerce est une tradition ancienne aux Etats-Unis.
Ce qui est nouveau,
c’est que le marketing, l’argent, le business
intéressent autant les
critiques que les œuvres ».
Frank
Rich (Editorialiste culturel du New-
INTRODUCTION
Il
convient tout d’abord de préciser
le cadre général de cette réflexion
estivale : Quelle est la fonction d’un
Musée : recherche, éducation,
agrément ou... commerce ? Comment montrer
les œuvres sans les trahir ? Quelle est la fonction
de l’Art dans des
sociétés de flux tendus, des
sociétés capitalistes mondialisées ?
Et, toujours
dans ce contexte, qu’en est-il aujourd’hui du
supposé pouvoir de subversion de
l’Art (« Ceux qui croient
aujourd’hui défendre l’art qui subvertit
défendent en réalité l’art
officiel (...) Demander à exercer le jugement
critique sans lequel il n’est pas d’histoire de
l’art ni d’art tout court,
c’est poser une question périmée,
dépassée, c’est être
réactionnaire en art»[5]) ?
Dit d’une autre manière, comment l’Art
et le Politique (mais aussi l’économie,
la culture, l’éducation, les médias)
interagissent-ils aujourd’hui ?
L’ouverture en Mai 2010 du prestigieux Centre Pompidou-Metz apporte quelques réponses à ces interrogations : le Centre présente aujourd’hui une exposition temporaire d’œuvres essentielles qui questionnent le rôle des Arts dans la société. Touriste estival, j’ai moi aussi posé un regard curieux, « décalé », sur cette opération culturelle majeure (par son budget, par ses enjeux), en tentant de réfléchir à la manière dont le cinéma est utilisé (banalisé ? trahi ?) par les commissaires de l’exposition intitulée « Chef d’œuvre ? », la première proposée au public dans ce nouveau Centre. Pour comprendre ce phénomène régional à dimension nationale, sans doute faudra-t-il interroger la volonté paradoxale des « puissants », des « décideurs », des « politiques » (de la majorité présidentielle comme de l’opposition), d’utiliser une certaine culture « contemporaine » comme instrument de « traitement social du chômage », comme base du développement touristique, artistique et intellectuel d’une région (la Lorraine) et de populations en grande difficulté économique et sociale[6]... Comment réaliser cette prouesse, cette révolution copernicienne alors que la société multiplie les pressions (par les médias, la publicité, le sport spectacle, la télévision « trash ») pour affaiblir l’esprit critique et capter les consciences, le « maximum de temps de cerveau disponible » ?
Peut-être
allons-nous constater
que ces deux idées (contrôler les esprits et
« imposer » à la
classe
moyenne de nouvelles normes culturelles fédératrices, euphoriques, ludiques)
ne sont pas vraiment antagonistes...
1. L’art contemporain, comme image de marque de modernité et de dynamisme
1.1.
L’effet
Bilbao
« L’effet
Bilbao »
fascine les décideurs et les responsables des
collectivités territoriales.
C’est maintenant une évidence, la cité
ouvrière espagnole (sidérurgie, textile,
chantiers navals) sur le déclin de Bilbao (353 000
habitants), sale et
prolétaire, a réussi à
séduire les « Bo-Bo »
(et bien au-delà) en
accueillant un musée estampillé
« Guggenheim »
(dessiné par Frank
Gehry). « Le 13 octobre 1997, au moment de son
inauguration, le journal
américain The New Yorker le compare sans rire à
la cathédrale de Chartres, aux
Pyramides et au Parthénon qui eux aussi
« constituent une prise de position
politique »[7].
Le succès touristique est
bien réel[8] :
de ce point de vue, le musée est une
« réussite » (plus de
700 000
visiteurs chaque année). Les revenus
générés par le musée
représenteraient 0,5
% du PNB de la région de Biscaye (le musée
n’a jamais été la cible des
terroristes basques...).
La
Lorraine était connue pour ses
casernes, son activité sidérurgique, ses
industries textiles, puis, quand le
déclin industriel est devenu une
réalité (avec à la clé des
dizaines de
milliers de licenciements), les responsables politiques ont
tenté de lui donner
comme nouvelle image de marque... un parc de loisirs sur le
thème des Schtroumpfs (le
parc de loisirs ouvre ses portes en 1989, fait faillite en 1990, et
sera
racheté par plusieurs repreneurs dans les années
suivantes). Metz, malgré sa
cathédrale, ne pouvait rivaliser avec Nancy, sa proche
voisine, qui sait séduire
de nombreux touristes avec le patrimoine majeur que constitue la place
Stanislas. D’où l’idée de
« tourner le dos au
passé » et de
construire à Metz un musée d’envergure
européenne (mondiale ?),
susceptible d’attirer touristes et intellectuels de
l’ensemble de l’Europe du
Nord. La Ville de Metz et le musée parisien (qui enregistre
20 000
visiteurs par jour) ont défini ici une stratégie
« gagnant / gagnant » :
« le Centre Pompidou-Metz constitue pour Metz un
atout décisif pour sa
notoriété et son rayonnement en Europe (...) De
son côté, le Centre Pompidou,
institution de référence mondiale, est soucieux
de son développement dans le
cadre d’une Union européenne élargie et
d’une mondialisation de la vie
artistique »[9].
La
construction de Musées ou de
centres artistiques liés à l’Art
contemporain fascine de plus en plus les
collectivités territoriales : Paris, Dunkerque[10],
Villeneuve d’Ascq, Saint-Étienne, Lyon,
Strasbourg, Nice, Bordeaux, Marseille,
Troyes, Grenoble, Nîmes, Beaumont-du-Lac... toutes ces villes
et collectivités (aidées
en cela parfois par de riches et généreux
donateurs), ont fait le pari –
surtout entre 1970 et 1980 - de
l’Art
contemporain.
Mars
2010 : une campagne
d’affichage conséquente (3000 affiches grand
format et des milliers
d’affichettes que les commerçants placent sur
leurs vitrines) annonce la
prochaine ouverture du Centre à Metz. Les affiches se
déclinent en trois séries
(Dali, Warhol et Picasso). Dans cette campagne d’affichage,
Picasso
(photographié en noir et blanc) nous regarde frontalement,
dialogue avec le
passant. Un message en lettres vertes (« Je
m’installe à Metz »)
complète le portrait de l’artiste. Picasso est
devant nous, bien
« vivant », si proche. Mais
Picasso, on l’a un peu oublié, était
également un militant engagé : le 5
octobre 1944, il adhère au Parti
Communiste en déclarant : « Je
suis de nouveau parmi mes
frères ». Oui, cette campagne de
communication inaugurale l’atteste, Pablo
Picasso (l’homme prométhéen, le
militant anti-capitaliste), est aussi devenu
aujourd’hui une nouvelle icône... commerciale.
L’art contemporain a bien été par
le passé un art contestataire, mais, dans notre
société néo-libérale, il
joue
désormais un nouveau rôle. Quel sens donner
à
cette mutation majeure marquée par une utopie
« culturo-marchande »
inédite ?
1.2.
Après
la sidérurgie et l’armée, la Lorraine
parie aujourd’hui
sur l’Art contemporain
Trois
mois après l’ouverture du
Musée de Metz (Le bâtiment a
été conçu par les architectes Shigeru
Ban et Jean
de Gastines), le succès critique et populaire est au
rendez-vous[11] :
le musée est reconnu comme une œuvre
architecturale de première importance
(articles élogieux dans la presse
étrangère), et l’exposition
qu’il accueille
aujourd’hui rassemble des œuvres majeures du 20e
siècle. Construit
sur une friche industrielle « au milieu de nulle
part », le Musée –
qui domine la gare de Metz – sera bientôt au
cœur d’une nouvelle zone urbaine
(le quartier de l’Amphithéâtre),
regroupant des commerces, des logements, des
bureaux, un palais des congrès (si important dans une
dynamique touristique
réussie, par les nuitées qu’il apporte
aux hébergements commerciaux locaux) et
des administrations (« il est la pièce
maîtresse d’un programme de
requalification urbaine ambitieux »[12]).
Ne
doutons pas qu’il sera pour
Metz ce que le Guggenheim a été pour
Bilbao : un moteur pour le
développement culturel et touristique, un
étendard qui orientera l’image
« moderne et
branchée » de cette région
hier encore industrielle et
prolétarienne. Le patronat s’est investi dans ce
projet (le groupe Wendel a
tenu à être le
« Mécène fondateur du centre
Pompidou Metz[13]).
Certains
espaces du centre peuvent aussi être
privatisés : le centre peut
accueillir des « évènements
privés de format variable ; les
privations d’espace peuvent être
associées à des visites privées des
expositions »[14].
Le
centre correspond parfaitement
aux nouvelles règles de la rentabilité
muséale (accueil du public, communication,
image de marque, évènements, restauration,
boutique de souvenirs). La
« classe moyenne » constitue le
« cœur du cible » du
projet. 300 000 visiteurs[15]
ont
découvert l’exposition lors des trois premiers
mois d’ouverture du musée (alors
que Metz compte 124 000 habitants). M. Raush, Président de
Metz-Métropole
déclare : « Le Centre
Pompidou-Metz ancrera définitivement Metz dans
la modernité et lui donnera sa dimension internationale en
lui conférant une
notoriété et un rayonnement en Europe, dignes des
plus grandes
métropoles »
La
réussite est là, le succès
populaire et l’enthousiasme de la critique saluent
l’entreprise, mais le
visiteur critique éprouve un sentiment étrange,
celui de visiter un espace bien...
irréel. A l’intérieur du
musée (d’un coût de 70 millions
d’euros[16],
soit la moitié du coût du musée de
Bilbao, mais pour une surface d’exposition
semblable de 5 000 m2), nulle
référence à la Lorraine, à
son
histoire, à son activité, à ses
traditions, à sa population.... De même que le
Guggenheim aurait pu trouver sa place à Séville
ou à Barcelone, l’intérieur du
musée de Metz se nourrit de ses
références et de ses citations internationales,
occultant son environnement géographique
immédiat : on peut imaginer que
son implantation à Montpellier, Lille ou Caen –
les autres villes candidates - n’aurait
rien changé.
A
Metz, le visiteur du Centre ne
sera pas informé qu’à quelques pas de
là se trouve « 49 Nord 6
Est »,
le Fonds régional d’Art Contemporain de Lorraine,
avec sa collection sans doute
des plus intéressantes, mais moins prestigieuse que les
œuvres proposées au
public par son incontournable voisin !)... Mais
qu’importe au fond puisque
« les milliardaires Roman Abramovitch
(pétrole) et Eric Schmidt (le PDG de
Google) ont fait le voyage à Metz en avion privé
pour admirer les 800 chefs
d'œuvre du centre »[17].
1.3.
L’Art
et l’entreprise dans une société
mondialisée (au travers du prisme des médias)
Le
cinéma et la publicité
partagent depuis de nombreuses années un espace
commun : des acteurs
populaires participent à la promotion d’une
marque, d’un produit ; des
cinéastes font leurs premières armes ou
complètent leurs revenus en réalisant
des spots publicitaires (On peut rappeler ici que l’immense
Alain Resnais a lui
aussi réalisé en 1958 un film publicitaire /
documentaire en Cinémascope de 14
minutes – une commande de Péchiney –
consacré au... polystyrène
(« Le
chant du styrène »); le commentaire en
alexandrins a été écrit par Raymond
Queneau). Mais ces rencontres, autrefois marginales, exceptionnelles,
« innocentes »
et récréatives, sont devenues
aujourd’hui l’un des enjeux majeurs de notre
société
capitaliste de consommation des objets et des signes.
« Cinéma / Publicité
/ Communication », ce thème
nécessiterait à lui seul un plus long
développement... Pour l’instant,
évoquons, par un exemple, les liaisons
nouvelles qui se sont créées entre les
médias, les entreprises, et le monde de
l’Art.
La
chaîne de télévision privée
M6
a consacré son émission
« Capital » diffusée
le dimanche 1ier
Août au « Tourisme, enquête sur
les joyaux de la France ». Un
reportage présentait l’historique et le
fonctionnement du centre Pompidou à
Paris. L’accent était mis sur la
volonté politique, la qualité exceptionnelle
de la collection du musée, l’organisation
permettant son bon fonctionnement,
et... le recours au secteur privé pour équilibrer
son budget ! Le
spectateur naïf attendait de voir apparaître sur son
petit écran des collégiens,
des lycéens s’émerveillant devant les
œuvres capitales de l’Art du 20ième
siècle, mais en fait et place M6 lui a permis de participer
à la soirée
« VIP » organisée au
Musée par BMW pour présenter à un
public de 300
personnes très
« branché » et
très peu populaire sa nouvelle
« Art car » (une BMW M3 GT2), une
voiture customisée par le
« roi du pop kitch »,
l’artiste américain contemporain Jeff Koons
(«Dans une mise en scène
théâtrale, avec un compte à rebours sur
une musique
aux accents dramatiques, amis, artistes, marchands, collectionneurs et
personnalités du monde de l'automobile ont
assisté, médusés, au lever du voile
d'argent dissimulant cette automobile élevée au
rang d'objet d'art »[18]).
Ni le journaliste de M6 ni la personne chargée
d’organiser le mécénat
(« d’aller chercher l’argent du
privé » dixit le journaliste de la
chaîne) n’ont précisé le
statut de l’objet présenté :
simple voiture
utilitaire ou œuvre majeure – digne de figurer dans
un musée - d’un artiste
très
« tendance » ? Nous
avons appris néanmoins le montant de la
privatisation du musée Beaubourg pour une
soirée « commerciale »:
aux environs de 100 000 euros[19].
L’artiste
génial[20]
et la
sympathique marque d’automobiles de Munich ont
bénéficié, pendant cinq minutes,
d’une excellente exposition publicitaire
(gratuite ?) dans une magazine
télévisé français,
à une heure de grande écoute : sans
doute faut-il voir
dans cette volonté de
« communiquer » pour se tailler
de nouvelles
parts de marché la quintessence de
l’économie capitaliste mondialisée (on
peut
se demander sereinement ce que devient, dans cette
société du spectacle,
globalisée et perpétuelle,
l’information objective et critique que peut
revendiquer à juste titre l’ensemble des
composants d’une société qui est
toujours une Démocratie...)[21].
Un
fait est certain : dans le système capitaliste qui
constitue notre horizon
et structure nos repères, il n’y a plus
guère de frontières entre Commerce,
Communication, et Art...
2. L’exposition « Chef-d’œuvre ? » proposée par le « Centre Pompidou-Metz »
2.1.
Présentation
générale de l’exposition (700
œuvres) par ses concepteurs
« Qu’est-ce
qu’un chef-d’œuvre ?
La notion de chef-d’œuvre a-t-elle encore un sens
aujourd’hui ? Qui décide
ce qu’est un chef-d’œuvre ? Un
chef d’œuvre est-il éternel ?
À
travers une sélection exceptionnelle de près de
huit cents œuvres, l’exposition
d’ouverture du Centre Pompidou-Metz interroge la notion de
chef-d’œuvre, son
histoire et son actualité.
L’extraordinaire
richesse et la
diversité de la collection du Centre Pompidou,
Musée national d’art moderne
dont sont issues la majorité des œuvres
rassemblées dans cette exposition,
permet de présenter à Metz les grandes figures de
l’histoire de l’art du XXe
siècle. Le public est ainsi invité à
découvrir ou redécouvrir des pièces
majeures, et à assister à des
« rencontres
d’œuvres » inattendues. Tous
les champs de la création sont
représentés, à l’image de la
pluridisciplinarité
de la programmation du Centre Pompidou-Metz »[22].
Le
point d’interrogation qui
accompagne le mot
« chef-d’œuvre ?»
invite le spectateur à être
curieux, attentif aux propositions des artistes. Mais il peut
également
signifier que les responsables de l’exposition laissent, en
dernier ressort, le
choix de la classification des œuvres au public... Dans ce
contexte, il parait
difficile de dénoncer la
« faiblesse » de telle ou telle
œuvre
exposée...
2.2.
Quelques
remarques générales concernant les
différentes formes de présentation du
cinéma
proposées par l’exposition.
Deux
notions complémentaires
apparaissent immédiatement quand on évoque le
cinéma : un dispositif
particulier (« salle de
projection », spectateurs assis, écran)
et le
choix d’une œuvre, d’un film
proposé à ce public. A Metz, le
visiteur constate le soin apporté par les
organisateurs à mettre en relief (présentation,
éclairage, documents
explicatifs) les œuvres exposées (tableaux,
sculptures). Nous allons voir que
ce respect de la spécificité de l’Art
est malmené en ce qui concerne le cinéma.
L’exposition va mettre le public au contact
d’œuvres ou d’extraits
d’œuvres
cinématographiques. Deux questions se posent :
quelle est la force de
l’œuvre dans l’histoire
spécifique du cinéma, et, d’un point de
vue plus large,
quelle est la place du cinéma dans l’histoire des
Arts Plastiques (puisque
c’est une des ambitions de l’exposition) ?
Certes, le cinéma va, à
certaines périodes, intégrer un courant
artistique (expressionnisme,
surréalisme, pop art, etc.) avec lequel il va dialoguer.
Mais peut-on réduire l’histoire
du cinéma à un conversation épisodique
(si riche soit-elle) avec les Arts
Plastiques ? N’est-ce pas là limiter le
degré d’autonomie du 7ième
Art ?
2.3.
Le
choix de présentation des œuvres
cinématographiques qui n’a pas
été retenu à
Metz
Le
visiteur du musée d’art contemporain
« Reina
Sofia »[23]
à Madrid, est invité à
pénétrer dans la salle Luis Buñuel. Il
s’agit, d’une véritable salle de
cinéma
permanente, équipée d’une trentaine de
fauteuils, où est diffusé, sur un
écran
de cinéma, le film de Buñuel et Dali « Un
chien andalou » / 1929. Cette
présentation, à mon sens,
permet de
découvrir le film, dans son
intégralité, et dans des conditions de
« réception » qui
respectent les intentions de l’auteur. Nous allons
voir que si le cinéma est bien présent dans
l’exposition
« Chefs-d’œuvre ? »,
la présentation des œuvres peut susciter
des interrogations légitimes.
2.4.
Présentation
respectueuse de l’œuvre
cinématographique
(dans la première partie de l’exposition,
« chefs d’œuvre dans
l’histoire »)
Dans
un espace fermé par un rideau, six tabourets
permettent aux visiteurs de visionner
l’intégralité – 20 minutes -
de
« Entracte » (Clair / 1924). Le
film est projeté sur un écran. Cinq
ou six spectateurs, debout, peuvent également suivre la
projection.
2.5.
Présentation
« secrète » de
l’œuvre
cinématographique (dans la première partie de
l’exposition, « chefs
d’œuvre dans
l’histoire »)
Sur
un mur, neuf petits tableaux de Picasso encadrent un
écran de télévision. Un film est
diffusé, qui présente un dessin – en
noir et
blanc – en phase de réalisation. Il semble
qu’un trucage soit utilisé, puisque
ni la main ni aucune partie du corps de l’artiste
n’est visible. Si l’on
questionne le public (familial, puisque cette visite a lieu un
dimanche) qui
observe cette présentation d’œuvres,
l’identification des images projetées
reste bien... mystérieuse ! Une
étiquette identifie
« l’œuvre »
présentée entre les tableaux bien
réels de Picasso comme étant
« Le
mystère Picasso », signée par
un certain H. G. Clouzot en 1955. Les
spectateurs ignorent qu’il s’agit d’un
long métrage.
2.6.
Présentation
« minimaliste » de
l’œuvre
cinématographique (dans la deuxième partie de
l’exposition intitulée
« histoire de
chefs-d’œuvre »).
2.7.
Présentation
« sacrifiée » de
l’œuvre cinématographique
« Guernica »
et « Donne-moi tes yeux » (dans
la première partie de l’exposition
« chefs d’œuvre dans
l’histoire), « Sleep »
(dans la partie de
l’exposition « Histoire de chefs
d’œuvres).
2.8.
Négation
de l’œuvre cinématographique (dans la
galerie « Chefs d’œuvre
à
l’infini », qui présente une
très belle collection d’œuvres
emblématiques
de l’art du XX° siècle,
accrochés chronologiquement. Un mur sépare
l’espace en
deux : exposition des œuvres d’une part,
et, dans un couloir parallèle,
séparé des œuvres se trouve la
présentation
« pédagogique »,
contextuelle des œuvres).
Depuis
le couloir, le visiteur aperçoit l’avant
dernière
œuvre proposée, une statue imposante de Rodin.
Quelques pas vers la dernière œuvre
annoncée, «Le voyage dans la
lune » (Méliès / 1902). Le
visiteur a beau
écarquiller les yeux, nulle présence du film
annoncé. Intrigué, le visiteur
questionne une des personnes chargées de
« guider » le public, qui
sourit et désigne avec son doigt... le plafond de la salle
d’exposition !
Et, effectivement, un dispositif inattendu se
dévoile : le projecteur est
installé dans le sol de la salle d’exposition, et
le film de Méliès est
projeté... au plafond, près des baies
vitrées qui apportent une forte lumière,
obligeant
le spectateur à risquer un torticolis pour
découvrir les 13 minutes que dure
cette œuvre. Lors de cette visite du musée,
d’autres spectateurs se déplaçant
dans cette galerie passaient au dessus du projecteur, provoquant une
disparition temporaire de l’image...
2.9.
Le
cinéma dans ses rapports (anecdotiques) avec les
Arts plastiques
Une
série de moniteurs présente des
éléments (fictions ou
documentaires) reliés
au thème de l’Art
(on peut voir, par exemple, l’emballage d’une
œuvre imposante préparée à
Paris
avant son déplacement à Metz. Mais on peut
visionner également dans cet espace
deux extraits (de moins de trois minutes) de longs métrages
de cinéma
2.10.
L’Art
vidéo (dans ses rapports avec le cinéma)
Voici
le chapeau introductif proposé par les commissaires
de l’exposition :
«Présentée en Galerie 3, la
dernière partie de
l’exposition, « Chefs-d’oeuvre
à
l’infini », interroge la
persistance de la notion de chef-d’oeuvre
au fil du XXe siècle, à
l’ère de la reproductibilité des
images.
Confrontés à de nouvelles techniques, comme la
photographie, le film et l’image
numérique, les artistes du XXe et du
XXIe siècle abordent
le chef-d’oeuvre de manière radicalement nouvelle.
Un grand nombre d’entre eux
intègrent les notions de copie et de reproduction dans leur
démarche artistique
et nous incitent à reconsidérer
l’idée même de chef-d’oeuvre.
Enfin, la
multiplication des reproductions change notre rapport aux oeuvres.
Qu’est-ce
qu’un chef-d’oeuvre
aujourd’hui ? Quel est l’avenir du
chef-d’oeuvre ? Sans prétendre apporter
une réponse unique, cette dernière
section de l’exposition nous invite à nous
interroger sur la valeur que nous
donnons aux oeuvres de notre temps »
L’installation
évoquée ici est constituée par trois
écrans. Sur le premier est diffusée la
scène du musée (dans « Sueurs
Froides / « Vertigo) que visite Kim
Novak suivie par le
détective interprété
par James Stewart (Hitchcock / 1958). Le deuxième
écran propose une scène
« miroir », une
séquence « hommage »
extraite de « Pulsions
/ Dressed to kill » (Brian de Palma /
1980) : une femme, suivie
par un homme, parcourt les salles d’un musée. Le
troisième écran diffuse une
œuvre (« Body double
15 ») du vidéaste Brice Dellsperger[26]
(il
s’agit d’une copie
« parfaite » des plans du film
réalisé par De
Palma (par leur durée, leurs caractéristiques
filmiques), mais avec un décor
différent et surtout une interprétation
inattendue : Brice Dellsperger
interprète le rôle masculin... et le
rôle féminin (habillé en femme et
maquillé).
Le public est manifestement troublé par la performance du
vidéaste. Les regards
des spectateurs balaient alternativement deux écrans (les
œuvres de De Palma et
de Dellsperger), mais peu s’attardent sur la magistrale mise
en scène de
Hitchcock...
3.
Quelques remarques
et interrogations concernant cette
exposition...
3.1.
Une
expo « bande annonce » pour
d’autres pratiques plus conformes et
sérieuses ?
Le
dispositif est parfaitement réglé : au
visiteur
qui interpelle les « médiatrices
culturelles » (qui sont là pour le
guider et le conseiller dans sa visite) sur les choix de
présentation des
œuvres, il est répondu que certes les conditions
de présentation des films ne
sont pas idéales, mais qu’un vaste programme
d’œuvres cinématographiques de
qualité sera proposé par le Centre,
dès septembre, et ce dans les meilleures
conditions de confort. Il suffit donc au visiteur d’habiter
Metz (ou ses
environs) pour profiter pleinement d’une culture
cinématographique qu’il n’a
fait qu’entrevoir lors de sa visite de l’exposition
(il est exact que le centre
Pompidou Metz proposera par ailleurs, à partir de septembre
2010 et sous la
direction de l’excellent Jean-Michel Frodon, un cycle de
films intitulé
« Cinéma,
chef-d’œuvre »).
3.2.
Que
reste-t-il du « génie de la
France », que reste-t-il de
« l’Histoire » ?
Au
moins à deux reprises
(« Ceux de chez nous » et
« Donne moi tes yeux » - dont un
extrait est proposé par cette exposition -), Sacha Guitry a
tenté dans ses
films d’affirmer la quintessence d’un certain
« génie artistique »
français, aussi vivant et merveilleux que
celui mis en avant par l’adversaire (et occupant) allemand.
La visite de
l’exposition « Chef
d’œuvre ? » occulte
toute dimension
nationale de l’Art (et souvent des artistes). Il semblerait
aujourd’hui tout à
fait saugrenu de se soucier de célébrer de
façon symbolique les valeurs – ou
les grands hommes - de la République...
Les
oeuvres que l’on propose à
Metz sont analysables avec les codes, les repères propres
à l’histoire des Arts
plastiques (surréalisme, constructivisme, futurisme, nouveau
réalisme, cubisme,
etc.). L’histoire des peuples, l’histoire
événementielle, l’histoire
« politique »
(au sens large) des sociétés se situe bien en
retrait. Au final,
« communisme, capitalisme, nazisme,
antisémitisme, impérialisme,
colonialisme, fascisme » sont des notions parfois
suggérées, mais ici secondaires
dans la compréhension des oeuvres. Les arts plastiques
mondialisés semblent ici
« pacifiés », presque
libérés de l’influence de la politique
(l’image
du militant communiste Picasso n’effraie plus).
L’Histoire n’appartient plus
aux Nations, mais à un capitalisme qui ignore les
frontières[27].
3.3.
Utilisation de la
vidéo : un rapport
encyclopédique à l’œuvre
d’art (Arman – Duchamp - Manzoni)
L’œuvre
d’Art dialogue avec son
spectateur : par sa seule présence, elle modifie
les sensations, enrichit
la perception, augmente « le degré
d’humanité » du spectateur.
L’exposition choisit d’apporter un
éclairage complémentaire à certaines
œuvres
« sulfureuses »,
« dévastatrices » ou
« fondatrices » dans le champ
historique des Arts plastiques.
Et c’est la vidéo qui permet aux artistes,
au-delà de leur éphémère
existence
terrestre, de venir témoigner de leur engagement
créatif, de leur conception de
l’Art auprès des nouvelles
générations. Le spectateur (tout en en ayant face
à
lui la « roue de bicyclette » /
1913 – 1964) peut donc voir et entendre
Marcel Duchamp s’exprimer sur ses readymades,
l’audacieux Arman collecter –
sous le regard amusé ou incrédule des passants
– les détritus et les objets qui
vont composer son œuvre « Poubelle des
halles » / 1961, et Piero
Manzoni expliquer le sens de son œuvre sibylline de 1961
« Merda
d’artista »[28]
(la boite portant le
numéro 64 est là, devant nos yeux).
L’image n’est pas considérée
ici pour sa
valeur artistique (peu importe au fond qui a
réalisé la séquence montrant Arman
aux Halles), mais pour son « supplément
de sens » quasi
magique : le rapport à l’œuvre,
par la médiation directe avec l’artiste,
augmente et enrichit l’émotion ressentie par le
spectateur.
3.4.
Proposer
trois minutes d’une œuvre
cinématographique, est-ce la respecter ?
Le
Musée Pompidou-Metz apporte un
soin particulier à la présentation des
œuvres (tableaux, sculptures, objets).
Cela semble aller de soi, vu la qualité et
l’importance dans l’histoire des
Arts des œuvres proposées. Quel scandale, si on
n’exposait que la moitié gauche
d’un tableau de Kandinsky, ou le haut d’une
sculpture de Rodin ! Et
pourtant, c’est bien une dénaturation de
l’œuvre cinématographique
qu’effectue
l’exposition, en ne diffusant que trois minutes de films de
Resnais, Godard ou
Hitchcock... Le choix des extraits diffusés est, bien
sûr, arbitraire
(« Bande à part » de
Godard ne peut se réduire à une course dans un
musée, « Vertigo » est
un film d’une rare complexité[29],
dont l’analyse nécessite la prise en compte de
tous les éléments, de la
première image au mot
« FIN », puisque c’est
ainsi que le réalisateur
a souhaité le présenter au public. Les
« grandes signatures » de
l’art cinématographiques sont bien
présentes, mais les
œuvres filmiques sont sacrifiées !...
3.5.
Pourquoi
projeter tel film (« Entracte » /
Clair) dans un « espace
cinéma » et tel autre
(« Guernica » / Resnais) sur une
des
vitres du musée ?
La question est posée...
3.6.
A
quelle école, à quel courant rattacher
« Une partie de
campagne » de Jean Renoir?
La
présentation de « Une
partie de campagne » (décrite ci-dessus),
se situe entre la salle
« surréaliste »
diffusant « L’Age
d’or » (Buñuel) et une
salle où le visiteur peut découvrir
« L’orchestre » (1953)
de Nicolas
de Staël, avec comme accompagnement sonore
« Le marteau sans
maître »
de Pierre Boulez (une œuvre de 1954). Incontestablement, si
l’on prend en
compte la seule chronologie, l’œuvre de Jean Renoir
est postérieure au film de
Buñuel, qui précède le tableau de
Nicolas de Staël. Mais, quand on interroge
les hôtesses chargées de guider et
d’accompagner les visiteurs,
aucune réponse n’est
donnée... « Une
partie de campagne » ne semble se rattacher
à aucun des courants qui ont
marqué les Arts Plastiques. Sa présence dans
cette partie de l’exposition reste
un mystère, une énigme, y compris pour les
personnes sensées
« guider »
le spectateur (Et si ce film avait tout simplement à voir
avec Maupassant, Jean
Renoir et les années trente ?[30]).
Mais nous abordons là d’autres domaines
qu’ignore le plus souvent l’exposition.
3.7.
Godard,
Buñuel
« neutralisés »,
assimilés par
les transformations de la société
bourgeoise qu’ils ont toujours attaquée ?
Godard
et Buñuel sont considérés
à juste titre comme des cinéastes de
première importance, ayant chacun
réalisé
une œuvre personnelle et forte. Dans cette exposition, la
présence de Godard (un
extrait de « Bande à
part » dans lequel il est question de
Musée) et
sa présence au même niveau que Dario Argento
(« Le syndrome de
Stendhal » choisi car il évoque lui aussi
un Musée) tronquent absolument
le cinéaste et son œuvre. Le Godard politique, le
Godard militant, le Godard
engagé sont ici trahis par cette unique citation, ludique et
plaisante[31].
Ce
choix, cette sélection de séquence indique que
nous assistons ici à une
tentative feutrée, presque imperceptible, de
réécriture de l’Histoire,
maintenant édulcorée et
débarrassée de tout esprit de contestation, de
remise
en cause de l’ordre établi.
« Je
souhaitais tout sauf
plaire (...) Dans « Un chien
andalou », il n’y a pas de critique
sociale ni de critique d’aucune sorte. Dans
« L’age
d’or » oui, un parti
pris d’attaque de ce que l’on pourrait appeler les
idéaux de la
bourgeoisie : famille, patrie et religion »
a déclaré le réalisateur Luis
Buñuel a propos de son film
« l’Age d’or »[32].
Le
film a été attaqué violemment par les
jeunesses patriotiques et les Camelots du
Roi. Donnons la parole à Luis Buñuel :
« Le film était projeté au
studio 28. Une nuit, cent ou deux cent types
d’extrême droite sont arrivés et
ont pris la salle d’assaut. Ils avaient des haches et des
bombes fumigènes. Ils
détruisirent les fauteuils et
lacérèrent de coups de couteaux un Dali, un
Tanguy et d’autres tableaux qui étaient
exposés dans l’entrée (moi
j’étais à
Hollywood). Le film a été interdit par le
Préfet Chiappe ». Les
commentateurs de l’œuvre l’ont mis en
évidence, « L’Age
d’or » est
bien un film de combat : « Dans
« l’Age
d’or » (« film
pamphlet », « film
gifle »), la révolte éclate
contre un ennemi
extérieur et tangible : l’ordre
établi et ses représentants »[33].
Cet
avis est partagé par d’autres analystes :
Belle
ironie de l’Histoire,
« l’Age
d’Or » a été
commandé et financé par de richissimes
mécènes (Le
vicomte Charles de Noailles et sa femme Marie-Laure[38],
favorisés de la fortune et de la naissance) qui furent mis
au ban de leur
milieu social pour avoir financé ce brûlot
contestataire ! Il est bien
évident que « l’Age
d’or » reste une œuvre majeure
de l’histoire du
cinéma. A ce titre, elle mérite
d’être connue et découverte par tous les
publics curieux de comprendre le travail et l’apport de
Buñuel au cinéma.
« L’age
d’or », comme toute œuvre
cinématographique, méritait à Metz
des conditions de projection dignes du 7e
Art !
Godard
et Buñuel ont perdu leur
pouvoir de contestation. « L’Age
d’or », film sulfureux, est
maintenant proposé au public scolaire qui vient visiter le
musée... Dans le
domaine de la Culture, les valeurs dominantes sont totalement
bouleversées. Il
est temps maintenant d’élargir la
réflexion et d’évoquer comment se
construit
notre vision du monde, puis de considérer le rôle,
passé et présent, de
l’argent dans la création artistique occidentale.
4. La « propagande douce », la « persuasion complice », la « Communication efficace» nous aident à comprendre le monde, à « penser » la Culture.
Nous sommes toujours dans la mythologie de la transparence de l’information. Tentons d’illustrer ici comment le langage commun (tel que le parlent les médias dominants, privés ou publics) va participer à la transformation globale de la perception du réel. Voici une tentative de transcription - en concentré - de cette évolution sociétale dans la « Lingua Quintae Republicae »[39], ce « novlangue »[40] de la cinquième République (aussi « vide » que moderne) qui, par son apparente proximité, sa répétition inlassable (radios, télés, internet, etc.) et ses multiples déclinaisons, nous « formate » et oriente notre pensée, définit de nouvelles normes sociales sans même que nous en ayons réellement conscience : le futile (sport-spectacle, célébrités, faits divers) nous est présenté alors comme fondateur, les véritables enjeux, les faits les plus révélateurs sont relégués dans les coulisses de l’actualité, marginalisés. Des pans entiers de la société n’ont plus d’image, plus de représentation. Décantons ce brouhaha médiatique imposé par les « experts », les « consultants », les « journalistes », les chargés de relations publiques, ce cadre trompeur de références que l’on propose à notre attention hélas trop souvent flottante (cette évocation sera forcément fugace, passagère ; miroir déformant d’un instant social, elle peut se révéler, par sa banalité même, d’une inquiétante étrangeté...).
« Il y a du foot ce soir ! En attendant le match sous haute surveillance OM / PSG, et alors que les « Bleus » accumulent les médailles dans les stades, à Metz, sur le Parvis des Droits de l’Homme, un centre artistique d’une fulgurante modernité vient d’être ouvert au public, grâce tout d’abord au volontarisme de l’Hyper-Président hyper médiatisé, si respectueux de ses promesses, et au dynamisme de nos élites, justement montées au créneau avec pragmatisme pour, en donnant un salutaire coup de rabot aux niches fiscales, financer le combat vital que mènent avec détermination, au nom de la Civilisation, nos valeureux soldats contre les troupes rebelles en Afghanistan et exalter (une fois reconduits avec fermeté et humanité les terroristes supposés, les immigrés caillasseurs et autres Roms synonymes de délinquance) exalter donc dans un monde devenu instable et dangereux, les qualités de tolérance et d’universalisme dont la France fraternelle est porteuse, tout en garantissant le respect d’un juste équilibre entre les mesures en faveur des plus démunis et les nécessaires réformes économiques seules capables de mettre bientôt un terme aux pesanteurs, aux immobilismes, aux « droits acquis » et autres sectarismes écologiques qui paralysent la liberté des entrepreneurs, freinent la croissance et, dans une conjoncture rendue difficile par une concurrence internationale exacerbée avec les pays à bas coûts, compliquent la tâche du gouvernement dont chacun constate pourtant, jour après jour, la cohésion, la volonté de « parler vrai », la justesse des propositions, la qualité remarquable du travail effectué : loin des attaques déloyales et des considérations bassement électoralistes d’une opposition toujours désunie, le frémissement prometteur des Marchés et du CAC 40, un millésime historique dans le vignoble champenois et l’inauguration du centre Pompidou-Metz marquent vraiment la sortie de la crise, redonnent enfin confiance et optimisme – les récents sondages le confirment - aux ménagères de moins de cinquante ans, aux bénéficiaires des minima sociaux, aux redoutées agences de notation, à une jeunesse lorraine qui croyait à tort que son avenir était bouché ! Il y a du foot ce soir !!! OrangeMatmutRenaultSFRPMULeclercBNP».
C’est ainsi que les médias, par un télescopage généralisé des faits et une absence de mise en perspective, tentent de nous embrigader à chaque instant, de « modifier les éléments de langage », en nous faisant accepter un monde dépersonnalisé basé sur l’égoïsme, le manichéisme, la peur, la haine, la compétition et la réussite individuelle (cela n’a sans doute rien à voir avec ce qui précède, mais Europe 1, Paris-Match, le Journal du Dimanche appartiennent à Arnaud Lagardère, Le Figaro à Serge Dassault, Libération à Edouard de Rothschild, Les Echos à Bernard Arnault, la chaîne de télévision Direct 8 à Vincent Bolloré, TF1 à Martin Bouygues, et Le Point est la propriété de François Pinault). On le sent bien, si le travail des chargés de relations publiques et autres attachés de presse est des plus discret, il s’avère au final d’une efficacité redoutable ! Dans quelques semaines, dans quelques mois, le cocasse « coup de rabot dans les niches » aura été remplacé par de nouvelles créations, dues à l’imagination débordante de communicants talentueux, courtisans, et anonymes. Dans notre société capitaliste aussi, le « novlangue » peut évoluer, mais en aucun cas disparaître : aujourd’hui, ce langage nous constitue, nous structure, nous alimente, il « fait partie de notre ADN » (et il est hors de question de « changer de logiciel ») !
Est-il nécessaire de rappeler ici les liens « fraternels » qui unissent le Président Nicolas Sarkozy aux familles Bouygues[41], Lagardère ou Bolloré... Oui, en France aussi, les rapports entre les puissants (monde des affaires et personnel politique) et les médias ont évolué[42] : Une démocratie active et réelle peut parfois occulter le rôle majeur exercé, dans une relative discrétion, par une ploutocratie à l’ambition démesurée mais au fond solidaire quand il s’agit de défendre ses intérêts !
Comment
dire le social, comment
témoigner du politique... dans une
société où chacun a la
possibilité de
s’exprimer (blogs) de créer (Youtube,
Dailymotion), d’être reconnu (Facebook,
Twitter), de se croire un instant guerrier immortel ou maître
du monde (alors
qu’en réalité les jeux vidéo
réduisent les joueurs à
n’être que des Narcisse
égoïstes et fragiles, dominés par leur
volonté de puissance), la notion même de
Culture prend de nouvelles significations, se modifie radicalement.
Evoquons
maintenant ces mutations inédites qui balaient le
passé et font oublier
l’Histoire.
5. Quelques interrogations sur une Culture occidentale mondialisée, expérimentale, paradoxale
5.1.
L’Art,
marqueur social pour la noblesse et la grande
bourgeoisie
L’univers artistique a été marqué par des mutations considérables, liées aux progrès techniques, aux mutations sociales, aux évènements destructeurs (guerres). « Dans la seconde moitié du XIXe siècle caractérisée par de nouvelles conditions économiques et sociales, le goût de la grande bourgeoisie[43] soucieuse d’affirmer son originalité culturelle, se confond souvent avec la constitution attentive d’une collection originale et hors pair, étant entendu qu’elle y trouvera une gratification sociale bénéfique en échange du don de la collection, qui établira la permanence du nom du collectionneur dans un musée du domaine public. Peu à peu, quelques artistes « arrivés » vont eux aussi faire partie de « l’élite sociale ». Une véritable révolution s’opère au début du XXe siècle avec l’apparition du marchand d’art qui va peu à peu supplanter le collectionneur-mécène et l’Etat auprès des artistes. Le marché de l’art, en pleine croissance, va permettre de répondre à la diversité des attentes et des goûts des publics. L’histoire de l’Art va désormais consister en une suite ininterrompues d’avant-gardes successives, créant des évènements toujours renouvelés. Le rapport entre la vie nocturne mondaine et les arts plastiques s’intensifie. Désormais le marché spéculatif triomphe, la culture artistique sera éclatée, complexe, contradictoire... scandaleuse[44].
L’Art
peut-il atteindre ses
limites ? (« Le seul
dénominateur commun des avant-gardes
historiques, à travers leur extrême
diversité, c’est qu’elles ont
provoqué la
sensibilité artistique de leur temps : elles ont
fait scandale (...)
finalement n’importe quoi est susceptible de
bénéficier du statut d’objet
d’art, n’importe qui peut se proclamer artiste sans
risque d’être
contredit »[45]).
Cela n’empêche
nullement le marché de l’art de se structurer, les
collectivités locales
d’investir dans l’art contemporain, les
collectionneurs de faire monter les
prix des œuvres ou la cote des artistes par des acquisitions
chaque fois moins
raisonnables. Cette tradition de
« collectionneurs–mécènes »
se
poursuit aujourd’hui encore, mais les œuvres de
Jeff Koons ou Piero Manzoni
côtoient désormais celles de Monet ou de
Fragonard. Selon Artreview
(16/10/2009), cinq familles françaises figurent (avec la
famille Pinault) parmi
les 100 personnalités les plus influentes du monde de
l’art en 2009. Il s’agit
de Hélène et Bernard Arnault (groupe de luxe
LVMH, première fortune de France),
Hélène et Michel Alexandre David-Weill (Banque
Lazard), Antoine de Galbert
(héritier du groupe Carrefour),
le baron
Eric de Rothschild (château Lafite Rothschild) et enfin Alain
Wertheimer (Chanel,
cosmétiques Bourjois, écurie de chevaux de
course, cinquième fortune de
France).
5.2.
La cote, ou la
valeur de l’Art au gré des modes et des
coups de cœur des collectionneurs
5.2.1.
Quelques chiffres
de vente remarquables
Comment
se porte l’Art ? Depuis
le XIXe, avec des œuvres
matériellement uniques et donc rares, c’est
un marché spéculatif internationalisé
qui se porte fort bien ! Par
exemple, une toile peinte en 1995 par l’artiste chinois Zhang
Xiaogang (célèbre
pour ses séries Bloodline) a été
vendue l’an dernier pour 6 millions de
dollars. Un Picasso (« Nu au plateau de
sculpteur ») vient tout juste
de trouver acquéreur lors d’une vente aux
enchères pour la modique somme de 82
millions d’euros !... (Mais nous sommes encore loin
du record atteint par
le « Number five » de Jackson
Pollock qui a été adjugé pour la somme
exceptionnelle de 108 millions d’euros !). Oui
vraiment, pour un public
très restreint d’investisseurs et de
milliardaires, les Arts Plastiques
constituent un « marqueur
social » essentiel ! [Cette
évolution
dépasse le domaine des arts plastiques :
« En dix ans, le patrimoine
écrit est devenu lui aussi un marché
florissant : en mai 2008, le
manuscrit du « Manifeste du
surréalisme », écrit en 1924
par André
Breton, a été adjugé chez
Sotheby’s pour la somme faramineuse de 3,2 millions
d’euros, pour une estimation de 400 000
euros !... »[46]].
5.2.2.
Portrait de M.
François Pinault, acteur majeur de l’art
contemporain mondialisé
« Tout
grand patron qui se respecte met des toiles sur ses murs. La plupart
achètent
au hasard, au coup de cœur, ou même au
mètre linéaire comme feu Marcel
Fournier, le fondateur de Carrefour, qui avait tapissé sa
salle à manger de
faux Bruegel. Ils investissent dans le respectable, le cher et le
sûr comme
Albert Frère, le tout-puissant patron belge de la Compagnie
Luxembourgeoise de
Télédiffusion et le principal actionnaire de
Lyonnaise-Suez (sa fortune est
estimée à 31 000 millions
d’euros), qui collectionne les maîtres
hollandais et les peintres français du XVIIe
siècle. L’aventure de M.
Pinault (sa fortune est évaluée à
6 000 millions d’euros) dans la peinture
commence en 1990, avec un tableau de Mondrian. Un carré
posé sur la pointe.
Rien de plus. Rien de moins. En dix ans, ce fils de marchand de bois va
construire une des plus belles collections d'art contemporain en
Europe. Sa
maison de Saint-Tropez, son hôtel particulier de la rue de
Tournon à Paris,
mais surtout son château de La Mormaire (XVIIe
siècle), en bordure de
la forêt de Rambouillet, deviennent de véritables
musées. Il y fait entrer tous
les grands noms de la peinture américaine de
l’après-guerre: de Pol Bury à
Barnett Newman, en passant par Rothko, Pollock, Ryman ou Rauschenberg.
Dans le
parc de La Mormaire, il installe des sculptures : la
«Baigneuse assise» de
Picasso, l’«Homme debout» de
Miró ou une pièce plus douce, «Large
Two Forms»,
de Henry Moore. Mais surtout il passe commande. Au Basque Chillida,
mais aussi
à l’Américain Richard Serra. Ses trente
blocs d’acier de six mètres de haut se
dressent encadrés d’arbres au bout de
l’allée qui mène à La
Mormaire. De
véritables menhirs du XXe siècle pour un
château du XVIIe. Aujourd’hui Pinault
se passionne pour l’art vidéo d’un Bill
Viola. (...) Récemment le
milliardaire Pinault a défrayé la chronique: on a
appris qu’il avait échappé à
l’impôt sur la fortune grâce à
un montage financier. Ses œuvres d’art sont,
elles, légalement exonérées de
l’ISF… »[47].
5.3.
Le nouveau culte
de l’Art qui tend à transformer les
œuvres en produits
« Aujourd’hui les
patrons sont des gens raffinés, au moins sur le terrain
des stratégies sociales
de manipulation, et aussi dans le domaine de l’art, qui,
lors
même qu’il est le produit de ruptures
hérétiques et de véritables
révolutions symboliques,
peut entrer sans
problème dans l’art de vivre
bourgeois ».
Pierre Bourdieu et Hans
Haacke (« Libre-Echange »[48])
5.3.1.
A travers
l’œuvre (parfois difficile à
légitimer),
c’est bien la signature, la présence symbolique de
l’artiste qui est recherchée
Au fond, le visiteur de « Chefs-d’œuvre ? » au Centre Pompidou-Metz n’est pas bien différent du client qui slalome entre les rayons de son hypermarché préféré : des centaines de produits (ici des œuvres fondamentales et majeures de l’Histoire de l’Art, enfin libérées des contingences et des scories historiques) lui ont été proposées, mais ici aussi la « visite » est « dirigée », l’émotion semble « programmée » : certes, il ne s’agit plus de fréquenter des marques dont la grande notoriété oriente nos achats, il est plutôt question ici de rencontrer le plus possible de « signatures », de « personnalités » du monde de l’Art à travers leurs œuvres envoûtantes ; mais cette découverte peut susciter des incompréhensions : le visiteur peut éprouver parfois de grandes difficultés s’il ne possède pas certains codes, s’il est extérieur à un certain « milieu » pour saisir la portée de certaines des œuvres exposées (par exemple, c’est bien en sollicitant les théories sur l’Art qu’il convient d’appréhender « Merda d’artista », et non pas avec le savoir et les connaissances sur les fèces que permettent aux gastro-entérologues d’établir leurs diagnostics...).
D’ailleurs, pour les professionnels du monde de l’Art aussi, « l’évaluation » de la « qualité » de l’œuvre n’est pas toujours simple : « Je me souviens qu’en 1993, au Centre Pompidou à Paris, une commission d’acquisition devait choisir, compte tenu d’un budget limité, entre deux options, coûtant chacune un million de francs : d’une part un grand tableau d’Alfred Manessier, sorte de crucifixion abstraite et méditative ; d’autre part un ensemble de trois œuvres de Manzoni, dont une boite de conserve où l’artiste avait enfermé ses excréments, étiquetée « Merda d’artista ». A sa parution dans les années soixante, cette « boite à merde » avait soulevé une vive polémique et rapporté beaucoup d’argent à son auteur. Son pouvoir de discorde n’était pas épuisé. Le Directeur du développement culturel (qui a pour mission la formation du public et l’organisation des débats et colloques) se répandait dans les couloirs en clamant que ce serait la honte du Centre si la commission n’achetait pas cette œuvre. La commission a, sans grande discussion, choisi le Manessier... (....) C’est un débat passionnant, où se trouve la frontière entre le geste médiatique et l’œuvre d’art ? » [49].
5.3.2.
La nouvelle
modernité globalisante que construit la grande
bourgeoisie innovante pour asseoir son pouvoir symbolique.
Le
visiteur repart de Metz avec
ce qu’il était venu chercher : le
certificat d’appartenance à un certain
milieu social, aisé,
« branché »,
cultivé,
« distingué »
(mais en aucun cas « Bourgeois »,
« conservateur », au sens
traditionnel du terme). En effet, pendant longtemps (ceci est encore
valable
aujourd’hui, mais de manière plus
feutrée, moins ostentatoire), les grandes
familles connues pour leur fortune légendaire ont
bâti leur mode de vie sur le
patrimoine (château, demeure d’exception[50],
appartement grand-bourgeois), les objets d’art et les meubles
anciens. Le
« bon goût », les
« bonnes manières »
dont font preuve ces
privilégiés font d’elles – en
dehors de leur immense fortune – des
« personnes de
qualité », les descendants d’un
mode de vie hérité du
temps passé de la noblesse »[51].
Leur univers était établi sur des valeurs
traditionnellement conservatrices
(libéralisme économique, famille, religion,
valeurs patriotiques). Mais cet
univers fermé qui pratique
« l’entre soi » va
être concurrencé par
des prétendants, de nouveaux enrichis. Plus
généralement, l’apparition de la
« société de consommation, la
prolifération de nouvelles technologies
(communication, mode de vie, électroménager,
etc.), la libération sexuelle (je
dois maintenant m’interroger longuement pour
déterminer mon orientation
sexuelle : hétéro, homo, bi, trans,
lesbienne...), les nouvelles normes
familiales (banalisation du divorce, PACS, familles
recomposées, mères
porteuses), les nouvelles normes de réussite scolaire[52]
et
l’explosion de la précarité au travail
vont dynamiter les anciens modèles (sauf
le libéralisme économique qui sort grand
vainqueur de sa confrontation
planétaire avec le Communisme, un système
politique présenté comme
« scientifique »
qui n’a hélas réussi
qu’à réduire les peuples en esclavage).
« Pour surmonter les contradictions intimes qui le rongent et fuir devant son ombre, le capital est sans cesse contraint d’élargir ses espaces d’accumulation et d’accélérer le rythme de ses rotations. Tendant à faire marchandise de tout, il dévore l’espace et endiable le temps »[53]. Le capitalisme nécessite en permanence pour générer de nouveaux profits de créer des besoins jusque là inédits (des fraises et des roses à Noël en Europe, des îles artificielles paradisiaques dans les Emirats, etc.), de proposer des modèles, des images, des sons, des représentations assez forts ou transgressifs pour constituer de nouvelles normes de « Liberté » et de « Bonheur » (c’est un fait, analyse Michel-Edouard Leclerc, deuxième libraire de France, « en matière de culture, c’est l’offre qui génère la demande »). Pour Shigeru Miyamoto, pilier de Nintendo et de l’industrie du jeu vidéo (il est à l’origine de la Nintendo DS et de la Wii), « la société se divise en deux : les gens qui jouent, et les autres, restés à la porte de cette expérience. Notre mission est de faire du jeu vidéo une aventure existante pour les deux catégories de personnes »[54]. Du plus jeune au plus âgé, chacun de nous est appelé à consommer et à apprécier les produits Nintendo (pourquoi ne pas tenter par ailleurs d’attirer le public féminin dans les tribunes des stades de rugby – stratégie affichée du Stade Français -, pourquoi ne pas « éduquer » le public féminin aux joies des paris hippiques – la « minute épique », tous les soirs sur France 3[55] - ?).
Dans
ce contexte économique
marqué par l’inquiétude (les crises
à répétition se succèdent,
menaçant
maintenant l’équilibre des états
européens les plus fragiles), de nouvelles
normes artistiques et culturelles, adaptées à
cette époque où l’on peut tout
contester, tout remettre en cause... sauf les
inégalités et l’efficacité
du
Libéralisme, se sont aussi
développées, pour provoquer débats et
achats, controverses
et enthousiasmes, y compris dans le domaine
cinématographiques[56].
5.3.3.
L’Art et
la Culture au temps de la Communication
globale
5.3.3.1.Le nouveau culte
Aujourd’hui le « Bourgeois Bohême », représentant idéal de cette nouvelle classe moyenne aisée, intellectuelle et cultivée, fasciné par le mode de vie de la Jet-Set, sera à Metz, demain à Venise (au Palazzo Grassi ou à Punta Della Dogana[57]) pour admirer les collections d’art contemporain de leur compatriote « exilé » François Pinault, une des plus importantes fortunes de notre pays[58]). Puisque l’Art contemporain constitue désormais une valeur marquante de nos sociétés, il fallait des cathédrales démesurées, des réalisations architecturales hors normes (il est bien fini, le temps des « musées-palais ») pour célébrer le culte de cette nouvelle modernité. Avec New-York, Londres, Paris, Metz, Venise, Bilbao (Vitry-sur-Seine ?[59]), et bientôt Lens, Marseille ou Abou Dabi, le « Bourgeois Bohême», une nouvelle classe sociale « cool » mais imbue d’elle-même, de ses privilèges, de ses préjugés, toujours en quête d’innovation, trouvera des étapes sacramentelles prestigieuses pour effectuer sa récollection, son cheminement de pèlerin des temps modernes (en quête de sens ?). Dans une société de stress, de compétition, « l’Arche / Musée » promet, loin des bidonvilles et autres « quartiers relégués », de rencontrer le mythe essentiel de l’unité de l’Art : Beauté, Paix et Sérénité (avec juste ce qu’il faut de consommation) !
5.3.3.2.Le nouveau rituel
Le visiteur, l’amateur d’art contemporain – nouveau démiurge des temps modernes - sait maintenant que sa seule présence, sa participation active, vont permettre à l’œuvre de se réaliser pleinement[60]. Le nouveau fidèle est lui aussi devenu une sorte d’œuvre artistique. Quels comportements adopter pour être « Art contemporain compatible ?
Le catalogue de l’exposition à la main en guise d’antiphonaire, l’amateur d’art contemporain rencontrera ailleurs, dans d’autres musées, parfaitement mises en perspective, merveilleusement protégées, d’autres boites de « Merda d’artista » (une œuvre véritable, aux antipodes des programmes racoleurs, superficiels et vulgaires produits en quantités industrielles par TF1 et autres chaînes de la TNT pour des classes populaires sans culture) boîtes de « Merda d’artista » qu’il se fera un devoir, à chaque fois, d’admirer pour leur immense valeur artistique et symbolique, en rappelant toujours, avec la plus grande fascination, que ces boites contenant des excréments d’artiste ont maintenant plus de valeur que l’or...
Sommes-nous
si éloignés que cela
de la mise en place d’un nouvel « art
officiel », dominateur,
uniformisateur, qui donnerait la première place aux
œuvres abstraites ou
conceptuelles ?...
5.3.3.3.Stratégies artistiques pour envahir et saturer l’espace artistique, et au-delà
Vraiment, il y a quelque chose de fondateur, dans le choix fait par les organisateurs d’exposer cette œuvre à Metz dès l’inauguration du Centre. Si l’on se reporte à la société telle qu’elle était voici seulement une quarantaine d’années, cette présentation aurait été quasi impossible, tant la notion de « bon goût » était liée à une vision « conservatrice » du monde (Voici ce qu’écrivait Pierre Bourdieu, sociologue critique et contestataire, en 1971 : « L’exigence de rentabilité conduit à viser un public large et donc à atteindre un consommateur « moyen ». Les conditions sociales de cette production vont pousser à choisir les procédés techniques et les effets esthétiques immédiatement accessibles à un grand public. Elles imposeront d’écarter tous les thèmes pouvant prêter à controverse ou susceptible de choquer telle ou telle fraction du public »[65]). Le sociologue se trompait, l’histoire des Arts va se bâtir sur le scandale, la transgression, faire tomber les « tabous », sans autre perspective que d’aller toujours plus loin dans les surenchères pour captiver l’attention et – c’est là tout le paradoxe - empêcher de penser... Dans une société « libre », décomplexée, (presque) « No limit », l’Art pourra convertir les derniers zoïles à sa cause ; il sera pour cela autorisé à tous les débordements :
5.3.3.4.Une culture inédite, au risque du pire
Notre
société (par publicités et
télévisions privées
interposées) se fait chaque jour plus cruelle,
obscène,
violente, pornographique, scandaleuse, transgressive, mais, au fond,
conservatrice
pour l’ordre social actuel. A chaque instant, les
médias nous racontent de
jolies histoires, de véritables contes de fées
modernes mis en forme par
d’habiles communicants : comment ne serions-nous pas
au comble de la
félicité en apprenant que le cinéaste
populaire Luc Besson –
« l’enfant
gâté du cinéma
français » – vient de changer
de statut et d’affirmer son
incontestable réussite matérielle en devenant
l’heureux propriétaire du château
des Lettiers, une demeure en briques rouges du XVIIIe
entourée de
dépendances, le tout situé dans un domaine de 200
hectares[67] ?
« On aurait dit Moulinsart, j’ai
adoré et j’ai
acheté » déclare le
réalisateur qui a pu, en acquérant cette
thébaïde, réaliser
un rêve d’enfant... Demain cette
réussite complète sera également la
nôtre ! (Il nous suffit pour cela de
croire aux promesses libérales, de
« Travailler plus »)...
Sous
nos yeux incrédules, comme
si cette évolution était désormais
inéluctable, une nouvelle culture inédite et
mondialisée est en train de modifier la texture du monde :
des synergies fluides
et inattendues (elles ne sont contradictoires qu’en
apparence) vont faire
émerger les nouveaux codes esthétiques dominants
(synonymes de modernité, de félicité
partagée) qui guideront demain les jeunes
générations : Matisse /
« Secret Story », Godard /
« L’île de la
tentation », Malevitch
/ « Fear Factor », Rodin /
Endémol, Picasso / « Le petit journal de
Canal Plus », Duchamp
/ « Auchan », Barthes /
« Séguéla »,
Finkielkraut / « Lady Gaga »,
Manzoni /
« Manzoni ». Tous
nécessairement et définitivement
complémentaires !
Dans une société capitaliste relativiste qui voit se succéder les crises[68] (mais pas pour tous...[69]), minée par un individualisme régressif, où le lien social (la Fraternité) se désagrège, la « merda d’artista », apolitique, consensuelle et inodore, sera-t-elle le nouveau Graal, la production artistique emblématique et désirable que la classe moyenne viendra demain adorer dans ces nouveaux temples conceptuels, légués par de généreux mécènes et parfumés par le suave encens de la liberté et de l’immortalité ?... Les chefs-d’œuvre de l’Art questionneront tout, sauf, peut-être, l’essentiel... Mythes éternels, ils seront aussi éphémères, remplaçables (mais magnifiés, idéalisés, reproduits à l’infini), et soumis aux lois du marché : le public des classes « moyennes supérieures » les reconnaîtra, car il possède sans nul doute « la disponibilité, le goût pour l’échange et la réelle ouverture d’esprit qui permettent de comprendre l’art contemporain »[70].
5.3.3.5.Vers une possible remise en cause du modèle ?
Rien,
non vraiment rien ne semble
pouvoir gripper cette « machine à
rêver ». Et pourtant... pourtant, en
cet été 2010, la classe moyenne /
supérieure questionne également le
modèle
néo-libéral qui constituait
jusqu’à maintenant son horizon...
indépassable :
«Une personne de feu la classe moyenne est bien plus proche
– et se sent bien
plus proche – aujourd’hui d’un pauvre que
d’un ultra-riche. Il se sent menacé,
durablement fragilisé et n’a plus
l’assurance que le système républicain
qu’il
a contribué au cours de trois républiques
à mettre en place garantira l’avenir
de ses enfants »[71].
Est-ce
là le simple reflet d’une opinion qui
désavoue le Président actuel (ce qui
réjouit l’opposition dans la perspective de
l’alternance en 2012), ou le
signe d’une remise en cause plus profonde du
système libéral (et du rôle
que joue l’Art dans cette
société) ?...
5.4.
La culture
« Mainstream », notre ultime
horizon ?
« Le triomphe arrogant du monde des technologies nouvelles et de la consommation correspond aujourd’hui à une période de glaciation de la pensée sociale »[72]. Dans ce contexte attentiste, en constituant un nouveau réel « artistico-ludique », insouciant et sensuel, en intégrant les contraintes du marché (profit maximum généré dans un minimum de temps), l’Art risque bel et bien d’être totalement absorbé par l’Entertainment, le spectacle (notre ultime horizon idéologique ?). En tentant de calquer notre système de pensée sur celui de notre « modèle » nord américain, nous voici de plein pied dans une période de « consensus apaisé » où il va être de plus en plus difficile de préciser la place des Arts - et du cinéma - dans la société...
De
nouvelles synergies tissent
des liens entre artistes et hommes d’affaires
(l’artiste devenant non seulement
une œuvre d’art, mais aussi un homme
d’affaires « Gagner de l’argent
est
un art, travailler est un art et faire de bonnes affaires est le plus
bel art
qui soit » déclarait – avec un
humour certain - Andy
Warhol). Autre artiste contemporain,
« Ben assume une possible
illégitimité de son travail en
écrivant sous une
reproduction de code-barres « ça
c’est moi » ou encore
« est-ce
bien de l’art ? »,
« je suis un menteur »,
« je
voulais faire du nouveau et j’ai fait comme les
autres ». En ces temps de
cynisme banalisé, Ben n’hésite pas
à commercialiser ses petites phrases chocs
auprès de toutes sortes de marques et de produits :
stylos, agendas,
tee-shirts, affiches de festivals, etc. »[73]).
Bienvenue
dans une époque
« trendy »[74],
« cool » de buzz et de valeurs
relatives ! Bienvenue dans cette
culture « mainstream »
« hip » (ni
« high » ni
« low »), cette
« culture qui plait à tout le
monde »[75] !
Faisons un rêve : voici Jeff Koons (ou bien Maurizio Cattelan, ou encore Damien Hirst), avec le talent qu’on leur connaît, en train de décorer, pour la plus grande fierté des habitants (et pour un salaire des plus raisonnables) la cage d’escalier d’un immeuble d’habitation dans une « banlieue de relégation », à La Courneuve ou aux Tarterêts... (Oui, c’est bien un rêve aujourd’hui, mais l’Art, nous le savons bien, sera demain indispensable pour recoudre le lien social !...).
5.5. « Réalité augmentée », un cauchemar artistique et numérique
De nouveaux comportements (l’individualisme, l’égoïsme, la volonté de ne plus être en contact qu’avec les membres de sa « tribu ») pourraient entraîner une évolution de nos sociétés d’abondance vers un monde virtuel : « La réalité virtuelle permet de créer une expérience immersive. Le participant ou le spectateur se retrouve dans monde entièrement synthétique, créé par l’artiste ; certains systèmes reposent sur le port d’un visiocasque, tandis que d’autres expériences virtuelles sont conçues pour Internet, où des mondes 3D peuvent être explorés par le truchement de personnages ou de formes de vie artificielle »[76].
« Sur Second Life, je vole comme un oiseau, je cours comme une gazelle et ne me fatigue jamais. Je ne me nourris que de pixels. Et quand je me pince, je ne sens jamais rien ! Ma vie est numérique du soir au matin, c’est-à-dire que mon petit-déjeuner est numérique, la concierge de mon immeuble est numérique et le chef de mon service au boulot qui ressemble en 3 D à une amazone de bande dessinée est également numérique. Ouais ! (...) Second Life est un outil pour simuler d’une façon si inventive notre vie réelle, et à tel point, qu’elle devienne un jour, plus réelle que la vraie ! »[77]. Si Fred Forest, artiste multimédia et professeur émérite de l’université de Nice Sophia-Antipolis s’intéresse au devenir de l’art dans les mondes virtuels, il est loin d’être le seul ! Les marchands et les commerçants aussi ! En effet, il est possible que demain « 80 % des internautes assidus auront une deuxième vie dans les mondes virtuels » (par exemple, l’artiste niçois Patrick Moya crée déjà des œuvres d’art dans le monde virtuel de Second Life sous le nom de Moya Janus). « Cette présence massive de clients potentiels dans le virtuel pourrait inciter les plus grandes entreprises à ouvrir des filiales pour favoriser un commerce bien réel dans ces mondes immatériels »[78]. De nouveaux développements pour le Commerce et l’Art ? Au fond, rien de bien nouveau... Mais déjà « certains accusent le Net de conditionner les utilisateurs ; à force d’être immergés dans sa pratique et sa linguistique complexes, ils deviendraient indifférents au monde hors-ligne »[79]. Qu’on le veuille ou non, il faut nous y préparer : « Les mondes virtuels, l’interactivité, la mise en place d’un monde de sensations synthétiques, tout cela concourt à la création d’univers artificiels dont on se dit qu’ils pourraient bien à l’avenir concurrencer, voire remplacer nos anciens modes de perception. C’est notre rapport au réel et les relations que nous entretenons depuis des millénaires avec notre bonne vieille planète qui risquent de basculer »[80]. Nous n’en avons pas encore fini avec le concept d’aliénation !
Conclusion.
A metz :
le
cinéma, un complément
prestigieux
pour les autres Arts ?
La
création cinématographique ne
peut s’envisager que dans ses rapports avec les autres
arts : des
cinéastes (Takeshi Kitano[81],
Agnès Varda[82],
Denis Hopper[83])
ont
ainsi pu présenter récemment au public leurs
créations picturales. Pialat, Cocteau,
Léger, Demy, Lynch, Antonioni, nombreux sont les artistes
qui se sont exprimés
dans ces deux domaines. C’est une évidence,
« le cinéma étant
d’abord de
l’image recroise nécessairement des
problèmes de la peinture, et
réciproquement, la solution cinématographique de
ces problèmes ne peut pas être
restée sans influence sur la peinture »[84].
Curieuse
impression que ressent
le visiteur cinéphile après avoir
visité l’exposition organisée
à Metz :
certes les « grands noms », les
noms incontestables, les noms
attendus par les
partisans de l’Art
cinématographique (Resnais, Méliès,
Hitchcock, Renoir, Buñuel, Godard, etc.) sont
bien présents. Mais la simple observation de la
réalité de la présentation des
œuvres doit nuancer ce constat. Si le cinéma est
bien présent, sa force, sa
vitalité en tant qu’Art sont tronquées
par les organisateurs de l’exposition
(Resnais projeté sur une fenêtre,
Méliès projeté au plafond
d’une salle,
l’œuvre de Godard réduite à
une poursuite dans un musée, Dellsperger voisinant
avec Hitchcock...). Il faut se rendre à
l’évidence, le cinéma est ici un Art
secondaire, un art d’accompagnement, une forme reconnue
certes, mais mineure
par rapport aux Arts Plastiques, à la peinture, à
la sculpture, à la
photographie qui bénéficient elles
d’une présentation des plus respectueuses.
Nous sommes toujours dans la culture
« haute » (pas de stars, pas de
« people ») mais nous contemplons
des œuvres rendues
« faibles », donc
« mineures », qui peuvent alors
servir
d’illustration, distraire, mais ne peuvent rivaliser avec les
formes d’Art
reconnues par le marché et collectionnées par les
milliardaires... Le cinéma
est réduit à des formes, des fantômes
discrets d’un passé déjà
lointain (la
plupart des films sont en noir et blanc...) mais que ces signatures
étaient
prestigieuses ! L’intention de bien faire
était incontestable, mais le
résultat final, on le comprend bien, pose
problème... Et si c’était là
la
partie visible d’un phénomène social
plus profond, plus massif, plus
inquiétant ?...
Au
centre Pompidou-Metz j’ai pu (à
de rares occasions) utiliser les mots « Education,
oeuvre, sublime,
esthétique, émotion, contestation,
révélation», mais j’ai
rapidement compris
que « Stratégie, marketing, image de
marque, tourisme, mécénat,
rentabilité, industries culturelles »
constituaient ici le véritable
vocabulaire de base...
Dans ce contexte néolibéral, dominé par une « élite » restreinte toute puissante et marqué par l’emprise de l’économie et du marché sur la production et les échanges dans le domaine de l’art (les œuvres constituent un actif patrimonial, au même titre qu’une action en Bourse, une forêt ou un appartement), les paroles utopiques du jeune André Malraux[85] (il a alors 33 ans) ont peut-être encore gardé une certaine actualité. Il nous semble encore entendre sa voix : « L’art n’est pas une soumission, c’est une conquête. A la bourgeoisie qui disait « l’individu », le communisme répondra l’homme ! »[86].
Connaîtrons-nous, demain, une société xénophile débarrassée des totalitarismes, respectueuse des héritages artistiques du passé, ouverte à la création contemporaine (un art libre, vigilant, mais aussi au service du public), une société qui puisse enfin avoir le souci de la dignité de chacun dans une fraternité retrouvée ?...
Gérard Hernandez - Lauréat
de la certification
« Cinéma-Audiovisuel »
Article rédigé avec la
documentation de l’espace « Images
Histoire »
de la Médiathèque
Jacques Ellul de Pessac (33). Eté 2010.
ANNEXES - QUELQUES « FIGURES DE LA MODERNITE », D’HIER ET D’AUJOURD’HUI, PROPOSEES SANS JUGEMENT DE VALEUR, ET – PRESQUE - SANS INTERPRETATION ARTISTIQUE....
§
Exposition
« Wir sehen dich / Nous te
voyons », conçue par l’artiste
polonais
Miroslaw Balka à la Staatliche Kunsthalle de
Karlsruhe (été 2010).
Ce musée présente une collection importante de primitifs allemands, des tableaux pour la plupart du 15ième et du 16ième représentant des sujets religieux (crucifixion, annonciation, scènes tirées de la Bible, statues de Vierge à l’enfant). L’artiste a installé un grillage solide de type « stade de football » qui sert de parcours imposé au visiteur. Quelques ouvertures permettent aux spectateurs de s’approcher des œuvres sans avoir à subir la présence du grillage. A noter, au dessus de chaque ouverture, la présence au dessus du grillage d’un fort ventilateur qui se déclenche automatiquement au passage du visiteur. Selon l’artiste, « il convient de matérialiser la puissance modificatrice de la transgression grâce à des passages intensifiant notre perception de l’espace et des œuvres d’art qui y sont exposées ».
§
Une
exposition temporaire à la Städtiche Kunsthalle de
Mannheim (été 2010)
Le visiteur pénètre dans une première salle immense : sur les murs de cette salle est projeté un texte en noir et blanc, ni verticalement ni horizontalement, mais en oblique. Le spectateur va parcourir ensuite trois salles, dans une semi pénombre, éclairées par une lumière bleu. Ces salles contiennent des piles de papier imposantes, sur lesquelles sont projetés des articles de droit constitutionnel ; une voix d’enfant lit ces articles, corrigé dans sa lecture par un adulte. Sans que rien ne laisse anticiper, en quittant la troisième salle, le spectateur déclenche une série de décharges électriques disruptives qui rappellent le crépitement d’une mitraillette, et qui provoquent l’incandescence d’une ampoule, en hauteur, sur un mur. Le spectateur quitte cette salle « agressive » pour une dernière pièce de grandes dimensions (environ vingt mètres sur dix) dans laquelle – toujours dans une semi pénombre – il est entouré d’immenses miroirs déformants qui se mettent à vibrer à son approche. Après son passage dans cet espace, le spectateur quitte l’exposition temporaire pour découvrir de manière plus conventionnelle les autres œuvres du musée.
§
Une
œuvre
de la collection permanente de la Städtiche Kunsthalle de
Mannheim
Un moniteur vidéo diffuse la prestation de l’artiste : il est debout sur un tapis et prend des poses plus ou moins naturelles, chaque pose durant une dizaine de secondes. Au mur du musée, les spectateurs peuvent découvrir le tapis sur lequel l’artiste a effectué sa performance. Des photos viennent compléter le dispositif : l’artiste avec son tapis devant différents paysages, deux, trois, ou quatre personnes posant également sur un tapis plus vaste, également présenté en tant qu’œuvre sur le mur du musée.
§
Ben, le
geste de l’artiste devient l’œuvre
d’art
« Ben a été invité dans les années 60 par une galerie de Londres pour une exposition personnelle. Il a avalé des somnifères et dormi pendant une semaine dans la vitrine de la galerie. Et bien c’était une exposition, le fait qu’il dorme pendant une semaine. Il se réveillait juste pour prendre des cachets et redormir, et ceci a été parfaitement entendu, compris, même si, bien sûr, cela a fait scandale. Là il s’agissait d’un geste qui était une œuvre d’art »[87].
§
Gianni
Motti, une forme de désinvolture esthétique et
éthique proche de
« l’idiotie »
« En 1986 la navette Challenger explosant en vol dans le ciel de Floride, Motti en revendique l’échec par voie de presse. 28 juin 1992, la terre tremble en Californie : aussitôt Motti prévient l’agence Keystone de sa responsabilité en la matière allant jusqu’à assumer aussi les millions de dollars de dégâts, la longue et profonde fissure causée par le séisme »[88]. « Dans sa vidéo « Entierro n°1 », Gianni Motti a mis en scène ses propres funérailles à Vigo. Un faire-part a été publié dans la presse, la foule se presse, les porteurs soulèvent le cercueil ouvert où Motti repose »[89]. En 2005, Gianni Motti parcourt à pied les 27 kilomètres de tunnel qui constituent le grand accélérateur de particules de Genève (cette performance artistique a été filmée par un cameraman). Plus récemment, Gianni Motti, accompagné de son équipe d’assistants, a investi Metz au mois de mai. Chaque assistant porte un T-shirt au nom de l’artiste, et a pour unique consigne de vivre sa vie de tous les jours. Gianni Motti suggère ainsi qu’être artiste c’est, aussi, être là « au mauvais endroit, au bon moment ».
En 2009, Gianni Motti expose au Centre d’Art contemporain de la ferme du Buisson / Scène nationale de Marne-la-Vallée (Noisiel). Il a « carte blanche » et reçoit, pour effectuer sa prestation, 5 000 euros qu’il convertit aussitôt en 6 500 billets d’un dollar, billets qu’il suspend en guirlandes à des fils avec des trombones. Anthropia, dans son blog[90], fait part de ses impressions à ses lecteurs (11/05/2009) : «Comment, tous ces billets suspendus en pleine crise ? Quel mauvais goût. La mauvaise conscience des bourgeois. Les hommes de ménage ne s’y sont pas laissés prendre qui se sont mis à rire (sic) en voyant l’étalage, ils ont compté bien sûr, mais ils ont compris qu’il n’y avait là que du dérisoire face aux milliards dont les médias nous rebattent les oreilles à longueur de JT, incendiant à bon compte les patrons abuseurs. (...) Comment faire acte gratuit d’argent sans virtualité technologique, comment faire écho au monde en donnant à voir les dessous de la production ? Ceci n’est pas de la création monétaire, c’est un ready-made, irruption de l’œil de l’artiste, cadrage, puis retrait, fondu au blanc. L’acte parfait en quelque sorte ».
§ Santiago Sierra : remettre en question les finalités de l’économie de marché, perturber la logique des structures politiques et sociales.
« Afin
de démontrer combien
l’argent permet d’acheter le corps et le temps des
travailleurs pauvres,
Santiago Sierra, artiste espagnol vivant et travaillant à
Mexico, réalise des
actions ultra-provocatrices. Il demande à des
miséreux, moyennant rémunération,
d’effectuer en public des actes aussi absurdes que se faire
raser le crâne
contre une dose de drogue (Porto Rico, 2000), ou de
s’entasser dans les soutes
d’un bateau (Barcelone, 2000). Il a également
engagé en 2002 vingt émigrés
d’origine africaine pour
qu’ »ils creusent pendant un mois, trois
mille
trous de 180 X 70 X 70 cm, pour rien, sur une colline
d’Andalousie »[91].
En
2002, il « expose » à
la Tate Modern de Londres une « ligne de
douze femmes (bien vivantes !), issues des
« minorités
ethniques », faisant face à un mur, et
donc dos au public. [Sur son site Internet,
ARTE présente Santiago Sierra en indiquant
« qu'il puise son inspiration
contestataire axée sur la critique de la mondialisation, de
l'exploitation de
l'homme par l'homme, de l'inégalité des rapports
Nord-Sud et de la corruption
capitaliste [92]» !].
[1] Flammarion, 2010.
[2] Stock, 2003.
[3] Télérama n° 3160 – 04/08/2010.
[4] Cité par Frédéric Martel dans son livre : « Mainstream, Enquête sur cette culture qui plait à tout le monde »
[5] Domecq, Jean-Philippe, « Misère de l’art - essai sur le dernier demi-siècle de création », Calmann-lévy, 1999.
[6] Les bassins industriels (chimie, charbonnage, sidérurgie) sont particulièrement frappés. Entre 2009 et 2010, le chômage en Lorraine a augmenté de 20 % (la crise a détruit en moyenne 108 emplois par jour).
[7] Bellet, Harry, « Le marché de l’art s’écroule demain à 18H30 », Nil éditions, 2001.
[8] Dans les douze ans qui ont suivi son inauguration, le Guggenheim de Bilbao aurait généré la création de plus de 10 000 (certains évoquent même le chiffre de 45 000 !) emplois directs ou indirects au pays basque espagnol.
[9] Site Internet du Centre Pompidou-Metz
[10] La ville de Dunkerque (70 000 habitants) propose au public d’une part les 1 500 œuvres qui constituent la collection du FRAC Nord-Pas-de-Calais, et d’autre part les 1 400 œuvres (collection Gilbert Delaine) réunies dans le prestigieux « Lieu d’Art et d’Action Contemporaine » (24 000 entrées chaque année). La ville compte également un musée des Beaux-Arts (30 000 entrées chaque année). Cette présence « massive » de l’Art contemporain dans cette ville portuaire ouvrière a-t-elle pour autant dopé le tourisme local ?...
[11] Dans un budget annuel de fonctionnement de 10 millions d’euros, la Lorraine injecte 4 millions d’euros, Metz-Métropole 3,6 millions, et l’Etat 1 million.
[12] Site Internet du Centre Pompidou-Metz
[13]
M.
Ernest Antoine Seillière de Laborde occupe les fonctions de
Président de
l’association des amis de la Fondation de Wendel (il a
été le dirigeant du
MEDEF entre 1997 et 2005). Il y a quelques années, les
Wendel ont fêté le
tricentenaire de la fondation de leur première usine
métallurgique en Lorraine.
Ils avaient à cette occasion loué le
musée d’Orsay pour une soirée. Tous les
membres du holding qui gère les biens des Wendel
étaient là : au moins 800
personnes figurent sur la photo prise dans le grand hall du
musée.
[14] Site Internet du Centre Pompidou-Metz
[15] Un reportage a été diffusé par le Journal télévisé de TF1 pour témoigner du succès du musée auprès des populations qui habitent dans un rayon de 100 kilomètres autour de Metz. (30/08/2010)
[16] La France s’est dotée en 2008 (sans parrainage, sans apport du secteur privé) d’un nouveau sous-marin lanceur d’engins, « Le Terrible ». Le coût de cette arme de dissuasion s’élève à environ à 2 400 Millions d’euros, hors coût de développement et de fabrication de ses missiles [Source : Ouest-France], c’est-à-dire l’équivalent de 34 musées Pompidou-Metz... Toujours dans le même ordre d’idée, un esprit facétieux pourrait calculer le nombre de musées type « Pompidou-Metz » que l’Etat aurait pu bâtir dans les « quartiers défavorisés » s’il avait prélevé - pour une utilisation collective - les sommes que Mme Liliane Bettencourt avait envisagé de donner à une seule personne, son protégé le photographe François-Marie Banier : pas moins de 14 musées !!! (le visage culturel et patrimonial de la France en eut été grandement amélioré, et quel signal positif pour les jeunes des banlieues / ghettos !).
[17] RMC info – 02/08/2010.
[18] De Rochebouet, Béatrice, « Jeff Koons aux 24 heures du Mans », Le Figaro, 10/06/2010.
[19] Cette rencontre mondaine, telle que nous l’a présentée M6, était des plus courtoises. Il y avait, comme au temps glorieux des Boieldieu (Pierre Fresnay) et des von Rauffenstein (Eric Von Strohein) - héros de « La grande illusion » / Renoir / 1937 -, une réelle connivence, un plaisant quant-à-soi entre habitants des deux cotés du Rhin. Changement majeur, ces cérémonies n’ont plus désormais pour cadre le salon du riche industriel ou du banquier, mais l’espace public artistique, privatisé pour l’occasion. La cérémonie n’est plus racontée le lendemain par les gazettes, mais filmée et diffusée en direct sur Internet, média démocratique qui rehausse notre statut symbolique en nous donnant l’illusion d’être accueillis à la table des puissants, de partager les privilèges des maîtres du monde.
[20] Le milliardaire français François Pinault est le premier collectionneur mondial des œuvres de Jeff Koons. A l’heure où l’affaire Woerth / Bettencourt met sous le feu des projecteurs les rapports troubles dans notre Démocratie entre le monde politique (partisan du Libéralisme) et le monde des privilégiés milliardaires, peut-être n’est il pas inutile de rappeler que M. Aillagon a été Président du Centre Pompidou Paris (1996 /2002), puis Ministre de la Culture sous la Présidence de M. Chirac, avant de devenir, en 2004, conseiller de François Pinault et Directeur du Palazzo Grassi à Venise. En 2007, M. Aillagon est nommé Président du domaine de Versailles. Et ces nouvelles responsabilités lui permettent d’accueillir au château de Versailles les œuvres de Jeff Koons (controverse et succès médiatique garanti), dont son ami et ancien employeur (M. François Pinault) est un des principaux collectionneurs au monde...
[21] Le magazine de M6 a su trouver les mots pour décrire aux téléspectateurs sous le choc la terrible souffrance des « VIP » et des « Pipoles », confrontés aux embouteillages sans fin qui paralysent Saint-Tropez en été, « VIP » qui sont donc obligés d’utiliser leur hélicoptère personnel s’ils veulent déjeuner dans un restaurant des Baux de Provence... Cette information... « Capitale » devait être portée sans tarder à la connaissance d’un public acquis par avance à cette noble cause !
[22] Site Internet du Centre Pompidou-Metz
[23] Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía (« Musée national centre d’art Reine Sophie »)
[24] Lefèvre, Raymond, « Luis Buñuel », Edilig, Filmo, N°9, 1984.
[25]
A
noter que cette « performance
artistique » maintenant liée au
cinéma
a fait l’objet d’un nouvel
épisode : le 23 juin 2010, l’artiste
suisse
Beat Lippert a traversé le Louvre en 9 minutes et 14
secondes. Ce projet
baptisé par l’artiste « La
sprezzatura » donnera lieu à une
vidéo qui
sera montrée à partir du 3 septembre à
la Milkshake Agency à Genève
(source : Paris Art
http://www.paris-art.com/echos/le-record-de-la-traversee-du-louvre-battu-/956.html#haut).
[26] Né en 1972 à Cannes. Il travaille à Nice et à Paris.
[27] M. François Pinault – l’ancien patron de Pinault-Printemps-Redoute - a finalement préféré l’Italie (Venise) à... Boulogne-Billancourt pour montrer au monde sa collection prestigieuse d’art contemporain. En 1998, M. Pinault a racheté Christie’s, la célèbre maison britannique de vente aux enchères d’objets d’art.
[28] Les très nombreux blogs ou articles parus sur Internet lors de l’ouverture du centre Pompidou-Metz oublient de signaler la présence de cette œuvre (pourtant à nulle autre pareille) dans l’exposition inaugurale...
[29] Voir par exemple Douchet, Jean, « Hitchcock », Petite bibliothèque des cahiers du cinéma, 1999, ou Esquenazi, Jean-Pierre, « Hitchcock et l’aventure de Vertigo », CNRS éditions, 2001.
[30] On peut se reporter notamment à l’étude critique très complète : Curchod, Olivier, « Partie de campagne », Nathan, Synopsis, 1995.
[31] Michel Ceutat rappelle que le militantisme de Godard s’est aussi traduit par son divorce avec l’Amérique, capitaliste et impérialiste : « « La Chinoise » et « Loin du Viêt-Nam » feront de l’Amérique le centre du nouvel impérialisme occidental. Avec « One + One », Godard rejoindra le camp des révolutionnaires les plus extrémistes. Avec « Le gai savoir », Godard s’engage dans la double voie du militantisme marxiste léniniste et d’un absolu dans l’expression cinématographique où Hollywood n’a plus sa place ». (in Ceutat, Michel, Godard Made in USA, « Le cinéma selon Godard », CinémAction, n°52, 1989. Les prises de position politiques ne constitueront sans doute pas ce que la postérité va retenir de Godard cinéaste, mais ce sont des faits connus, « historiques », que l’on peut évoquer sans trouble, et légitimement questionner.
[32] Pérez Turrent, Tomas, La Colina, José, « Conversations avec Luis Buñuel », Petite bibliothèque des cahiers du cinéma, n°98, 2008.
[33] Murcia, Claude, « Un chien andalou, l’age d’or », Nathan, Synopsis, n°17, 1994.
[34] Kyrou, Ado, « Bunuel », Seghers, Cinéma d’aujourd’hui, n°4, 1970.
[35] Lefèvre, Raymond, « Luis Buñuel », Edilig, Filmo, N°9, 1984.
[36] Bergala, Alain, « Luis Buñuel » , Cahiers du Cinéma / Le Monde, Grands réalisateurs, n°20, 2007.
[37] Latil, Loredana, « L’âge d’or », Cinquante films qui ont fait scandale, « CinemAction, n°103, 2002.
[38] Benaïm, Laurence, « Marie Laure de Noailles, la vicomtesse du bizarre », Grasset, 2001.
[39] D’après Hazan, Eric, « Lingua Quintae Republicae – LQR – La propagande du quotidien » - Raisons d’agir – 2006.
[40] Une forme contemporaine et bien réelle du « Newspeak » créé en 1949 par George Orwell dans son roman « 1984 ».L’écrivain britannique imagine que cette langue interdit de penser la complexité, annihile l'esprit critique et rend informulable toute révolte... Mais rassurons- nous, Orwell entendait dénoncer les pratiques d’un régime totalitaire !
[41]
Habitant de Neuilly, M. Martin Bouygues était témoin au mariage du
Président avec sa deuxième épouse
Cécilia (Il
est également parrain de son
fils
Louis Sarkozy). C’est un ancien
client
du cabinet d’avocat de Nicolas Sarkozy
[42] Le Président de la République a modifié la Loi pour avoir la possibilité de nommer lui-même le Président du groupe France-Télévision (aujourd’hui M. Rémy Pfimlin). Comme le fait le libéral Silvio Berlusconi en Italie, pendant que ses amis et alliés contrôlent les médias privés, le Président peut lui aussi orienter directement les médias liés à l’Etat...
[43] (Les Schneider - sidérurgie au Creusot -, le duc de Morny - industrie sucrière -, Jean Dollfus - textile à Mulhouse -, le baron Edouard James de Rothschild (-banque ; il lèguera au Louvre sa collection de quarante mille gravures et de trois mille dessins), Edouard André – banque -, Alfred Chauchard – grands magasins -, ou le Comte Isaac de Camondo - (banque ; il léguera sa collection au Louvre -)
[44] Monnier, Gérard, « L’Art et ses institutions en France », Gallimard, Folio histoire n°66, 1995.
[45] Chalumeau, Jean-Luc, « Où va l’art contemporain ? », Vuibert, 2002.
[46] Perrier, Jean-Claude, La flambée des manuscrits, « Le magazine littéraire », n°479, octobre 2008.
[47]
Mital, Christine,
« Pinault, simple
collectionneur », 14/05/1998,
http://hebdo.nouvelobs.com/sommaire/economie/013981/pinault-simple-collectionneur.html
[48] Le Seuil / Les Presses du réel, 1994.
[49] Ory-Lavollée, Bruno, « Richesses invisibles – que nous apporte la culture ? », First éditions, 1998.
[50] A Paris, les prestigieux hôtels particuliers de Moïse de Camondo (Banque) ou de Edouard André (Banque), la villa Ephrussi / Baronne Charlotte Béatrix de Rothschild à Saint-Jean-Cap-Ferrat (Banque, blé en Russie) ont été légués à l’Etat et sont désormais ouverts au public.
[51] Pinçon, Michel, Pinçon-Charlot Monique, « Grandes fortunes – Dynasties familiales et formes de richesse en France », Petite Bibliothèque Payot, n°605, 2006.
[52] En 1950, moins de 10 % d’une classe d’âge obtient le Bac. En 2010, 64 % d’une classe d’âge obtient le précieux document qui permet au jeune lauréat d’envisager de poursuivre ses études dans l’enseignement supérieur. Ces résultats exceptionnels ont inspiré à M. Pitte, ancien Président de l’Université de la Sorbonne, son pamphlet : « Stop à l’arnaque du Bac ! » (Paru en 2007).
[53] Bensaïd, Daniel, Prémisses de l’altermondialisme... et de sa critique, « Le Magazine Littéraire », n°479, 01/10/2008.
[54] Lener, Cyril, Entretien avec Shigeru Miyamoto, « Chronic’art », n°66, 01/06/2010.
[55] Cette très brève émission quotidienne permet aux téléspectatrices hermétiques à cet univers masculin mystérieux de se familiariser avec le vocabulaire et les caractéristiques des courses hippiques. Pendant quelques minutes, chaque soir, en dehors des plages dévolues aux spots publicitaires, l’espace de la chaîne publique France 3 est « privatisé » pour permettre à la philanthropique société « PMU » de mener à bien son travail d’éducation des populations... (Imagine-t-on le même « temps disponible » consacré chaque jour à la poésie ou aux « musiques du monde » ?...
[56] Cette révolution dans la définition du « goût » explique sans doute le succès populaire - et surtout critique ! - du madré Quentin Tarantino qui ne devrait pourtant pas nous faire oublier la qualité des œuvres cinématographiques d’un John Ford ou d’un Raoul Walsh : ces cinéastes ne prisaient guère les scènes de sadisme et de torture, les transgressions malsaines et gratuites qui nous font frissonner d’un plaisir trouble dans les films de Tarantino... Il ne suffit pas de savoir manipuler les émotions et d’exploiter les pulsions les plus régressives des spectateurs ou de falsifier l’Histoire (« Inglourious Basterds ») en affirmant que les Juifs scalpaient les Nazis en 1944, ou de multiplier les références au cinéma Bis en composant une « B.O d’enfer » pour bâtir une œuvre véritable ! Le cinéma, lui aussi, a besoin de mémoire, de cinéphilie, pour écarter le battage médiatique lié aux modes...
[57] M. Pinault, surnommé « L’amateur d’art français » par la presse transalpine, a investi 20 millions d’euros pour réhabiliter ce bâtiment vénitien (surmonté, selon ses voeux, du drapeau breton...). [Autre exemple des liens publics mais discrets entre monde des affaires et monde politique : chaque année le milliardaire amateur d’art et sa femme accueillent, pour un séjour estival dans leurs « villas musées » de Saint-Tropez et de Dinard, Jacques et Bernadette Chirac, sympathique couple de retraités dont le seul bien immobilier est un château en Corrèze].
[58] Sa collection d’art contemporain serait, avec plus de 2 000 pièces, une des plus importantes du monde. Selon le magazine Forbes, elle serait d’une valeur de 1 400 millions de dollars.
[59] Ville de la banlieue parisienne où a été édifié en 2005 le Musée départemental d’art contemporain du Val de Marne (Mac/Val), à l’initiative du Conseil Général. Le musée accueille 100 000 visiteurs par an. La collection du Musée compte 1 500 œuvres. Coût du musée : 30 millions d’euros (le fonctionnement du musée – 70 employés, 3,5 millions d’euros de budget annuel - est entièrement pris en charge par le Département, dépense qui irrite les représentants locaux de la majorité présidentielle – UMP - : « Trop cher, trop poche des institutions parisiennes, un échec »).
[60] Marcel Duchamp déclarait en 1913 : « C’est le spectateur qui fait l’œuvre ».
[61] Dagognet, François, « Cent mots pour comprendre l’art contemporain », Les empêcheurs de penser en rond, 2003.
[62] Couturier, Elisabeth, « L’art contemporain mode d’emploi », Filipacchi, 2004.
[63] Couturier, Elisabeth, opus cité.
[64] Bosseur, Jean-Yves, « Vocabulaire des arts plastiques du XX°siècle », Article « Corps », Minerve, 1998.
[65] Bourdieu, Pierre, « Le marché des biens symboliques », L’année sociologique, 1971, n°22.
[66] Arts magazine, n°23, avril 2008.
[67] Le château se trouve dans l’Orne. Le château possède une salle de cinéma privée : 200 fauteuils rouges, des colonnades aux murs, copies conformes de ceux du Palais Garnier, un écran géant. Il est situé « à une demi-heure de vol depuis l’héliport d’Issy-les-Moulineaux, Hauts de Seine ».
[68] Il était important que les populations inquiètes de « la France d’en bas » comprennent que la crise dite des « subprime » en 2008 (qui a vu le sauvetage de la finance par l’intervention massive des Etats) était aussi imprévisible et inattendue que l’éruption du volcan islandais Eyjafjöll, qui a perturbé pendant quelques semaines le trafic aérien en Europe du Nord. Puisque cette crise était imprévisible, « naturelle », à quoi bon chercher des responsables, des causes à ce fiasco néo-libéral planétaire !
[69] En France entre 2004 et 2007, alors que près de 10 % de la population est au chômage, les revenus des 0,01 % les plus riches – soit un revenu minimum de 82 000 euros par mois - ont grimpé de 40 %... [Source : Alternatives économiques n°291 – Mai 2010].
[70] Couturier, Elisabeth, « L’art contemporain mode d’emploi », Filipacchi, 2004.
[71] Macé-Scaron, Joseph, « Les hyper riches », Marianne, n°696, 21/08/2010.
[72] Touraine, Alain, « Critique de la modernité », Fayard, 1992.
[73] Mugnier, Hélène, Art et argent, « Arts magazine », n°38, octobre 2009.
[74] A la mode, branché.
[75] Frédéric Martel définit le « Hip » par « à la mode dans le vent, à la page ». Pour cet auteur, « high culture » est une culture savante ou cultivée, élitiste. Elle s’oppose à « low culture », la culture populaire.
[76] Wands, Bruce, « L’art à l’ère du numérique », Thames & Hudson, 2007.
[77] Forest, Fred, Ma seconde vie sur second life, (in) Worms, Anne-Cécile, « Arts numériques », M21, 2008.
[78] Aziosmanoff, Nils, Le média, c’est l’espace, (in) Worms, Anne-Cécile, « Arts numériques », M21, 2008.
[79] Greene, Rachel, « L’art Internet », Thames & Hudson, 2005.
[80] Méredieu, Florence de, « Arts et nouvelles technologies », Larousse, comprendre reconnaître, 2003.
[81]
« Beat Takeshi Kitano,
Gosse de peintre », Fondation Cartier pour
l'art contemporain, Paris
[82] « L’Ile et Elle », Fondation Cartier pour l'art contemporain, Paris
[83] « Denis Hopper et le nouvel Hollywood » à la Cinémathèque française, Paris.
[84] Bonitzer, Pascal, « Décadrages, peinture et cinéma », Cahiers du Cinéma, Essais, 1987.
[85] Malraux, qui, dans quelques années, réalisera son film « L’Espoir ».
[86] Malraux, André, L’art est une conquête – Discours prononcé au 1er Congrès des écrivains soviétiques tenu à Moscou en août 1934, « La politique, la culture » - Gallimard folio essais – n°298 – 1996.
[87] Lamarche-Vadel, Bernard, « Conférences », IFM-Regard, 2005.
[88] Baqué, Dominique, « Pour un nouvel art politique », Flammarion, 2004.
[89] « Lunettes rouges » (blog hébergé par le journal Le Monde), « Thanatos 2, je veux qu’on rit », 24/01/2007.
[90]
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[91] Couturier, Elisabeth, opus cité.
[92]
http://www.arte.tv/fr/art-safari/Les-artistes/1171492.html
- article daté du 20/05/2006.
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