Valeurs et
modes de vie :
« L’Homme
à la caméra » annonce
"l'ère de l'individu"
Plus de 1 000
millions de personnes sont aujourd’hui
sous-alimentées.
Le Monde (19/06/2009).
L’économie mondiale au
bord du gouffre... Alors que les conséquences dramatiques
de la crise financière
la plus grave qu’ait connue le monde capitaliste depuis celle des
années 30 ne cessent de
s’amplifier, le Président Sarkozy, pourtant
fervent défenseur
des thèses libérales, a
plaidé à la tribune de l’ONU pour un
capitalisme
« régulé ».
(...)
Aux USA, pour
permettre le
redémarrage de l’économie,
le plan soumis par la Maison Blanche au Congrès
prévoit d’autoriser l’Etat à
dépenser jusqu’à 700 000
millions de dollars
pour prendre les
hypothèques et actifs douteux des banques
américaines et étrangères.
La presse mondiale
– Septembre 2008.
« La chute de la
bourgeoisie et la victoire du prolétariat sont
également inévitables. (...)
Que les classes
dirigeantes tremblent devant une révolution
communiste !
Les
prolétaires n’ont rien à y perdre que
leurs chaînes, ils ont un monde à gagner.
Les
ouvriers n’ont pas de Patrie. Prolétaires
de tous les pays, unissez-vous ! »
Karl
Marx / Friedrich Engels
(Manifeste du Parti Communiste - 1848).
§
Introduction :
"L'homme à la
caméra est à la fois un film
d'avant-garde, et un film politique, réalisé dans
un contexte révolutionnaire,
"communiste". Les célébrations qui ont
marqué le vingtième
anniversaire de la chute du Mur de Berlin (pour beaucoup le mur "de la
honte", mais « certains Berlinois en
appréhendent un nouveau, le
« Mur de l’Argent[1] »)
ont rappelé que le régime communiste de l'URSS[2]
est
devenu un synonyme de totalitarisme, de répressions et
d'injustices.
Et pourtant, c'est dans un tel
régime, en exerçant des
responsabilités importantes et en étant toujours
impliqué dans ce combat
politique que Dziga Vertov (1896 – 1954)
a réalisé ses films, qu'il a
tenté (quand des espaces de liberté
étaient
encore possibles) de mettre en place de nouvelles conceptions
esthétiques de
l'Art cinématographique (la théorie du
"ciné-œil", qui aura une
grande influence sur les avant-gardes cinématographiques
européennes des années
vingt, tiraillées entre abstraction et documentaire social) .
Aujourd'hui, l'URSS a disparu, et
le Communisme (en
Chine, à Cuba, en Corée du Nord) n'est plus
porteur d’espérance. Le bilan du
communisme se solde par des millions de morts. Le Communisme (avec
"l'Islamisme") reste la menace potentielle qui requiert toute la
vigilance – armée - des régimes
démocratiques.
Et pourtant, en ce début
de 21ième siècle, chaque fois
que l'"Homme à la caméra" est projeté
(avec accompagnement musical
original dans le cadre d'un ciné-concert), ce film
"communiste", en
noir et blanc, muet, émerveille le public par
son style, ses fulgurances, sa virtuosité, mais
aussi, certainement, par
la vision du monde qu'il propose (même si cette vision repose
sans doute
aujourd'hui sur des malentendus que nous essaierons
d'éclaircir).
Pour tenter de comprendre la
complexité du rapport
qu'entretient le film avec le public de notre époque, il
conviendra tout
d'abord de rappeler les conditions de réalisation et les
principales
caractéristiques de la société
communiste dans laquelle le film a été produit.
Dans un deuxième temps,
nous examinerons plus
précisément comment Vertov, un "travailleur"
comme les autres, mais
aussi "un artiste soucieux de
rompre avec la culture bourgeoise[3]",
est à la fois totalement engagé dans un combat
politique pour propager le
Communisme[4],
et
comment sa démarche artistique en fait, au final, un
contestataire des thèses
artistiques majoritaires dans l'URSS de son époque[5].
Enfin nous essaierons de comprendre
quelle est la
vision de la société proposée par le
film. Nous verrons que "l'Homme à la
caméra", œuvre virtuose, n'a rien d'un film de
propagande communiste
"ordinaire" (illustré ultérieurement par le
"réalisme
socialiste" des années trente), et que, bien au contraire,
il annonce
d'une manière visionnaire les mutations qui vont modifier
profondément les
individus et les relations sociales à la fin du 20ième siècle
(triomphe de l'individualisme, du
Libéralisme[6],
"fin de
l'Histoire", société urbaine
éclatée au rythme trépidant). On
pourrait
dire aujourd'hui, en modifiant la célèbre formule
de Lénine[7],
que
"l'Homme à la caméra", c'est
"l'électricité (le triomphe de la
Technique) et le ciné-œil (l’image
partout présente), moins les Soviets (la fin
des idéologies)".
Tentons maintenant de mettre en
évidence les
principales caractéristiques de la
société (l’URSS à la fin des
années vingt) qui
a servi de cadre au film, sans oublier de rappeler que
« l’analyse d’un
film suppose toujours une longue immersion dans son contexte de
production,
mais que celle-ci n’est jamais suffisante... Cette seule
étude ne rendra jamais
compte de la façon dont le film fonctionne[8] ».
1.
Le
Marxisme, une philosophie combattante
« scientifique » qui va
déboucher, par le matérialisme historique,
par la dialectique, sur
la
« victoire du
Prolétariat ».
« Ce
n’est pas la conscience des hommes qui détermine
leur existence, c’est au
contraire leur existence sociale qui détermine leur
conscience » - Karl
Marx (Critique de l’économie politique - 1859).
Il
est difficile de comprendre, en ce début de 21ième
siècle
l’intensité des luttes entre deux
systèmes de pensée, deux visions du monde
radicalement opposées (le Libéralisme et le
Communisme) jusqu’à la disparition
de l’URSS en 1991. Chaque domaine de
l’activité humaine (économique, bien
sûr,
mais aussi social, technologique, sportif et même culturel[9])
servait de
« révélateur »
à la
« supériorité »
d’un système
sur l’autre. La puissance des arsenaux nucléaires
détenus par les deux
« grands » a même fait
planer des menaces sur le destin de la planète
toute entière pendant la guerre froide. Examinons quelques
caractéristiques de
la pensée marxiste.
Karl
Marx (1817 – 1883) va élaborer un
système philosophique et économique
basé sur
le matérialisme historique pour expliquer
l’histoire : « ce ne sont
pas les idées qui mènent le monde, au contraire,
ce sont les conditions économiques,
les rapports de force entre classes (au 19ième,
la Bourgeoisie et le
Prolétariat) qui conditionnent les idées les
« superstructures »).
Pour comprendre les institutions religieuses, juridiques, politiques
d’une
société, il convient, disent les marxistes,
d’étudier sa structure économique,
et les contradictions qui la font
évoluer »[10].
Dans
une société
« communiste » à
venir, ces contradictions seront
résolues par la victoire définitive du
Prolétariat qui marquera la fin de
l’exploitation de l’Homme par l’Homme.
La
pensée marxiste explique l’évolution du
monde par le mouvement, le dynamisme,
la dialectique ; la confrontation, le choc entre une
thèse et son
contraire (antithèse) viennent créer une nouvelle
réalité (la synthèse), qui
englobe et « dépasse »
les deux précédentes. Ces évolutions
permanentes proviennent de la matière, et non de
l’esprit. Nous verrons comment
le film s’inscrit lui aussi dans une démarche
dialectique.
« L’homme
à la caméra » se situe dans un
pays (l’URSS) et à une époque (1928)
où la
révolution communiste a triomphé, où,
si l’on en croit la propagande, le
Prolétariat a pris le pouvoir (1917) en éliminant
la Bourgeoisie[11].
Théoriquement, dans ce contexte en voie de stabilisation,
l’idéologie marxiste
voudrait que l’Histoire soit finie (ce qui n’est
pas sans poser bien des
questions : que faire des œuvres d’art
« bourgeoises » d’avant
la Révolution[12] ?
A quoi peut
ressembler et servir le nouvel Art
« prolétarien » ?
Quelle est
désormais, puisqu’il est entièrement
sous le contrôle de l’Etat et du Parti
communiste, la nouvelle place du cinéma ?).
Le
marxisme se fixe
des objectifs inédits,
comme, par exemple, faire
apparaître un
« homme nouveau » :
« la modification de l’homme est la
condition de réalisation de la société
communiste. Il faut qu’il ait une
mentalité nouvelle et qu’il ait perdu toutes
traces d’esprit bourgeois. L’homme
communiste, homme « total », est
libéré de toutes les aliénations, y
compris l’aliénation
religieuse »[13].
Ces
théories vont susciter de la crainte mais aussi de la
dérision de la part des
intellectuels des démocraties occidentales. Ainsi
l’humoriste Bernard Shaw
(1856 – 1950) n’hésite pas à
affirmer : « Si vous
n’êtes pas
communiste à vingt ans, c’est que vous
n’avez pas de cœur ; si vous
l’êtes
encore à quarante, c’est que vous n’avez
pas de tête ![14] ».
2.
L'URSS à la veille des
années 30 : un pays ruiné qui
se reconstruit lentement.
« En
1921, le pays, essentiellement rural,
sort de la guerre civile totalement ruiné,
détruit, sous alimenté[15].
Lénine lance la NEP (Nouvelle Politique Economique) qui
revient à restaurer un
retour mesuré de l’économie de
marché, une
« transition » dans le
chemin vers le socialisme. En 1927, les résultats
économiques sont
encourageants. Les « koulaks »
(paysans aisés) se sont enrichis dans
les campagnes et la bourgeoisie urbaine (les
« nepmen », petits
industriels et petits commerçants), s'est
consolidée. Les champs sont à nouveau
cultivés, la production industrielle augmente. En 1928, des
tensions
surgissent, obligeant le pouvoir à réquisitionner
les récoltes (ce qui entraîne
des trafics clandestins parallèles) » [16].
« Si
la condition de l’ouvrier s’est nettement
améliorée durant la NEP, le nombre de
chômeurs, en 1926, reste préoccupant.
Malgré le développement industriel, la
ville n’attire pas les hommes, car les conditions
d’existence y sont très
précaires – logement, habillement, pain,
transports, chauffage, tout est
difficile[17] ».
Mais, « d’un
point de vue empirique, la NEP est une période
évidemment très supérieure au
chaos et à la pénurie du
« communisme de guerre » qui la
précède [18]».
La NEP est une période
de paix sociale. Elle atteint son point culminant de liberté
en 1925.
A
partir de 1928, Staline lance le pays dans un plan quinquennal aux
objectifs
démesurés qui va se dérouler dans la
terreur.
3.
L'URSS à la veille des
années 30 : des rivalités
politiques exacerbées qui
débouchent sur
un régime totalitaire dirigé par Staline.
La
Constitution de l’URSS donne tous les pouvoirs à
l’Etat et au Parti Communiste,
le seul parti légal ("Le Parti est désormais un
clergé, réuni autour d'une
Eglise, donc unanime comme elle"[19]).
Dans les années 20, 10 000 dirigeants bolcheviks
exercent le pouvoir dans
un pays rural de plus de 120 millions d’habitants. Les
élections ne sont pas
libres (le vote est public et non secret ; la voix
d’un ouvrier vaut celle
de 6 paysans). Le Guépéou (police politique toute
puissante au service du
Parti) peut décider la déportation en
Sibérie
de tout suspect ayant eu une activité
contre-révolutionnaire. « Le
réseau des camps fondé par Lénine en
1922 constituait un véritable état
parallèle où l’espérance de
vie ne dépassait pas trois ans, alors que les
tribunaux condamnaient couramment à dix, quinze, voire
vingt-cinq années de
détention[20] ».
En 1928, on
estime le nombre des déportés soumis au travail
forcé à 60 000 (dans les
régions éloignées et
inhospitalières).
Lénine
meurt en 1924. En devenant en 1929 secrétaire
général du Parti Communiste,
Staline, après avoir exclu et forcé à
l’exil Trotski et ses amis intellectuels en
1927, centralise tous les pouvoirs (armée, police politique,
prisons,
fonctionnaires jouissant de privilèges au-dessus de la
masse). La dictature
politique, prenant appui sur une bureaucratie envahissante, est
identifiée à la
dictature du prolétariat. Le parti devient de plus en plus
une caste
privilégiée d’origine
ouvrière »[21].
La
révolution a renforcé le pouvoir de
l’Etat. « La violence
d’état va se
déployer en terreur contre des groupes sociaux entiers (les
paysans enrichis,
les croyants, les vieux communistes, les minorités
nationales, ainsi que tous
les opposants virtuels qualifiés de
réactionnaires)[22] ».
Alors Staline va devenir le théoricien officiel du
marxisme : « la
tradition s’établit que celui auquel le parti
confie la tache de le conduire
est nécessairement celui qui détient la
vérité théorique[23] ».
Après
l’échec de la révolution en Allemagne
et en Hongrie, l’URSS est désormais la
patrie sacrée du socialisme, la forteresse
assiégée par le capitalisme qu’il
convient de défendre à tout prix, en suivant les
directives données par Moscou.
C’est dans ce contexte politique inédit que
« les cinéastes des années
1920 et 1930 participent à
l’édification d’une
société socialiste : mythes
fondateurs (exploits de la guerre civile, etc.) et pédagogie
des nouveaux
rapports sociaux »[24].
4.
La propagande communiste : de la
"diffusion des
idées" au contrôle des individus, la place
particulière du cinéma.
"Le
principal, c'est l'agitation et la propagande dans toutes les couche du
peuple" (Lénine).
Même
s'il défend un idéal de liberté et de
progrès, commun à tous les hommes, un
parti se doit d'expliquer comment il entend mettre en place une
politique qui
va permettre d'atteindre ses objectifs. Dans une démocratie,
le discours
politique est relayé (ou non) par une presse pluraliste, qui
a pour souci
d'informer le public avec objectivité. Dans un pays
dirigé par un parti unique
(c'est le cas de l'URSS à la fin des années 20),
le pouvoir entend garder un
contrôle total et neutraliser les oppositions possibles, soit
en les faisant
disparaître (prison, exil), soit en les empêchant
de s'exprimer. De tous les
citoyens, le pouvoir attend un comportement de soumission et
d'abnégation.
Rappelons ici une nouvelle fois que les hommes qui occupent ce pouvoir
« sont en proie à un véritable
fanatisme idéologique ; alors qu’ils
ont bénéficié d’une
éducation familiale, d’une formation
intellectuelle bien
au-dessus de la moyenne (comme Lénine ou Trotski), leurs
conviction politiques
extrêmes vont lever chez eux les interdits moraux
élémentaires, au nom d’une
« autre morale », celle de la
nécessité révolutionnaire[25] ».
Pour
"diffuser ses idées", le Parti Communiste avait
actualisé de
nombreuses techniques aussi anciennes que l'Humanité
(parades, défilés,
manifestations, contrôle de la presse, encadrement de la
jeunesse[26]
)
auxquelles il avait ajouté de nouveaux outils, issus des
évolutions
technologiques (le cinéma). L'enjeu était de
taille : unifier dans le
"marxisme-léninisme" qui servait de colonne
vertébrale au Parti
Communiste, des groupes (intellectuels, paysans, ouvriers) aux
intérêts
contradictoires. Il convenait de trouver, pour chaque
catégorie, un discours
qui à la fois tienne compte de ses
spécificités et à la fois l'englobe
dans une
totalité indépassable, celle de la
société sans classes, ce nouveau corps
collectif dirigé par le Prolétariat.
Lénine et le Parti Communiste allaient
développer de nouvelles techniques de propagande (on peut
donner à ce terme la
définition suivante : « Ensemble
des méthodes utilisées par un groupe
organisé en vue de faire participer activement ou passivement à son action
une masse d’individus
psychologiquement unifiés par des manipulation
psychologiques et encadrés dans
une organisation[27] »).
C'est
ainsi qu'est née "l'agit-prop[28]",
un théâtre imaginatif d'intervention politique
destiné à mobiliser le peuple
autour des consignes données par le parti communiste. Il
s'agissait de
s'adresser au peuple, sur ses lieux de vie ou de travail, dans un
langage
simple, de marteler les slogans politiques du moment. Cela avait
l'apparence
d'un spectacle théâtral, mais l'objectif premier
était bien d'asservir, de
contrôler, d'annihiler l'esprit critique des auditeurs,
d'expliquer l'actualité
en légitimant la justesse des analyses et des positions du
parti communiste.
Que
devient le cinéma dans ce contexte (qui n'a qu'un
très lointain rapport avec
l'activité artistique) ? "Le cinéma et
un instrument de propagande
particulièrement efficace, soit qu'on l'utilise pour sa
valeur documentaire,
soit qu'on l'utilise, comme le théâtre, pour
propager certaines thèses à
travers une vieille légende, un sujet historique ou un
scénario moderne[29]".
Dans
les années 20, le cinéma permet, bien avant
l'invention de la télévision,
d'accéder aux images d'actualité. Ces images sont
filmées et montées pour
servir la propagande officielle. Pour, à la fois, apporter
les messages de
propagande aux populations les plus éloignées, et
pour rapporter des images de
leur engagement spontané dans le
marxisme-léninisme, les bolcheviques
créèrent
au début des années 20 une unité
roulante d'agit-prop (un train que l'on
baptisa train Lénine). Il emportait une troupe de
théâtre, un cinéma ambulant,
des opérateurs, un petit laboratoire de tirage-montage, une
bibliothèque, des
orateurs politiques, une imprimerie…
En
1923, rappelle Marc Ferro, Trotski affirmait : "Le fait que,
jusqu’ici,
nous n’ayons pas mis
la main sur le
cinéma prouve à quel point nous sommes
maladroits, incultes, pour ne pas dire
stupides. Le cinéma est un instrument qui s’impose
de lui-même, le meilleur
instrument de propagande[30]"…
C’est dans ce contexte artistique très particulier
que des cinéastes vont
réaliser des œuvres majeures :
"Koulechov, Vertov, Eisenstein,
Dovjenko se sont engagés avec enthousiasme au service des
idéaux
révolutionnaires, et la plupart sont restés
fidèles au communisme, y compris
pendant la période stalinienne[31]".
5.
Divergences
concernant la fonction des Arts dans une
société communiste
« Historiquement,
l’art cinématographique s’est
constitué au carrefour de deux traditions : la
première est celle du film d’actualités
non artistiques, la seconde celle du
théâtre. Dans un film
d’actualités, le degré de
réalité d’un homme et des
choses qui l’environnent est le même. On attribue
aux choses la même quantité
de réalité qu’aux gens [32]».
En
1927, la révolution fête ses dix ans. Une
société nouvelle est née, qui a
enfin, assure la propagande, réconcilié
le travail manuel et le travail intellectuel, qui a supprimé
l'exploitation de
l'homme par l'homme. Mais le prolétariat ne peut
réellement exercer son rôle de
classe dominante qu'après avoir
"révolutionné" également le monde de
la culture, puisque cet enjeu figure déjà dans
les écrits de Marx (« La
culture dont le bourgeois déplore la perte n’est,
pour l’immense majorité,
qu’un dressage qui en fait des machines [33]»).
Comment
"faire vivre ensemble" un peuple essentiellement composé de
paysans
illettrés, un prolétariat ouvrier
misérable, une "avant-garde
politique" qui entend garder le pouvoir à tout prix, et des
intellectuels
qui défendent le patrimoine et la culture "bourgeoise" ? Pour exister, les
novateurs ne peuvent que
s'attaquer aux conservateurs pour imposer une nouvelle
esthétique, qui, avec le
temps, risquera
fort de se figer à son
tour en nouveau classicisme sclérosé…
Dans un régime communiste, les artistes
ne peuvent "révolutionner" l'Art que sous le
contrôle et avec
l'accord du parti communiste, qui est le seul et unique "Parti du
prolétariat".
Pour
réussir la révolution, Lénine
s’appuie sur un parti communiste tout puissant,
réorganise l’économie,
bâillonne les oppositions, mais cela ne suffit pas. Il
entend également « élever le
niveau culturel des masses, et avant tout
donner une instruction générale et technique
(gratuite, laïque, mixte) à une
population qui compte 70 % d’analphabètes.
Dans
le domaine de l’Art, il demande aux artistes de
« s’engager » de
prendre parti contre la bourgeoisie. Mais Lénine est hostile
à l’art moderne et
à ses tendances non figuratives. Ses goûts sont
simples. Il déclare :
« Je ne puis considérer les
œuvres de l’expressionnisme, du futurisme, du
cubisme et tous les autres
« ismes » comme la manifestation
suprême
du génie artistique. Je ne les comprends pas, et je
n’en tire aucun
plaisir ». Lénine redoutait le fond
anarchique inhérent à l’Art et aux
artistes.
Il affirmait : « On ne peut construire une
culture ; on ne peut
que reconstruire la culture résultant de
l’évolution de l’humanité
toute
entière. C’est pourquoi je préconise
l’assimilation critique du legs
bourgeois ». Lénine fut
l’inspirateur de la lettre sur les Proletkults
(Comités de culture prolétarienne lettre qui, en
1920, dénonçait
« l’idéologie
étrangère au peuple » de la
« prétendue gauche
artistique » et jetait les fondements du futur
« réalisme
socialiste »
qui allait mettre l’art au seul service du régime
totalitaire de Staline »[34].
La
révolution russe va permettre l'éclosion de
courants artistiques nouveaux qui
ambitionnent (dans un bouillonnement et un enthousiasme parfois confus)
de
"refaire le monde", en tous cas de se démarquer de la
culture
"bourgeoise", la seule qui avait pignon sur rue
(« Dziga Vertov
n’hésite pas à
déclarer : Le drame
cinématographique est l’opium du
peuple. A bas les fables bourgeoises ! ) [35]».
Vertov affiche un réel mépris pour ses
collègues qui ne partagent pas son point
de vue : "Nous nous appelons les Kinoks pour nous
différencier des
"cinéastes", troupeau de chiffonniers qui fourguent assez
bien leurs
vieilleries[36]".
Très
tôt, les cubistes, les constructivistes et les futuristes
vont se rallier à la
révolution. Les futuristes voient déjà
la révolution couronnée par une utopie
esthétique :"Un monde où chacun deviendrait
artiste de sa propre vie, et
où toute l'activité de l'homme serait
placée sous la domination de l'art. Mais
ces conceptions rencontrent une vive résistance au sein du
parti bolchevique,
dont les dirigeants restent pour la plupart attachés
à l'esthétique du
réalisme, et ne voient dans le futurisme que… de
la décadence bourgeoise[37]
(…)
Certains artistes appellent à une disparition pure et simple
des formes
traditionnelles de la littérature, poésie lyrique
et roman. Ce mouvement
radical trouve aussi son expression dans le domaine du
cinéma, où « Dziga
Vertov (avec son équipe du Ciné-œil)
prône un cinéma-vérité
opposé au cinéma
dramatique traditionnel et fondé sur le montage de documents
pris sur le vif[38] ».
6.
Le cinéma
soviétique : menacé de disparition, il
atteint, en dix ans, les sommets du cinéma muet.
"Appartenant
à l'Intelligentsia, la plupart des dirigeants bolcheviques
considéraient le
cinéma tout au plus comme une distraction pour le peuple;
ils se sentaient
concernés essentiellement par les actualités[39]".
La
révolution de 1917 précipite le départ
des professionnels du cinéma (le
réalisateur Protazanov, l'acteur Mosjoukine)
qui ont fait naître le cinéma russe.
Au début des années 20, le pays est
ruiné, la famine et les épidémies font
des ravages. La production
cinématographique est au plus bas (10 films produits en 1921
et 1922). Le
cinéma est nationalisé par Lénine car
il a pour vocation d'instruire le peuple
et de le rallier à l'idéologie communiste
(Lounatcharsky, Commissaire du peuple
à l'instruction publique, fut chargé de
réorganiser ce secteur, car tout
manquait : matériel, caméras, pellicule vierge).
Les cinéastes réalisent donc
leurs films à la demande de l'Etat, du parti communiste. Le
parti souhaite
faire du cinéma un instrument "d'éducation"
(élargi aux questions
scientifiques et techniques), et attend qu'il produise une image
idéale de la
société soviétique (la dimension
"propagandiste" de l'art
cinématographique, parfaitement assimilée par les
cinéastes, est acceptée par
les spectateurs). Le parti communiste déploya des efforts
importants pour développer
les langues, les cultures
nationales des différentes républiques
soviétiques (on assiste au renouveau du
cinéma en Ukraine, Géorgie,
Azerbaïdjan). Pendant la NEP, de nombreuses
productions américaines ou allemandes (le plus souvent
médiocres) sont projetés
dans les cinémas soviétiques.
Mais,
« peu à peu, le spectateur
soviétique fut mis à l’abri des dangers
représentés par les divertissements venus de
l’étranger et qui, toujours,
soulevaient cette angoissante question : la jeunesse, qui
consommait ces
films, parviendrait-elle à se forger une identité
soviétique ? »[40].
Si
le cinéma est considéré par les
dirigeants comme un outil de propagande
(« C’est tout le sens de la fameuse
formule de Lénine : « De
tous les arts, le cinéma est pour nous le plus
important ») [41]»,
la
valeur artistique des films reste un sujet de discussions : Trotski
publie en
1923 un article dans lequel il considère le
cinéma comme une simple
distraction, un nouvel "opium du peuple", fort utile cependant pour renflouer les
finances de l'Etat… et
combattre la religion !
Malgré
cette mainmise de l'Etat, ce contrôle exercé sur
la création cinématographique,
l'URSS va permettre, au cœur d'une production qui totalise
environ 800 films, à
une nouvelle génération de jeunes
cinéastes novateurs (issus de la révolution)
de réaliser quelques uns des chefs-d'œuvre
universellement reconnus du cinéma
muet : "Le cuirassé Potemkine" (Eisenstein / 1925), "La
Mère" (Poudovkine / 1926) – "Octobre" (Eisenstein
/ 1927) –
"Tempête sur l'Asie" (Poudovkine / 1928), et, bien
sûr,
« l’Homme à la
caméra » : «Le
cinéma muet est surdéterminé par
la dimension plastique de l’image. L’homme
à la caméra, film-manifeste,
film radical par son montage intellectuel, repose sur le recours
exclusif à
l’image muette et aux virtualités du montage[42] ».
7.
Dziga Vertov, à la fois
poète, bolchevik, artiste
d'avant-garde et visionnaire.
"Dans
ses écrits, Vertov rejetait l'étiquette de
propagandiste, aussi bien que celle
d'artiste; il se proposait seulement de déchiffre le monde[43]".
"Il
ne s'agit pas pour Vertov de produire des contenus
différents (artistiques,
politiques, sociaux) à l'intérieur de la
structure cinématographique, mais de
faire exploser le cinéma en tant que machine capitaliste de
production du
visible[44]".
7.1.
Un
artiste au service de la Révolution
"Dziga
Vertov-Kaufman est né en 1896 (ses parents,
nommés Kaufman, étaient
bibliothécaires). Il écrit des poèmes,
entreprenant des études de médecine à
Moscou où il fréquente les futuristes. Il
accueille avec enthousiasme la
Révolution d'Octobre et se met au service du gouvernement
des soviets. Il
organise le travail des opérateurs sur les fronts de la
guerre civile et monte
leurs matériaux. Il se met à travailler
à la Kinonédélia
(la semaine
cinématographique), un journal d'actualité dont
le premier numéro fut édité en
1918. Vertov se passionna pour les actualités et leur
montage. Il forme, avec
sa femme (la monteuse Elizaveta Svilova) et quelques amis, un petit
groupe
d'avant-garde qu'il baptisa les kinoks (de Kino,
cinéma, et Oko,
œil) : "Le Conseil des Trois s'appuie sur le programme
communiste et
s'efforce de faire pénétrer les idées
léninistes dans le cinéma[45]".
Il réalise plusieurs documentaires sur la
révolution (dont "le train de
propagande Lénine") et fonde en 1922 un
périodique filmé, la Kino-Pravda
(de Pravda, vérité) Les
conditions de tournage sont loin d'être de tout
repos ("Pendant la guerre civile, il nous est arrivé de nous
trouver dans
des trains en flammes, dans des zones infestées de bandits,
et nous filmions
dans le train en flammes[46]").
Le montage d'actualités ou même de documentaires
en partant d'évènements pris
dans celle-ci était un travail assez ingrat; la Kino-Pravda
permit à Vertov de
réaliser ce qu'il voulait et de s'imposer comme
créateur.
Il
souhaite faire "du passé table rase" : "Nous
déclarons que les
vieux films romancés,
théâtralisés et autres ont la
lèpre[47]".
Il développe ses prises de position théoriques
(« s’il existe en Art une
gauche plus extrémiste que la gauche extrémiste,
la place revient de plein
droit à Vertov »[48])
et,
en futuriste convaincu, il proclame son admiration pour les machines,
messagères des temps futurs[49]
("L'Homme nouveau, qui aura les mouvements précis et
légers de la machine,
sera le noble sujet des films[50]").
En
1922, « il démontre l'importance
fondamentale du montage au cinéma (il
crée une séquence cohérente avec des
éléments disparates dans leur origine,
mais offrant une parenté dans leur sujet. Du
réel, il passe à l'imaginaire, et
le théoricien devient démiurge; il prend un ton
messianique qui tourne à
l'extravagance. Il entend engendrer un nouvel Adam, et aussi un espace
non plus
à trois mais à multiples dimensions, et cela
à partir d'un matériau qu'il n'a
pas préparé, qu'il n'a pas mis en
scène. Pour Vertov, le cinéma fut la
structuration, par le montage, soit d'éléments
nés du hasard, soit d'éléments
organisant la prise du hasard sur le vif, en établissant, au
préalable, non pas
un scénario, mais un plan de tournage[51]".
S’il est bien un cinéaste majeur du montage,
Jacques Aumont signale que
« Vertov n'aura que peu évoqué
dans ses textes la notion de cadrage[52]».
Artiste
visionnaire, « Il voulait traquer avec son
œil mécanique l’invisible dans
le visible[53] »,
théorie que
« les techniciens du monde entier
considéraient comme impossible, absurde,
utopique... [54]».
Chaque film de Vertov constitue une expérience
particulière, « qui
mériterait d’être commenté du point de
vue de ses liens aux institutions qui le financent
ou le commandent afin de saisir la nature du
lien entre le cinéaste et sa tâche
propagandiste »[55].
Militant
(il participe à de nombreuses conférences et
discussions consacrées par le parti
communiste à l'avenir du cinéma) et
cinéaste visionnaire se confondent : Vertov
(« représentant d’une image
perception[56] »)
entendait créer un langage universel,
éloigné du récit mais
compréhensible par
les prolétaires de tous les pays (Notons toutefois le
décalage avec la réalité,
puisque, à sa sortie, le film reçut un accueil
mitigé). Engagé avec conviction
dans l’action politique, « Vertov ne
cherche pas à montrer le monde tel
qu’il est, mais tel qu’il
« doit »
être »[57].
Comme le feront d’autres auteurs marxistes
(Lénine, Trotski, Gramsci ou Lukacs)
Vertov « voudra abolir cette séparation
idéaliste de la théorie et de la
pratique[58] ».
7.2.
Le
difficile combat de
l’ « avant-garde »
Dans
les années 30, Vertov sera accusé de "formalisme"
et se retrouvera,
pendant le stalinisme, isolé, sans commandes
(« cette difficulté
grandissante à produire ses films fournira les
symptômes les plus manifestes de
la trahison des idéaux révolutionnaires par le
pouvoir d’Etat, qui pourtant s’en
réclame toujours[59] »).
Son nom sera
retiré des écoles de cinéma et ses
films ne seront plus montrés. Entre 1947 et
1954, il tournera principalement des actualités au service
de la propagande du
régime stalinien. Maintenant une page essentielle de
l’histoire du cinéma
soviétique s’était tournée,
et le temps
était venu où le camarade Staline guidait les
cinéastes, les inspirait, et
"corrigeait leurs erreurs".
Vertov
est un modeste travailleur, un humble chef d'équipe, mais il
est aussi le
"Sur-homme" tout puissant, doué d'ubiquité,
capable, par sa maîtrise
du cinéma (réalisateur, scénariste et
monteur) et par la fulgurance
révolutionnaire et provocatrice de ses théories,
de refonder le monde de l'art
("Vous avez peut-être parmi vous un Lénine du
cinématographe russe, et
vous ne le laissez pas travailler sous prétexte que les
produits de son
activité sont neufs et
incompréhensibles…[60]"),
de déchiffrer le monde communiste et de construire la
nouvelle vérité qui va
guider le prolétariat (épaulé
maintenant par de merveilleuses machines de plus
en plus rapides et précises) vers de nouveaux horizons, vers
de nouvelles vies
(un Communisme "Plus"), que ni Marx ni Lénine ni les
bolcheviks ne
pouvaient imaginer !…
Par
le mariage mystique de l'Art et de la Science, l'œil de la
caméra va réinventer
le monde, et c'est Dziga Vertov qui en dirige l'objectif. Ce pourrait
être là
la dernière utopie, l'étape
indépassable de toute l'évolution de
l'Humanité qui
accèdera enfin au Bonheur. Le prolétariat
pourra-t-il jamais parvenir à cet
"avenir radieux et paradisiaque » que lui
promettent, collégialement,
le cinéaste, sa femme et son frère ? Il semble
bien que non... ("La
bourgeoisie cultivée s'est évaporée ou
a disparu, victime de la révolution et
de la guerre civile. De sorte que le cinéma le plus
avant-gardiste du monde
s'adresse désormais à un public
prolétaire et paysan… L'écart culturel
entre le
public et les cinéastes révolutionnaires est trop
important[61]").
8.
Peut-on vraiment filmer "L'Homme
à la
caméra'" ?...
« En
bref, il
s’agit en prenant des documents
pris dans des films d’actualités, de juxtaposer
des faits authentiques selon un
arbitraire convenu. On exprime alors une idée qui
n’existe qu’en raison de ces
assemblages, lesquels en arrivent, parfois, à faire dire aux
images le contraire
de ce qu’elles montrent. C’est – ou ce
peut être – l’art de faire du faux avec
du vrai [62]».
La
juxtaposition des plans d'un film va, par nature, induire un sens, une
signification (« La succession des plans donnait le
sens du film et
imposait au spectateur le discours du réalisateur[63] »).
Si certains plans de l'"Homme à la caméra" sont
"pris dans la
vie", n'ont pas fait l'objet d'un projet de filmage, avec une mise en
scène, leur seule présence dans la
continuité du film, dans l'ordre choisi au
montage, révèle des choix qui eux sont
parfaitement maîtrisés…
De
plus, certaines séquences (la poursuite de l'ambulance par
l'opérateur dans les
rues de la ville) sont impossibles à réaliser
sans préparation préalable
(quand, par exemple, la caméra filme le passage de la
voiture de l'opérateur
depuis les étages d'un immeuble).
La
présence du cinéma et de ses techniques dans
l'œuvre peut tout à fait être
intégrée par une analyse filmique[64].
Cette présence ajoute du sens au sens des autres
séquences.
Même
si c’est « la vie »
elle-même qui doit être filmée, cet
objectif
n’est-il pas trop ambitieux ?
(« Le réalisateur,
s’effaçant derrière
l’objectivité absolue – ou tenue pour
telle – de la caméra, enregistrait une
quantité de documents à partir d’un
thème assez vague qui servait de fil
conducteur. L’art consistait simplement à
« cadrer » les prises de
vue, à les ordonner et à les monter. Les faits
enregistrés se trouvaient
« orientés »,
transformés, en raison du rôle qu’on
leur faisait jouer
dans la continuité. L’objectivité
poursuivie n’était en fin de compte
qu’un
trompe-l’œil ou un mythe...[65] »).
Certains critiques affichent un réel scepticisme :
"Malgré
l'authenticité des prises de vues, ce film
célèbre n'est pas vraiment un
documentaire; il relève plutôt de la
poésie constructiviste[66]".
Pour d’autres
observateurs, ce projet est trop
ambitieux ("Dans "l'homme à la caméra",
résumé de toute sa
théorie, c'est toute la vie sous toutes ses formes que
l'opérateur est censé
saisir : ce vaste sujet, ne nous étonnons pas que Vertov y
échoue[67]".
« Ses films truquent, manipulent, mais avec une
désarmante sincérité...[68] »).
Pour obtenir un maximum de naturel,
des sujets filmés
qui ne soient en rien troublés par la prise de vue, Vertov a
dû cacher
l'opérateur ("nous avons aménagé sur
un boulevard de Moscou un petit
bâtiment qui ressemblait à une cabine
téléphonique, et je me suis caché
à
l'intérieur[69]"),
ou créer des
diversions ("Bien souvent, il faut avoir recours à une
deuxième caméra...[70]").
Malgré toutes les ruses du cinéaste et de son
frère opérateur, on voit bien qu'il
est difficile, sinon impossible, de "saisir la vie à
l'improviste"
!). Le "document brut" est bel et bien une utopie technique, mais
aussi sociale et politique
.
9.
Le FILM : Un pari utopique sur le
futur de la société
communiste.
« En
définitive, tout repose sur le « contrat
de croyance » entre
énonciateur et spectateur [71]».
Première
constatation, la saison est fort ensoleillée et la
journée s'annonce vraiment
clémente. Alors que les stéréotypes
associés à la Russie renvoient le
spectateur au froid, aux tempêtes de neige, aux
forêts interminables de sapins,
nous voici parfaitement à l'opposé : cette
"ville" moderne qui baigne
dans la douceur estivale, offre aussi à ses habitants des
possibilités
sportives variées et des espaces balnéaires fort
prisés.
Si
l'on observe de plus près le public qui assiste à
la projection du film dans la
salle de cinéma, on constate qu'il est majoritairement
féminin et que son
apparence est soignée. Il s'agit donc d'un public urbain,
"intellectuel",
ouvert aux formes nouvelles de l'Art, toutes choses en
décalage complet avec la
société soviétique de la fin des
années 20.
La
situation économique
décrite par le film occulte grandement les
difficultés du moment, pourtant bien
connues du réalisateur : banditisme, prostitution,
spéculateurs, millions de
sans-abri, chômage ("L'organisation des Kinopravda a pour but
d'enfoncer,
par un travail organisé, le front de désespoir
causé par le chômage ou d'autres
raisons[72]"),.
Cette
société est incontestablement
"post-révolutionnaire", mais ici aussi
toute référence à la police (en dehors
des agents chargés de réguler la
circulation routière), à la police
secrète chargée de protéger le
régime, à
l'armée, tout cela est occulté.
Puisque
le prolétariat a désormais pris le pouvoir, le
film « dépasse »
également la vision marxiste du travail dans la
société
capitaliste (« Le développement
du machinisme et la division du
travail, en faisant perdre au travail de l’ouvrier tout
caractère d’autonomie, lui
ont fait perdre tout attrait. L’ouvrier devient un simple
accessoire de la
machine, dont on n’exige que l’opération
la plus simple, la plus monotone, la
plus vite apprise[73] »).
Paradoxalement,
ce monde que le film propose aux spectateurs, bien que
composé d'éléments
saisis "dans le réel", est fort
éloigné de la réalité et
des enjeux
de l'époque. Il est difficile de partager
l’opinion formulée par Alain
Weber : « De nos jours, le film garde un
intérêt par sa valeur
informative sur les « moments »
de la vie d’une ville composite
ressemblant aussi bien à Moscou qu’à
Odessa [74]».
Non, le hasard n'a que peu de place dans ce film dont on peut fortement
douter
qu'il ait été "tourné sans plan
préconçu[75]".
Remarquons
que la construction du film répond – globalement -
aux critères de la dialectique
marxiste, mais en les détournant de manière
audacieuse : le monde du travail et
la ville (thèse), le monde des loisirs, du sport et de la
plage (antithèse),
et… le cinéma
(synthèse) ! Cette
synthèse pourrait sembler, dans un régime
communiste, bien iconoclaste. Mais
elle est parfaitement orthodoxe, puisqu'elle s'incarne bien dans
l'articulation
idéale entre Art prolétarien et
idéologie marxiste. Il paraît pourtant bien
dangereux de visionner ce film pour avoir un témoignage
objectif sur la société
soviétique qui l'a produit… Certes,
« un travail matérialiste de
dévoilement de la causalité complexe des rapports
sociaux, et donc de
dénonciation des idées dominantes comme
appartenant à la classe dominante[76] »
a bien été effectué, mais il est
politique, révolutionnaire et donc antérieur
au film.
Vertov
est bien, précise Jean Douchet, « un
cinéaste du nouveau. En
supprimant l’ancien, Vertov a aussi supprimé le
passé[77] ».
C’est bien pour cette raison que le film, d’une
certaine manière, « ne se
démode pas ».
Posons
ici une hypothèse : par l'agencement des
éléments qu'il a
sélectionnés, Vertov
nous propose moins un témoignage sur le présent
(1928) qu'un pari sur l'avenir,
quand toutes les contradictions (il en reste encore quelques unes) de
la
société communiste auront
définitivement été
résolues, quand la science aura
permis de nouveaux miracles ("L'avenir verra le
kinok-ingénieur qui
dirigera les appareils à distance[78]").
L'avenir radieux ne peut-être que communiste, et le
cinéma, dans cette société
du bonheur, sera reconnu pour ce qu'il est déjà :
un art majeur, peut-être le
plus important de tous les arts. Si les spectateurs sont
« dans » le
film, c’est qu’ils sont aussi
« dans » l’action
révolutionnaire,
parce que le cinéma est bien l’art
révolutionnaire par excellence. Vertov filme
l'avant-garde du prolétariat qui guide le peuple vers le
bonheur : nul besoin
de scénario, ce "sujet" (la glorification enthousiaste de la
révolution soviétique), ce thème
fédère, rassemble et dépasse toutes
les histoires
que peut raconter le cinéma "bourgeois" !
Examinons
maintenant de manière plus précise ce monde
(nécessairement
"communiste") décrit par le film et qui doit
bientôt servir de modèle
au monde entier. Nous allons constater, de manière
très troublante, que cette
"nouvelle société à venir" ressemble
beaucoup à notre monde
contemporain qui voit le triomphe de l'individu et du
Libéralisme (il se situe donc
aux antipodes de l'utopie collective communiste des années
vingt !).
10.
« Modernité »
du film :
10.1.
Déjà un
« son » envahissant !
De
nombreuses séquences (l’orchestre dans la salle de
cinéma, les
« bruits » de la ville, le
« concert » improvisé
final
montrent la volonté de Vertov de plonger ses spectateurs
dans un spectacle
total, dans lequel le son jouerait un rôle aussi important
que celui des
images. Il est "le premier cinéaste au monde à
pressentir que le cinéma
futur verrait son art fondé sur le montage
combiné des sons et des paroles[79]".
« L’homme à la
caméra » décrit un
environnement sonore qui rappelle
nos sociétés où l’on
travaille, fait du sport, déambule, tout cela dans un bain
musical qui nous autorise à être à la
fois « ici » et dans notre
« bulle » narcissique.
10.2.
Une
société individualiste, efficace et harmonieuse
« Lénine
le prédit : « C’est la
dialectique matérialiste de l’histoire, en
faisant mûrir économiquement le communisme, qui
permettra l’avènement d’une
société où les hommes se seront si
habitués à observer les règles
fondamentales
de la vie en société, où leur travail
sera devenu si productif que, d’eux-mêmes,
« volontairement », ils
travailleront selon leurs capacités [80]».
Pour la première fois dans l’histoire des hommes,
par la magie de la pensée et
de l’action communiste, une société
juste et égalitaire s’offre à notre
regard.
Nulle menace à l’extérieur, aucune
raison (religieuse, ethnique, sexiste) de
réguler des conflits.
Le
travail est une occupation banale, dans lequel chacun trouve
« naturellement » sa
place : la standardiste, la plieuse de
boites, le sidérurgiste, le mineur et... l’homme
à la caméra, un travailleur
comme les autres. La société
représentée par le film est bien celle des
individus, liés entre eux par un programme politique,
l’acceptation d’une
idéologie implicite, la mise en pratique d’un
pacte social que nul ne conteste,
que nul ne souhaite aménager. Les familles sont
« éclatées »
(les
jeunes enfants qui assistent aux tours de magie ne sont
encadrés par aucun
adulte).
Les
individus, simples silhouettes, n’ont pas
« d’histoire », pas de
psychologie, pas de profondeur : ils naissent, travaillent, se
marient et
meurent (le mort, digne, recouvert de fleurs, garde un visage serein
d’où sont
exclus la vieillesse, la maladie et l’agonie). Seul semble
avoir du sens la
globalité de la société
morcelée, fragmentée, mais qui est
guidée, fort heureusement,
par le marxisme-léninisme, le seul système
politique parfait car basé sur
l’analyse scientifique des faits.
Hommes
et femmes, dans ce système productif, sont donc
interchangeables (à l’atelier,
à l’usine). Affranchis du poids et des contraintes
des anciennes institutions,
ils vont vivre, et... disparaître (seul le cinéma,
véritable mémoire sociale,
rendra honneur à ces nouveaux héros anonymes en
leur conférant l’immortalité).
Cette société (apparemment fluide, mobile et
flottante) s’ouvre à la
consommation, aux loisirs, à un nouveau regard sur le corps.
L’uniformisation
des comportements, qui seule autorisera la réussite du
modèle communiste, ne
s’oppose pas à l’émergence de
l’individualité. Si la classe ouvrière
est
toujours présente pour assurer la
« base » de cette nouvelle
économie
(les paysans, qui constituent l’essentiel de la population du
pays ayant été
« oubliés »),
c’est bien au triomphe de la nouvelle
« classe
moyenne » (désormais ouverte aux
nouveautés) que nous assistons. Les découvertes
techniques (train, bateau, avion) sont spectaculaires et toujours
« magiques ». Pour Vertov, cette
révolution technique
(« l’électricité »)
n’a été possible,
répétons-le une dernière fois,
qu’avec le triomphe du Communisme. Il s’agit bien
d’une singularité du
film : les
« masses »,
« souvent valorisées à gauche comme
acteurs dynamiques et souverains de l’histoire de la vie
politique[81] »,
laissent ici le premier rôle à des individus
singuliers, mais présentés sans
psychologie, sans passé, sans histoire.
10.3.
Une
société où perdurent certaines
inégalités.
Dans
cette société diurne et estivale, le cycle de la
vie se déroule sans heurts
apparents. Il y a bien encore, au début du film, quelques
« exclus »,
mais leur situation n’est en rien
« dramatique » (ils sont dans la
rue, et la rue fait-elle aussi partie de la grande machine communiste.
Ils sont
simplement « en marge »,
« à
l’écart »). Lorsque la
caméra
vient les « chercher » pour les
inclure dans le film, il s’agit bien
aussi d’un geste de solidarité communiste (mais
ces marginaux ne seront plus
présents lors de la cérémonie
cinématographique communiste finale). La vision
du monde du travail est idyllique : pas de souffrances, aucune
pénibilité,
ni mort, ni accident ; nous sommes à
l’opposé des « Temps
modernes »
de Chaplin.
Le
« maître » de
l’URSS (Staline) est absent du film ; si Marx et
Lénine sont mentionnés (un buste pour le premier,
un portrait sur un bâtiment
pour le second), leur discrétion confirme qu’il
s’agit bien avant tout d’un
hommage au « communisme », en
tant que valeur fondatrice de la
libération du prolétariat.
10.4.
Les
machines – le corps
« producteur »
Le
« monde-machine ». Alors que le
cinéma militant occidental va nous
immerger dans un monde du travail synonyme de souffrance et
d’exploitation,
Vertov nous plonge dans un
« monde-machine » (le
cinéma est ici une
machine comme bien d’autres), d’une
précision extraordinaire, qui assure à ses
membres l’abondance et la liberté. Cette
présentation
« orientée » du
monde du travail, totalement encadrée et mise en
scène par une visée
propagandiste, n’est bien entendu ni conforme à la
réalité de l’époque, ni une
anticipation de notre société
« globalisé » de ce
début du 21°
siècle, où le Capitalisme n’en finit
pas de soumettre ses salariés à des pressions
(sur les salaires, les conditions de travail, l’existence
même de l’emploi
menacé de délocalisation vers des pays sans droit
social où les profits servis
aux actionnaires peuvent être plus importants) qui font
aujourd’hui de la
souffrance au travail un thème majeur de notre presse.
Certes,
le paradoxe est grand ! Dans notre
société du gaspillage, nous sommes
libres et comblés quand nous sommes consommateurs
(entièrement tournés vers
l’autosatisfaction narcissique), mais notre souffrance est
grande quand nous
sommes au travail. Les silhouettes du film de Vertov n’ont
pas besoin de
« Travailler plus pour gagner
plus ! » : la mise en place
du communisme a mis un terme définitif à toutes
les contradictions inhérentes
au monde du travail ! La société est
figée, mais personne ne conteste la
place qu’il occupe, (les seuls conflits visibles sont
d’ordre privé et
concernent le divorce d’un couple)... Bonheur au
présent, confiance aveugle dans
le Parti, Bonheur garanti dans le futur !
10.5.
le
« nouveau » corps / le
narcissisme
/ le corps
érotisé
10.5.1.
Un
corps
« hygiénique »,
efficace et en bonne santé
Vertov,
de manière implicite, va très simplement nous
montrer quels changements
bénéfiques le communisme va apporter dans nos
vies quotidiennes. Puisque
« le corps est pris dans des
réseaux de signes qui le conditionnent, le
façonnent, le donnent à voir, à
entendre, à sentir... [82]»,
voyons comment cette glorification de l’individu rejoint
l’idéal narcissique de
nos sociétés : être beau, en
bonne santé. Bienvenue dans un monde sans
virus, sans microbe, presque sans maladie !
10.5.1.1.
L’hygiène
Historiquement,
« entre quête individuelle et
préoccupation collective, la conquête
progressive de l’hygiène est autant le fait des
individus que des gouvernements[83] ».
Dans un pays pauvre et essentiellement rural (comme
l’était l’URSS dans les
années 20), l’hygiène et le soin du
corps ne sont pas la priorité. Une nouvelle
société se met en place, avec de nouvelles normes
corporelles. Vertov va nous
indiquer que cette évolution a été
librement adoptée, qu’elle est
spontanée,
festive, ludique (brossage des dents, femme qui se lave). Vertov exalte
le
confort, le bien-être. Dans une société
urbaine qui fonctionne comme une
machine, il importe que chaque rouage, chaque partie de la
société soit aussi entretenu,
pour garantir un fonctionnement harmonieux. Le travailleur, par le soin
qu’il
porte à son corps, participe à la
réussite du projet communiste. Aucune
instance, pas même le parti communiste, ne vient
délivrer de messages de santé
pour éduquer la population. Etrange
société, où on se lave, on se
maquille, on
entretient son corps, on boit, mais dans laquelle on ne mange jamais...
10.5.1.2.
Le
corps morcelé, éclaté
Le fonctionnement corporel ne peut
se comprendre
que dans le cadre du fonctionnement social. La description de cette
société
communiste très paradoxale (le collectif cède la
place à l’individualité)
comporte un nombre important de plans présentant une partie
du corps. Dans une
approche dialectique, le corps, comme la société,
assigne un rôle défini à
chacune de ses composantes ; mais il semble que ce lien soit
lointain,
utilitaire (on peut noter que le film occulte les relations parentales,
et que
l’enfant qui vient de naître n’a aucune
intimité physique avec sa mère ;
sentiments et émotions semblent bannis du film).
Nous avons accepté, nous
aussi, que prothèses,
organes transplantés et « robots
intelligents » puissent nous
apporter une aide, quand notre organisme, pour cause de maladie ou de
vieillissement, atteint ses limites naturelles. La technologie
serait-elle plus
fiable que les créations de la nature ? ("A la porte les
faiblesses de
l'œil humain ! Nous ne pouvons rendre nos yeux meilleurs
qu'ils ont été faits,
mais la caméra, elle, peut-être
indéfiniment perfectionnée[84]").
Certains d’entre nous sont déjà
prêts à devenir ce que Isaac Asimov et Philip
K. Dick avaient imaginé, des
« corps-machines » et autres
« hommes bioniques »...
(Problématique qui viendra féconder
l’oeuvre
cinématographique de David Cronemberg).
10.5.1.3.
Le
corps en danger, le corps déréglé,
Le
film ne nous explique pas les causes du décès de
l’homme dont la dépouille est
couverte de fleurs et qui va être enterré. La mort
est désormais banalisée,
elle a perdu sa charge émotive. Par ailleurs, deux causes de
troubles à la
santé sont évoquées par le
film : un accident (la victime sera prise en
charge par les secours, rapides et efficaces) et l’alcoolisme
(les
consommateurs du café semblent tituber dans la rue comme le
suggère la caméra).
Le monde du travail ne présente aucun danger, ne constitue
aucune menace (les
sidérurgistes sont précis et efficaces, les
ouvrières soumises à des
« cadences infernales » ne
ressentent aucun stress, pas même la
moindre fatigue). Si l’alcool constitue un danger,
c’est bien au plan social
(et politique). La caméra filme un portrait de
Lénine qui vacille (une terrible
injure pour ce grand prophète de la nouvelle religion
communiste !). Le
message est clair : un bon communiste vit sainement et
n’a que faire de
l’alcool et des autres produits
stupéfiants !
Notre
société
« hypermoderne » se
caractérise plutôt par des comportements
marqués par l’excès :
« excès de consommation, excès
de jouissance,
excès de pressions, de sollicitations, de stress ;
dans le flux
ininterrompu des évènements dans lesquels
l’individu est plongé, peut-il encore
éprouver autre chose que des sensations ? [85]».
10.5.2.
Un
corps narcissique
Les
critères de la Beauté sont spécifiques
à chaque société. Il est donc
difficile
de définir si Vertov a
« choisi » les personnes retenues
dans le
montage final, et de savoir quelle part ont joué les valeurs
esthétiques dans
ces choix. Il est certain que le film propose une approche du corps qui
ne se
limite pas à la seule hygiène corporelle. Dans le
film, des hommes se font
raser, des femmes
se maquillent (d’autres
tentent d’affiner leur silhouette « dans
les salles de gymnastique
équipées de machines – manivelles,
poulies, treuils, échelles - que l’on vient
d’inventer pour obliger le corps à
travailler [86]»).
Hommes
(y compris « L’Homme à la
caméra ») et femmes pratiquent une
thalassothérapie simple et naturelle. Sans doute y a-t-il de
la part de Vertov
des critiques implicites du mode de vie
« bourgeois » des
« Nepmen » fortunés
qui ont le loisir de soigner leur apparence,
mais, au final, le réalisateur semble partager
l’intérêt de cette quête vers
une Beauté
« naturelle » telle que seul le
prolétariat peut la
montrer au monde. Sur la plage, synonyme de vacances,
le corps s’abandonne, libre,
aux
bienfaits du soleil. Le bronzage du citadin est
valorisé, celui, lié au
travail, du paysan, est oublié... Le cinéma de
Vertov pourrait même, si l'on en
croit son auteur, être bénéfique,
allant jusqu'à fortifier le moral de la
population ("Avec le ciné-drame, on a la gorge
serrée. Avec le ciné-œil,
on reçoit au visage le frais vent printanier,
l'immensité de la vie[87]").
Comme
une machine, le corps est
« travaillé »,
embelli. Les personnes filmées par
« L’Homme à la
caméra » soignent leur apparence
(maquillage, accessoires, vêtements de
qualité). Les handicaps, les difformités ne
concernent pas cette société
utopique.
Vertov
en a bien l’intuition,
« l’esthétisation de
l’apparence corporelle est
devenue conquête sur la nature et le hasard[88] ».
Il nous faut aujourd’hui apprendre à modeler notre
corps-matériau :
saurons-nous, puisque nous en avons la responsabilité,
rendre notre corps
éternellement jeune ?
10.5.3.
Un
corps érotisé, une
société qui libère les pulsions
archaïques.
Nous
pensons à tort que la grande période de
libération sexuelle va se produire aux
USA dans les années soixante. De ce fait, on oublie que
« la période de la
NEP a été propice au développement de
théories sociales visant à
révolutionner
la vie quotidienne, à changer l’esprit petit
bourgeois des gens, leurs
habitudes, leurs préjugés. La place de la
sexualité dans ce courant est
importante : une nouvelle attention est apportée au
corps, à la nudité. La
transparence des rapports sociaux implique la visibilité de
tous par tous. On a
même envisagé, alors que dans les
années vingt fleurissent les associations de
nudistes, le port
de vêtements
transparents ![89] ».
Si
l’on compare les corps décrits par Vertov
à ceux proposés par son grand
contemporain Eisenstein (« du
côté d’Eisenstein nous sommes face
à des
corps prolétaires, bandés par le labeur ou
mobilisés par la lutte, dont le
cinéaste clame la pureté, le combat et le
triomphe sans tache face à
l’oppression, corps qu’il glorifie un peu
naïvement[90] »),
on sera forcé de reconnaître la
modernité du regard de Vertov, son désir de
valoriser le prolétariat, sans le sacraliser.
"Le
film décline toutes les facettes du processus de la vision,
surplombante, en
gros plan, accélérée,
ralentie… Mais l'homme à la caméra
n'est pas un voyeur,
c'est un travailleur, au même titre que les mineurs de charbon[91]".
Ce point de vue mérite discussion. Incontestablement, quand
nous participons à
un spectacle cinématographique, nous sommes des spectateurs,
nous assistons à
une représentation faite d’images et de sons qui
se succèdent dans un ordre
voulu par le cinéaste. Sommes-nous pour autant des
« voyeurs » ?
Questionnons tout d’abord la définition de ce
terme : « Le voyeurisme
désigne la pratique qui consiste à
épier autrui, souvent à son insu, dans son
intimité quotidienne : habillage et
déshabillage, soins intimes, flirt et
rapports sexuels ; on connaît bien les moyens
utilisés par les
voyeurs : trous dans les murs, les cloisons d’une
part, jumelles,
lunettes, appareils de photo ou de prises de vue d’autre
part [92]».
Ceci
posé, il existe bien deux catégories
d’images dans le film : celles qui ne
correspondent pas à cette définition (une
cheminée d’usine, une locomotive à
vapeur, un dépôt de tramways) et
d’autres qui correspondent partiellement à
cette définition (un accouchement, la foule recueillie qui
accompagne le
corbillard, une danseuse). Mais, il faut bien le reconnaître,
certains plans du
film sont, de ce point de vue,
particulièrement ambigus...
(« L’Homme à la
caméra » filme à
son insu les jambes d’une femme allongée sur un
banc, des femmes nues sur la
plage, enduites de boue, une femme qui se lave, sans oublier ce plan
tout à
fait étonnant, une contre-plongée sur les jambes
des passagers... et des
passagères qui descendent du paquebot !).
Ici,
Vertov anticipe (en est-il forcément conscient ?),
la libération des
moeurs et des regards qui va, suite aux luttes féminines,
bouleverser le
rapport au corps et à l’intime tout au long du 20ième
siècle. Le
cinéma pornographique, les images intimes offertes sans
contrainte dans le
cyberespace, la publicité fondée sur le recul des
derniers tabous sexuels et
enfin l’émergence de la
téléréalité[93]
–
télé poubelle, trash TV -, tout cela est en germe
dans ce film de Vertov.
Le
film – qui a banni toute psychologie et tout désir
- se contente d’un rapport
« naturel » aux choses, mais
notre société marchande contemporaine a
compris tout l’intérêt qu’elle
pouvait tirer de la marchandisation des pulsions
les plus intimes... (« Dans la
société capitaliste, le corps est
complètement inséré dans le cycle de
la marchandise dont il partage
l’existence ; on vend des pulsions
érotiques, des fantasmes, des baisers
comme on vend des savonnettes ou des bananes. Dans la prostitution, les
clients
achètent la valeur d’usage du corps
féminin[94] »).
10.6.
Le corps
sportif, le corps en liberté
Aujourd’hui,
« le sport est dominé par un triple
pouvoir : le pécuniaire, le
médical et le médiatique[95] ».
Le sport est devenu un spectacle, confié à des
professionnels, qui doivent
permettre aux sponsors et aux financeurs de voir fructifier leur
investissement. Par exemple, pour vendre des images de football sur les
téléphones portables, le calendrier du
championnat a été aménagé
pour que,
chaque jour, le spectateur soit incité à acheter
ces images. Dans
« L’homme à la
caméra », le corps du sportif reste
« banal », quelconque[96].
Nous sommes à l’opposé des
« corps sculptés » que
vont fabriquer les
entraînements modernes. Le geste seul (danseuse, coureurs,
gardiens de but) est
observé, analysé, y compris par le ralenti et
l’arrêt sur image. Vertov filme
bien des compétitions de sports
d’équipe (football), mais il le fait
caméra à
l’épaule, filmant souvent les jambes des joueurs
en mouvement, et nous
empêchant donc de « prendre
parti », de nous enthousiasmer pour l’une
ou l’autre des équipes. D’ailleurs,
aucun des participants ne semble se soucier
de ses performances... Comme les spectateurs présents autour
du stade, nous
assistons à un spectacle intense mais sans enjeu, simplement
agréable et
divertissant, comme peut l’être le sport de rue.
Encore une fois en avance sur
son époque, le réalisateur
célèbre le « sport
plaisir », le bonheur
du « vivre ensemble » (cours de
natation, séance de gymnastique) qui,
semble-t-il, est le meilleur régime pour notre organisme
(« La seule
pratique sportive qui paraisse constamment bonne pour la
santé correspond à une
activité modérée et
régulière, en dehors de tout esprit de
compétition, et dans
des conditions de détente
agréables », estime le docteur de
Lignères,
endocrinologue[97]).
Pas de course au
profit, pas de projet collectiviste comme dans les pays communistes
contemporains
(Chine), donc pas de compétition ! Rien
qu’un sport pratiqué
« à la
carte ».
Mais
ce n’est pas pour autant que le sport n’est pas une
école de courage et de
volonté. Nous allons constater que
« l’Homme à la
caméra » ne va pas
hésiter à escalader les cheminées
industrielles, à filmer sur une moto lancée
à
toute vitesse, à utiliser une fragile nacelle surplombant
les eaux en furie
d’un gigantesque barrage. Vertov anticipe ici les sports
extrêmes (alpinisme à
mains nues, plongée en apnée, saut à
l’élastique) qui nous fascinent
aujourd’hui. Certains « entrepreneurs
aventuriers » (comme M. Richard
Branson – milliardaire hyperactif qui a fait fortune dans les
transports, les
produits financiers et le téléphone mobile -,
mais qui est aussi le premier
homme à avoir traversé l’Atlantique en
montgolfière) ont compris
l’intérêt
médiatique qu’ils pouvaient retirer de leurs
exploits sportifs
(bien réels !) pour améliorer
leur image de marque.
Malgré
les prédictions des Cassandre marxistes
(« la crise du sport contribue à
approfondir la crise du capitalisme monopoliste
d’Etat[98]»),
jamais les salaires des stars du ballon rond n’ont autant
fait rêver les jeunes
des « banlieues » ou des
« favelas »...
Notre « idéal du
corps » nous
confronte à une nouvelle angoisse
(« Quand suis-je sûr
d’être en bonne
santé, bien entraîné, suffisamment
beau, suffisamment rajeuni ?[99] »)
que nous allons soigner par les produits miracles que sait nous fournir
la
société marchande (chirurgie
esthétique, crème
« anti-âge »,
Oméga 3,
Botox[100],
etc.). Il est possible
que cette fuite en avant, cette pression de la
société de consommation qui nous
fait vivre dans l’urgence, loin de nous libérer,
nous installe dans une
nouvelle forme de dépendance (dont profitent les industries
pharmaceutiques et
agro-alimentaires), une
« aliénation » sans
fin dont nous n’aurions
même pas conscience ...
10.7.
Le
totalitarisme occulté
Le cinéaste Vertov a
produit une œuvre très engagée
au service du communisme tel qu’il s’est mis en
place en URSS après 1917. Si
« l’homme à la
caméra » est toujours reconnu
aujourd’hui comme un
film important dans l’histoire du cinéma, le reste
de l’œuvre cinématographique
de Vertov, trop proche de la propagande, trop
éloignée de l’Art, est
tombée
dans l’oubli (« On apprécierait
davantage les séduisantes théories de
Dziga Vertov si elles ne renvoyaient, en fin de compte, à
une idéologie
totalitaire, comme le prouvent abondamment ses autres films [101]»).
10.8.
L’information
spectacle
Le
refus du recours à la fiction, l’utilisation
d’un matériel documentaire,
« pris sur le vif »,
l’immersion dans la vie la plus quotidienne de
chacun, tels sont les ingrédients d’un type de
communication qui nous est
désormais familier. Vertov est un spécialiste
reconnu du travail sur
l’actualité, mais dans une perspective
très particulière, puisque
propagandiste. Ici l’idéologie qui sous-tend les
images est implicite, elle a
été
« masquée », mais
reste bien présente.
« L’homme
à la caméra » nous submerge
dans un véritable déluge d’images...
sans
Héros, apparemment sans histoire. Nous avons
basculé dans le monde
« moderne », celui où,
selon Andy Warhol, « A l’avenir chacun
aura son quart d’heure de
célébrité
mondiale » (étonnante séquence
où les
spectateurs rassemblés dans la salle de cinéma
contemplent, amusés et
ravis,...leur propre image). Mais ce n’est pas le journal
« de la Russie
profonde », l’équivalent du 13
Heures de Jean-Pierre Pernaut sur TF1. Non,
il est plutôt question ici de la reconnaissance, dans ce
temple qu’est devenu
le cinéma, de cette classe moyenne, ni trop riche ni trop
pauvre, qui sera la
mesure idéale du « tovarich[102] »
communiste de demain.
Par
une fulgurante anticipation, Vertov nous propose (pour s’en
émerveiller), un
monde où la sensation et l’émotion (un
blessé pris en charge par des passants,
une ambulance qui fonce dans les rues de la ville)
l’emportent sur
l’explication et la construction du sens, donc sur la
réflexion.
Sans
doute devons-nous nous méfier des interprétations
trop liées à notre propre
environnement médiatique : quand Vertov filme
« l’homme à la
caméra » qui filme à son tour les
« Nepmen » dans leurs
calèches ou leurs luxueuses voitures, il s’agit
certainement pour lui de dénoncer ces
« dérives »
économiques qui,
certes ont permis de donner un nouveau souffle au pays, mais qui
l’éloignent
par le fait de la « pure
orthodoxie » marxiste. Vertov
n’apprécie
guère les « Nepmen »,
et nous les présente dans leur réalité
de
privilégiés, de
« parasites » sociaux ("Comme il
fallait s'y
attendre, les premières réalisations russes
nouvelles qu'on a pu voir
rappellent les vieux modèles artistiques autant que les
Nepmen rappellent la
vieille bourgeoisie[103]".
Pour
nous, ces images ont une tout autre signification : elles sont
valorisantes, puisque nous sommes désormais
accoutumés à vivre au plus près des
politiques (les journalistes de la télévision,
sur des motos, tentent d’obtenir
la « première
déclaration » du nouveau
Président de la République,
qui roule vers l’Elysée), ou des
« people » et des sportifs dont
la
vie passionnante nous permet, dans un monde aux
références collectives floues,
de nous inventer des mythologies personnelles en
« oubliant » un
instant les petits soucis du quotidien... et le
réchauffement climatique. Ces
images nous surprennent également car elles
mélangent l’exceptionnel (un accident,
un blessé) avec le banal, l’ordinaire (une
ouvrière au travail, un tramway qui
arrive à l’heure, une monteuse qui travaille sur
son film). Précisons à nouveau
que ce banal, ce quotidien doit être admiré, car
il renvoie aux prodiges (en
termes de production industrielle et d’organisation sociale)
réalisés par le
communisme.
Le
rythme, la frénésie des images rappellent aussi
que notre époque est en voie de
saturation sensorielle et informationnelle
(« L’homme saisi dans
l’actualité ne peut rester
qu’à la superficie des
évènements, il est emporté
dans le courant, il ne peut à aucun moment prendre un
repère pour juger et
apprécier, il ne peut jamais s’arrêter
pour réfléchir. Il n’y a jamais de
prise
de conscience ni de lui, ni de sa condition, ni de sa
société, pour celui qui
vit dans l’actualité[104] »).
Vertov aurait été parfaitement à
l'aise dans notre monde contemporain, lui qui
imaginait aussi des "ciné-réclames"
[d'intérêt général]
projetées
dans des ciné-wagons, des
péniches-cinéma et même des
ciné-carrioles[105]"
!
10.9.
Le cinéma
dans le cinéma
10.9.1.
Une
problématique très utilisée dans
l’histoire du
cinéma
La
mise en abîme du film dans le film est maintenant un
procédé qui nous est
familier. Buster Keaton, avec Le Caméraman,
va nous raconter, également
en 1928, les mésaventures d'un caméraman qui
filme, hors des studios, les
évènements de la vie quotidienne (son personnage
risque souvent sa vie dans ces
tournages, parfois très dangereux). "La mise en
abîme peut s'exercer en
peinture (Le mariage Arnolfini, Les Menines) en
littérature ou au
cinéma, Fellini (Huit et demi), Donen (Chantons
sous la pluie),
Woody Allen (La rose pourpre du Caire), Marcel Pagnol (Le
Schpountz),
Wilder (Sunset Boulevard), Truffaut (La
nuit américaine) et bien
d'autres l'ont pratiquée. La mise en abîme ne se
contente pas de redoubler un
texte, mais elle sollicite la réflexion du spectateur[106]".
D'une manière générale, "le film dans
le film sert toujours au cinéaste
soit d'auto-justification, soit de confession, soit encore d'expression
de ses
doutes et des ses interrogations de créateur[107]".
Avec "L'homme à la caméra", Vertov nous propose
une réflexion tout à
fait particulière sur le cinéma; selon la
distinction de Nicolas Schmidt, son
film "porté" (l'Homme à la
caméra, le film qui est proposé aux spectateurs
dans la salle de cinéma) est le
même que le film "porteur" (L'Homme à la
caméra, le film que nous
analysons). Il s'agit bien, comme l'a suggéré
Marc Cerisuelo, d'un
"métafilm", concept "qui prend pour objet le
cinéma, qui procure
une connaissance d'ordre documentaire ou vraisemblable, et
élabore un discours
critique à propos du cinéma[108]".
10.9.2.
Le
cinéma, une technique que le peuple peut et doit
comprendre
Le
spectateur, cultivé ou analphabète, est donc
invité à assimiler la complexité
de l'art cinématographique ("Des centaines de milliers, des
millions de
citoyens de la République de Russie, devront
éduquer leurs sens devant l'écran
lumineux du cinéma[109]").
Certes, le spectacle du réel est fascinant, il peut
même nous sidérer. Cette
"captation" inédite du réel est la force
incontestable, le pouvoir
magique du "ciné-œil". A la fois, il convient de
"sacraliser" le spectacle cinématographique qui a le pouvoir
de nous
faire découvrir ce que l'œil humain ignore,
à la fois il faut s'émerveiller de
la qualité du travail effectué par
l'équipe technique (caméraman, monteuse), de
leur engagement au service de leur art, mais il convient aussi de
garder un peu
de sens critique, et de comprendre qu'il est aussi question de
manipulation du
spectateur… Si nous ne saurons rien des secrets
professionnels du
prestidigitateur qui effectue son numéro devant les enfants,
Vertov nous
montrera nous dévoilera quelques uns de ses "secrets de
fabrication"
(chaque fois que le caméraman est filmé en train
de filmer, où lorsque des charrettes
ou des trains semblent l'écraser; un plan
complémentaire viendra expliquer le
subterfuge utilisé pour composer ce plan inattendu).
Démiurge caché, le
réalisateur est pourtant partout présent dans ce
film sans acteurs et sans
scénario, mais il s'efface devant son projet qui est
totalement au service du
combat communiste ("Tous les travailleurs doivent se voir mutuellement
pour que s'établisse entre eux un lien étroit et
indestructible[110]").
Le procédé du "film dans le film" illustre
à merveille l'adéquation
entre cet art "nouveau" et "révolutionnaire" que constitue
le cinéma, et la nouvelle société
soviétique, société idéale
qui a éprouvé, le
temps de la victoire venu, le besoin de contempler sa propre image,
désormais
figée pour l'éternité…
10.10.
Une nouvelle
conception de l'art
10.10.1.
Au
début du 20ième
siècle
"L'homme
à la caméra" est une œuvre
d'avant-garde qui refuse de soumettre l'œuvre à
la seule restitution des apparences. Nous pouvons constater que
certains
mouvements artistiques qui vont apparaître au
début du 20ième
siècle
vont trouver un écho dans le film:
§
"Le
futurisme de F. T. Marinetti, en 1909, qui affirme que "les splendeurs
de
ce monde se sont enrichies d'une beauté nouvelle, celle de
la vitesse. Une
automobile de course est plus belle que la Victoire de
Samothrace".
Tournés vers le futur, les peintres futuristes font
l'éloge d'un monde
technologique rassurant. La modernité, la
trépidation de la vie urbaine, la
vitesse, les nouveaux moyens de transport les passionnent. Les lettres,
les
signes aident à la compréhension du sujet[111]".
Le critique Georges Sadoul range Vertov dans les futuristes ("Le
futuriste
Vertov, qui refusait toute mise en scène, s'opposait au
constructiviste
Koulechov qui, tout au contraire, poussait à
l'extrême les éléments de la mise
en scène[112]").
§
Dans
le domaine
de la sculpture, Raymond Duchamp-Villon propose en 1914 Cheval, une œuvre qui
veut allier force vitale et
force mécanique ("Aux membres de l'animal se substituent
bielles, essieux,
engrenages, rouages. L'anatomie devient machine. La sculpture recherche
la
fusion du monde mécanique et du monde organique[113]").
§
Le
constructivisme dans lequel Tatline chercha à abolir
totalement l'art.
"L'avant-garde russe posa comme principe que l'artiste devait devenir
un
technicien dans une société technologique, et
utiliser les outils et les
matériaux de production moderne. "Notre constructivisme",
déclarait
en 1920 Alexei Gan, "a déclaré une guerre
inconditionnelle à l'art, car
les moyens et les qualités de l'art ne sont pas en mesure de
donner une forme
systématique aux sentiments d'un milieu
révolutionnaire[114]".
Tatline va tenter de construire un nouvel art à partir
d’objets utilitaires
réels. Quand Tatline propose un nouveau monument,
« ce dernier doit
s’inscrire dans la vie sociale et culturelle de la
ville ; le monument
moderne doit contenir des clubs, des salles de conférence et
de propagande, un
écran pour la projection de films, une cantine, une
imprimerie, bref tout ce
dont a besoin l’homme contemporain[115] ».
§
Dans
les années
vingt, le purisme (avec Fernand Léger) s'attachera
à la représentation des
objets de la vie quotidienne.
§
Après
la guerre
de 14/18, le mouvement Dada, conduit par Tristan Tzara,
va remettre en question les formes même de
l'art. Le plus intellectuel des dadaïstes, Marcel Duchamp, va,
sur le ton de la
plaisanterie, provoquer une mutation artistique en inventant les ready-made
(Duchamp affirme ironiquement que tout objet peut-être
transformé en œuvre
d'art rien qu'en l'étiquetant comme telle, même
s'il s'agit d'un urinoir en
porcelaine (Fontaine, 1917). Le réel le
plus trivial, le plus quotidien,
peut maintenant entrer légitimement dans le domaine de
l'art. Il s'agit bien de
la plus radicale des remises en cause de l'idéologie
esthétique traditionnelle.
10.10.2.
Une
conception novatrice de l’œuvre d’art et
de ses
rapports avec la société
Le
film anticipe d'autres
bouleversements artistiques qui vont se manifester dans les
années 60, quand la
vie quotidienne américaine va inspirer à son tour
les artistes (Pop'art) : Andy
Warhol immortalisera la célèbre boite de soupe
Campbell (puisqu'il affirmait
que "tous les sujets se valent"), tandis que Roy Lichtenstein
revisitera la bande dessinée. Le Pop'art reçoit
un large accueil et devient,
par le retour à une figuration facile, un
phénomène de société. Mais
nous
sommes très éloignés de l'URSS des
années 20, puisque ici "les thèmes de
la publicité et du marketing constituent un fondement
légitime de l'art[116]".
Il reste difficile de préciser si ces artistes ont
manié l'ironie pour moquer
la société de consommation, ou s'ils constituent
la réussite de l'adaptation
des principes de production et de consommation au domaine de l'art (les
déchets, les rebuts vont intégrer
désormais les œuvres d'art).
En
tout état de cause, la
mode a peu à peu remplacé les avant-gardes, et
l'artiste n'hésite plus à
transformer le moindre de ses faits et gestes en marchandise. Dans un
contexte
post-moderne où prime la valeur monétaire des
œuvres, très rares sont les
artistes plasticiens qui revendiquent aujourd'hui une appartenance
à un
courant politique. L'art devient objet de
spéculation (« le placement dans les
œuvres d’art n’étant pas
fondamentalement différent du placement en Bourse[117] »):
certains chefs-d'œuvre sont soigneusement gardés
dans des coffres-forts, loin
des yeux du public… Désormais les artistes ne
distinguent plus le
"bon" du "mauvais" goût : rien n'est illégitime
(« Pas
plus la collaboration de Pierre Boulez et de Frank Zappa que la
cohabitation du
jean et du smocking[118] ». Les idéologies
sont mortes, "l'opposition
entre l'art et l'argent (le "commercial") est le principe
générateur
de la plupart des jugements qui, en matière de
théâtre, de cinéma, de peinture
prétendent établir la frontière entre
ce qui est art et ce qui ne l'est pas,
entre "l'art traditionnel" et l'art d'"avant-garde[119]".
Vertov semble lui aussi appartenir à cette époque
à venir, et inscrire son
travail « dans la culture de
l’égalité qui ruine
inéluctablement la
sacralité de l’art et revalorise
corrélativement le fortuit, les bruits, les
cris, le quotidien[120] ».
Dans
ce contexte où les
valeurs les plus "classiques", les plus reconnues sont mises
à mal,
quelques militants enthousiastes, en France, tentaient encore de
réfléchir (sur
les traces de Vertov et du cinéma révolutionnaire
qui avait accompagné les
premières années de l'URSS) au rôle qui
pourrait être confié au cinéma dans la
prochaine Révolution politique et sociale qui, ils en
avaient la certitude,
n'allait pas tarder à éclater.
11.
Cinéma
et lutte des classes en France dans les
années 70 : quand le doute a remplacé la
croyance au "grand
soir".
« Vertov
assignait au ciné-œil la tâche de porter
la perception dans la matière, afin
« d’unir une perception non humaine au
surhomme de l’avenir, la communauté
matérielle et le communisme formel ».
Qu’est-il advenu de tous les espoirs
révolutionnaires du cinéma, de sa foi pour la
transformation du monde et des
hommes ? »[121].
On
connaît maintenant le destin de l'avant-garde
cinématographique soviétique,
"mise au pas" et broyée par le "réalisme
socialiste" de
Staline. Les théories du "ciné-œil",
les propositions de Vertov
ont-elles eu une descendance, notamment en France ? Examinons comment,
dans les
années 70, deux courants politiques inspirés du
marxisme (extrême gauche et
communistes) envisageaient la place du cinéma dans la
révolution prolétarienne
à venir[122].
Nous verrons par
ailleurs que la réflexion sur
l’esthétique des films militants restait elle
aussi d’actualité. Force est de constater que ces
débats, politiques et
esthétiques, sont maintenant quasi-inexistants...
L’effondrement du Communisme
avait bel et bien était anticipé par des auteurs
comme Raymond Aron, qui
constatait, à la même époque, que
« le régime dit capitaliste, celui qui
se définit par la propriété des
instruments de production et les mécanismes du
marché, n’entraîne pas à la
paupérisation des masses, il ne provoque pas la
scission du corps social en une faible minorité
d’exploiteurs et une masse
d’exploités (...) Le capitalisme peut dissiper le
prestige mythologique
révolutionnaire et inciter les hommes à
résoudre raisonnablement des problèmes
plus techniques qu’idéologiques ; car le
fait majeur de notre époque, ce
n’est ni le socialisme ni le capitalisme, mais le
développement gigantesque de
la technique et de l’industrie[123] ».
Sommes-nous
aujourd’hui,
pour autant, dans une société apaisée
car « sans
idéologie » ?...
Pour
l’instant, évoquons les différentes
formes de contestation sociales,
culturelles et cinématographiques dans le bouillonnement de
la France des
années 70 (Si Vertov connaissait dans cette
période une phase d’oubli relatif,
Guido Aristarco rappelait à
« l’avant-garde »
cinématographique
« la nécessité de
reconnaître la grandeur et le génie
d’Eisenstein,
toujours actuel, et actuel aussi sur le plan de l’art et du
renouvellement du
langage[124] »).
11.1.
"Arrêtez
votre cinéma" par le collectif (extrême gauche)
"cinéma de Quat'sous[125]".
En
France, en 1977, le capitalisme est contesté, mais
l'élection présidentielle de
1974 (qui a vu la victoire du Président Giscard d'Estaing)
est un échec pour
les forces "de gauche". Le cinéma se voit
concurrencé par la
télévision. Pour résister à
la baisse de la fréquentation, le secteur vit une
période de forte concentration, et une mutation profonde
avec la fermeture des
salles (de banlieue, des petites villes) et l'ouverture des multiplexes
en
centre-ville.
11.1.1.
Comment
les militants d’extrême gauche
analysent la
situation du cinéma dans la France capitaliste.
"Le
cinéma était un art populaire : les
cinéphiles ont aidé les capitalistes à
le
transformer en une marchandise de luxe; le cinéma est devenu
un "Art
bourgeois" (le prix des places est désormais prohibitif, le
discours
critique des intellectuels – les adeptes de "l'Art et Essai"
-
éloigne le peuple). Désormais le destin du
cinéma français est entre les mains
de quelques "décideurs", à Paris, tout cela sous
l'œil vigilant des
dirigeants de l'industrie cinématographique
américaine qui veillent à leurs
intérêts. Le Groupement
d’intérêt Economique
Gaumont-Pathé, plus que jamais,
est le représentant officiel de la grande bourgeoisie".
Bien
sur, "le peuple a toujours raison"; mais il est "trahi" par
les intellectuels : "Intellectuel n'est pas synonyme d'intelligent ! Le
cinéma devient pour eux réflexion, nombrilisme,
masturbation (le débat sur
"signifiant-signifié"). Dans les temples de l'Art et Essai,
le savoir
supplante l'argent. Etudiants, universitaires et cadres viennent dans
ces
salles compléter la panoplie du parfait intellectuel de
gauche; ils croient
s'ouvrir au monde, mais ils ne font que s'enfermer dans leurs castes.
Le cinéma
bourgeois les occupe tout en les écartant des couches
populaires".
Le
public populaire consomme des "superproductions qui vantent la
suprématie
Yankee, ou des comédies françaises qui ne sont
que l'étalage complaisant d'une
bourgeoise conformiste. Le spectateur populaire, victime d'un
matraquage
publicitaire, va au cinéma pour se divertir, pour rire, pour
fuir sa vie
quotidienne. Mais, d'une façon
générale, le public populaire n'attache pas une
grande importance au film. Il va passer un bon moment au
cinéma, c'est tout. En
vérité, le public populaire est bruyant, mange
des cacahouètes pendant la
projection pour mieux se défendre contre le bourrage de
crane. Le public
populaire voit le film avec une "attention oblique". C'est le
meilleur moyen de résister à "l'invasion sur nos
écrans de l' american way
of life".
Le
programme "Art et Essai" devient, peu à peu, "la culture
bourgeoise officielle au cinéma; il isole et occupe les
intellectuels en leur
donnant "la Culture".
Y-a-t-il
encore une "avant-garde" cinématographique ? "Les films
"Art et Essai", vus hors de portée des éclats de
la capitale, font
hésiter entre le sarcasme et la consternation.
Même s'ils font référence à
la
distanciation (pauvre Brecht), que ces films sont
éloignés du terrain des
luttes sociales ![126]".
11.1.2.
Que faire
pour que le cinéma accompagne la révolution
à venir ?
Constat
: "l'absence quasi totale d'alternative à la
débilité réactionnaire"…
Quelques
personnalités résistent au naufrage : "Tati : les
sentiments de Tati sont
clairs, le comique n'y est pas faussement gratuit, le public n'est plus
pris
pour un imbécile, mais pour un ensemble de personnes
responsables capable
d'avoir une opinion sur ce qu'on lui présente".
"Allio
: Moi Pierre Rivière…" est un film
très en avance par rapport aux Bergman,
Fellini et Resnais dans son langage et qui a l'avantage
d'être lisible par
tous. Sont également à promouvoir : les films du
Tiers-monde et les films
militants des pays industriels avancés.
"Vauthier
: avec l'unité de production cinéma Bretagne
(UPCB), Vauthier se veut d'abord
au service de la Bretagne, et par extension au service du socialisme;
Vauthier
affirme : "Nous ne cherchons pas à faire joli, à
ronronner sur un écran.
Ici, en Bretagne, en tournant avec les travailleurs, en diffusant nos
films et
ceux des autres, nous voulons aussi créer une prise de
conscience en reflétant
les problèmes que le système capitaliste
sécrète. Les recherches esthétiques ?
Nous discutions simplement pour savoir ce qui reflète le
mieux, ce qui porte le
plus. C'est là toute notre esthétique".
Le
cinéma est en crise : "pour que les gens des couches
populaires
s'intéressent de nouveau au cinéma, il est
peut-être temps de leur proposer
d'autres marchandises que des navets, trouver des films qui traitent
des
problèmes des travailleurs, des sujets qui les touchent dans
un langage qui est
le leur. Il faudrait que des comités d'usagers puissants
puissent agir sur la
programmation. Le public doit être l'artisan de ses propres
films".
Que
peut faire "Vertov" aujourd'hui pour empêcher "la propagande
bourgeoise de faire ses ravages ?… Le cinéma ne
fait pas la révolution, certes.
De Vertov à Ivens, en passant par les collectifs, le
cinéma militant a
contribué à dénoncer l'oppression et
l'injustice dans le monde. En dehors des
luttes, le cinéma militant manque de spectateurs et le plus
souvent ne prêche
que les convaincus[127]".
11.2.
"Cinéma,
culture ou profit", par un collectif de cinéastes communistes[128]
11.2.1.
Comment
les communistes analysent la situation du cinéma dans la
société capitaliste
française
"Les
communistes travaillant dans le cinéma constatent au jour le
jour les effets de
la crise dans leur secteur d'activité, la mutilation, le
gaspillage,
l'incohérence qu'amène l'asservissement de la
culture à la loi du profit".
La
crise du cinéma peut s'expliquer par trois causes : "la
baisse du pouvoir
d'achat de la clase ouvrière et des couches populaires, la
mise à l'écart de la
culture, les
difficultés à
déchiffrer un langage cinématographique qui
s'est complexifié, enrichi, mais aussi la
désertification cinématographique des
banlieues et des campagnes.
Le
système capitaliste entraîne une standardisation
de la production (les genres
sont apparemment divers, mais à l'intérieur de
chaque catégorie tous les films
se ressemblent), une raréfaction du public et une
concentration de tous les
secteurs de la profession. De nouveaux publics (classe moyenne, qui
pourrait à
terme s'allier avec la classe ouvrière) apparaissent : la
grande bourgeoisie
n'arrive pas à étouffer ce mouvement qui
réclame une véritable démocratie et
une vie culturelle et idéologique réellement
diversifiées. Le cinéma est de
plus en plus un luxe et une marchandise".
"Les
conditions de travail, les statuts des différents
métiers (y compris les
réalisateurs), qui interviennent dans la
réalisation d'un film se sont peu à
peu dégradés, car ils sont soumis aux contraintes
de l'économie capitaliste, à
la loi du profit (baisse des salaires, précarisation,
déqualification). Ce
processus n'a fait que mutiler la création et la dimension
culturelle du
cinéma. Dans le domaine du cinéma, l'Etat s'est
désengagé, et cela a laissé les
mains libres au patronat : le cinéma est
considéré comme une "pure
distraction", permettant l'intégration
idéologique des citoyens; on constate
un refus de la diversité et des films ou
émissions qui font problème et
poussent à s'interroger sur la réalité
sociale. C'est le règne de la démagogie,
de l'illusionnisme politique et de la facilité ".
Par
ailleurs, "on cherche à culpabiliser le public populaire,
à le dégoûter
des recherches artistiques "inaccessibles", tout en sous-entendant
que si elles lui sont inaccessibles, c'est du fait de sa "paresse
intellectuelle"
11.2.2.
Pour les
Communistes, l'avenir du cinéma exige une politique
radicalement nouvelle.
"Le
programme commun de gouvernement signé par les principaux
partis de gauche
constituera la base minimale pour la libération de la
culture (des
"nationalisations démocratiques" sont
envisagées). Il s'agira enfin
de barrer le chemin aux groupes monopolistiques et aux
sociétés multinationales
qui contrôlent ce secteur. D'autres conditions sont
nécessaires : amélioration
du niveau de vie de l'ensemble des travailleurs,
amélioration de l'urbanisme et
des conditions de vie, amélioration des conditions de
travail, développement
tous azimuts de la démocratie, démocratisation de
l'éducation (assurer à tous
et à chacun le bagage culturel le plus complet et le plus
élevé possible). Les
mesures contenues dans le programme commun de gouvernement stopperont
l'hémorragie
des spectateurs de cinéma. Avec l'accroissement du budget de
l'Etat, le cinéma
pourra devenir une affaire de gouvernement, ce qui dans notre esprit ne
signifie ni dirigisme tatillon, ni empiètement sur
l'indépendance et
l'initiative de la production, ni tutelle idéologique et
culturelle sur la
création. Il nous paraît important de
préciser que l'existence d'un secteur
public n'implique pas du tout la différentiation du
cinéma en deux secteurs :
l'un, public, qui serait "culturel", et l'autre, privé, qui
serait
"commercial". Pour nous, c'est le cinéma dans sa
totalité qui
doit être culturel".
"Le
socialisme permettra de concilier les nécessités
artistiques définies par le
réalisateur et les impératifs financiers. La
croissance d'un public de plus en
plus large, de plus en plus informé,
éduqué et exigeant peut nourrir des
échanges féconds avec les créateurs et
susciter l'apparition de nouveaux
talents. Ce nouveau public trouvera un intérêt
culturellement croissant à des
œuvres d'un niveau et d'une complexité culturels
également croissants. La
révolution culturelle (la "culture pour tous") que nous
souhaitons
implique la coexistence d'une culture de masse et d'une culture de haut
niveau,
dans la perspective de la disparition progressive de la
séparation entre le
travail manuel et le travail intellectuel".
"Vis-à-vis
du patrimoine culturel, nous ne sommes ni pour la "table rase", ni
pour l'acceptation sans critique de l'idéologie et de la
culture existantes. Il
s'agit bien de s'opposer à la domination de
l'idéologie bourgeoise, sans
négliger que la fonction du film de cinéma, du
long métrage de fiction, c'est
principalement aujourd'hui une fonction artistique,
c'est-à-dire que le film
agit sur ses spectateurs sur un mode esthétique auquel est
indissolublement liée
une dimension idéologique. Cela sous-entend qu'il n'existe
aucune hiérarchie
entre les films qui remplissent cette fonction. Pour certains
spectateurs,
certains films ne sont pas "de l'art". Pour d'autres, ces
mêmes films
en sont. Le besoin d'exigence culturelle que manifeste le spectateur
peut
l'entraîner du "film de divertissement et
d'évasion" au "film de
recherche". Une
indispensable
avant-garde doit voir le jour pour permettre au
développement culturel de
s'épanouir[129]".
11.3.
La
question de l’esthétique des films militants dans
les années 70.
Daniel
Serceau[130]
en fait le
constat : « On reproche souvent au
cinéma militant ses déficiences
esthétiques sous tous rapports ». Bien
sûr, depuis Mai 1968, les moyens du
cinéma militant se développent dans une
réelle pauvreté économique, ses bases
financières sont précaires.
Pourtant,
« si l’on analyse le comportement moyen
d’un cinéaste militant, on
s’aperçoit qu’il néglige
souvent la part proprement esthétique de son travail.
On ne fait pas d’esthétique sur les luttes, encore
moins sur la misère et
l’oppression des masses, pose-t-il comme
affirmation ». Le rôle même du
cinéaste est original puisque « le
cinéaste militant n’est pas un auteur
ni même un interprète de la
réalité : il est partie prenante de la
lutte
des prolétaires auxquels il entend justement donner la
parole dans ses films.
Le cinéaste, certes, organise son film politiquement
dès le tournage. Jamais
esthétiquement ». Comme dans les
années 20, dans les années 70
« la
question se pose de savoir ce qui doit être
représenté et comment ce doit
l’être ». Pour Daniel Serceau,
« Le but du cinéma militant
n’est pas
de populariser les expériences et les acquis de la gauche
révolutionnaire dans
une perspective propagandiste, mais de favoriser
l’approfondissement du degré
de conscience, d’organisation, et
d’unité ainsi que le débat
politique ».
Ce
point de vue (« L’esthétique
reste à ce jour le grand point faible du
cinéma militant, français et
étranger ») est aussi partagé
par Guy
Hennebelle[131].
Cet auteur relève quatre
facteurs qui peuvent expliquer le peu d’ambition
esthétique du cinéma
militant :
§
« le
cours
filmé sur le tableau noir et blanc de
l’écran, réaction excessive et quelque
peu masochiste contre la notion de spectacle, et plus
particulièrement de
spectacle hollywoodien (alors que le cinéma reste
et restera toujours un
spectacle !) »,
§
« l’abus
du
direct, comme une volonté d’assurer une garantie
d’authenticité en donnant la
parole aux gens qui ne l’avaient jamais
eu »,
§
« les
saynètes didactiques, méthode souvent
guettée par le schématisme »,
§
« la
fiction, sa rareté peut s’expliquer par les
contraintes budgétaires, mais aussi
par le peu d’expérience des cinéastes
militants pour la direction d’acteurs.
Par ailleurs, l’application soit disant brechtienne du refus
de
l’identification a été trop
systématique en Europe de
l’Ouest ».
Dans
les années 70, la révolution est encore
à l’ordre du jour, mais les débats sont
vifs pour savoir si ce cinéma militant doit
s’adresser à des masses assez
larges, ou à une
« avant-garde », tout en
constatant que cette notion
« d’avant-garde » reste
floue, puisqu’elle ne possède pas de base
politique. Richard Copans, membre du collectif CINELUTTE et ancien
élève de
l’IDHEC[132]
l’affirme :
« Tout cinéaste
révolutionnaire a l’ambition de faire un
cinéma
révolutionnaire qui soit en même temps sensible et
efficace. Dans l’ensemble
nous balbutions tous ! Faut-il faire des films pour
préparer la crise
révolutionnaire en essayant d’élever le
niveau de conscience des masses, ou
faire des films de formation des futures cadres
révolutionnaires ?.... [133]».
En
2010, certaines questions posées par Marx à
l’art et l’esthétique sont toujours
d’actualité
(« Qu’est-ce qui fait de l’art
une valeur éternelle malgré son
historicité ? »).
D’autres questions (par exemple,
« Convient-il
de ranger l’art plutôt du coté des
infrastructures – l’ensemble des rapports de
production et juridiction de la propriété, ou du
coté des superstructures –
ensemble des institutions sociales, juridiques, religieuses,
culturelles et artistiques
- des sociétés ?[134] »...)
ont perdu aujourd’hui de leur pertinence. De ce point de vue,
la disparition de
l‘URSS, en 1991, nous a vraiment fait basculer dans un autre
monde, moins
manichéen, tout aussi instable...
12.
La fin du
Communisme signifie-t-elle la « fin de
l'Histoire » ?
12.1.
Les
historiens proposent un bilan du communisme (URSS,
Chine,
Cambodge...)
12.1.1.
De
l’espoir au totalitarisme
Le communisme a suscité
un immense espoir pour des
millions d’hommes. L’Histoire avait un sens, et il
était enfin possible, en
URSS, de réconcilier l’homme avec
l’homme, d’avoir comme objectif la paix, la
fraternité, la fin de l’exploitation. Au sortir de
la guerre, auréolé par sa
lutte contre l’occupant nazi, le parti communiste
français fut sans conteste le
premier parti de France. « Aux élections
législatives du 10 novembre 1946,
il obtient 28,8 % des suffrages exprimés, et fort de 157
sièges, la plus forte
représentation à l’Assemblée
nationale[135] ».
Entrer au parti communiste, ce n’était pas faire
de la politique, mais adhérer
à une éthique, à une camaraderie
chaleureuse, au parti des héros. Durant des
années, en France, intellectuels et artistes (Picasso, Yves
Montand, Simone
Signoret par exemple) vont mettre leur prestige au service de la
mythologie
communiste. Une lutte sans merci va opposer partisans et adversaires de
l’URSS.
Au plan international, la détente va peu à peu
succéder à la « guerre
froide ». La publication en France en 1974 de
l’œuvre d’Alexandre
Soljenitsyne, L’Archipel du goulag,
va bouleverser l’opinion publique occidentale. En 1981, sous
la Présidence de
François Mitterrand, quatre ministres communistes entrent au
gouvernement dans
le cadre du "Programme commun de
gouvernement". Ceux qui craignent
l’arrivée des cosaques sur les
Champs-élysées en sont pour leurs
frais : le parti communiste français se
veut réformiste, démocrate ; il
abandonne la notion de dictature du
prolétariat, et, timidement, prend ses distances avec
l’URSS. Le gouvernement
du Premier Ministre Pierre Mauroy maintiendra la France dans le cadre
de
l’économie de marché, supprimera la
peine de mort et donnera de nouveaux droits
aux salariés dans les entreprises.
En 1991, sans guerre civile, sans
conflit extérieur,
l’URSS va disparaître en quelques mois. La Russie
et les anciens satellites
s’ouvrent à l’économie de
marché, les libertés sont
rétablies ; les
historiens donnent un premier bilan du communisme
soviétique : « Un
million de personnes ont été
exécutées en URSS pour des raisons politiques. Un
million et demi sont mortes au Goulag, et autant en
déportation. Onze millions
et demi sont mortes de faim [136]». L’idéal
universaliste des origines s’est bien
transformé en dynamique totalitaire...
« La tragédie communiste a
été
également une tragédie économique,
écologique et culturelle (fermeture au monde
pendant des décennies, abrutissement inévitable
conséquence du matraquage
idéologique, répression systématique
d’une intelligentsia, saccage systématique
des églises, etc.)[137] ».
L’exploit prométhéen de 1917 a
débouché sur une dictature sanglante.
Pour autant, et sans vouloir
relativiser, y compris
des auteurs ouvertement
« anticommunistes »
n’ont pas hésité à
affirmer « qu’Aucun Etat n’a
jamais eu les mains propres » et que
« depuis 30 ans, les Etats-Unis ont soutenu des
Etats (Indonésie, Philippines,
Chili), gouvernés selon des méthodes
qu’eux-mêmes doivent juger détestables...[138] ».
12.1.2.
Un monde
enfin « juste » et
pacifié ?
La prophétie marxiste
(c’est par le prolétariat et
la révolution que l’humanité accomplira
sa vocation) quitte l’actualité
immédiate.
Puisque le « communisme » est
relégué maintenant dans les livres
d’Histoire, puisque nous en avons mesuré la
barbarie, nous voici tout heureux
de vivre dans le modèle qui a triomphé, le
marché, la propriété
privée, le
capitalisme ! Mais, pour autant, devons-nous abandonner notre esprit
critique ? Comment ceux qui détiennent les leviers
du pouvoir, les
« gagnants » du
Libéralisme, ne vont-ils pas être
tentés de tout
mettre en œuvre pour garder leurs privilèges et
leurs avantages ? Ils
pourraient pour cela s’appuyer
sur la
révolution numérique et technologique, mais aussi
sur les mentalités, les
représentations. A la défense de
l’intérêt collectif
va peu à peu succéder une
société
« fun », individualiste,
balisée par les signes et les symboles
marchands. L’homme n’est plus un
idéal, il « consent »
à devenir une marchandise. Les
privilégiés, les
« gagnants » sont maintenant des
modèles qu’il nous faut imiter.
Certes, nous avons gagné en confort, notre
liberté est grande, mais il nous
faut encore améliorer notre
« cœfficient » de
Bonheur ! En tous
cas, la justice sociale est toujours une utopie renvoyée
à des lendemains
meilleurs ("49 millions d'américains
- soit 1 sur 7 - vivent aux USA dans
l'insécurité alimentaire, soit une
augmentation de 13 millions par rapport à 2007[139]")...
Depuis la « fin
du communisme », nous
serions entrés maintenant dans un monde sans
idéologie ?... Tentons
maintenant d'esquisser, selon l'expression de Vertov, un
"déchiffrement
communiste du monde ", mais appliqué au monde capitaliste
contemporain.
12.2.
Le
néolibéralisme triomphant : une
dynamique, incontrôlée et aveugle, qui
avance de crise en crise...
12.2.1.
La
malédiction d’être
« prolétaire »
Le
20ième siècle a vu
l’émergence d’un
phénomène qui a transformé en
profondeur la société : une classe
« moyenne » s’est peu
à peu
développée entre des chômeurs, des
exclus, des ouvriers d’une part, et une
haute bourgeoisie aux valeurs
« distinguées »
d’autre part. Si la
bourgeoisie se retrouve tout naturellement autour de parties de polo au
bois de
Boulogne[140]
ou de bals à l’Opéra,
les « prolétaires » se
réunissaient également, mais dans les
patronages, les bals populaires ou les stades de football.
L’ouvrier avait le
sentiment d’appartenir à un monde
« noble », porteur de valeurs
fortes et tout à fait dignes. Il était un
« prolétaire » qui,
demain,
suivant la prophétie marxiste, allait se
débarrasser (avec l’appui
d’intellectuels engagés) des exploiteurs et
prendre les commandes du monde. Mais, dans
l’usine ou la mine
capitaliste, le monde est dur : on y meurt parfois, on se rend
malade
souvent, on est toujours épuisé par les cadences,
le rendement, la recherche de
la productivité (que cette recherche soit portée
par des méthodes classiques,
dirigistes, comme c'est le cas
avec le Taylorisme, ou plus actuelles - "qualité totale,
amélioration
continue" -, comme le préconisent les dirigeants de Toyota, qui ont mis au
point un management
basé sur l'innovation et la capacité
participative des travailleurs).
Incontestablement, dans nos sociétés, le
"Toyotisme" (l’ouvrier
totalement au service de l’entreprise) est bel et bien en
train de remplacer le
Communisme (le prolétaire au service du Parti) !
Si
la pression sociale, les luttes politiques et syndicales (1936, 1968)
vont
permettre une amélioration des conditions de travail et une
augmentation des
salaires, la mutation technique du 20ième
siècle va nécessiter un
personnel plus qualifié, capable de gérer des
taches plus complexes. La classe
moyenne, scolarisée et éduquée, si
elle partage les mêmes intérêts
économiques
que les ouvriers, va cependant s’en désolidariser,
pour se rapprocher du mode
de vie et des valeurs des
« possédants ».
En
ce début de 21ième
siècle, le terme de
« prolétaire » est
devenu un véritable repoussoir. Que dirait-on si un fils (ou
une fille) de
médecin, d’enseignant ou d’avocat
effectuait ses études secondaires dans un
lycée professionnel ?... La
société considérerait cela comme une
terrible
relégation, une chute de statut social... Notre
société ne rêve que par
l’ascenseur social qui va changer le mode de vie, nous faire
partager le sort
envié des privilégiés. Pour cela, il
convient de mener des études
universitaires. Et bien notre société, soucieuse
d’éviter toute contestation,
toute révolte, va permettre à 66,4 %
d’une classe d’âge d’obtenir le
Bac,
sésame de l’entrée à la
Faculté (seulement 5 % d’une classe
d’age obtenait le
précieux diplôme à la fin des
années 40...) ; chacun fait semblant
d’ignorer que les lauréats du Bac
« professionnel » ont fort peu de
chances
d’intégrer les Facultés de
médecine ou les écoles
d’ingénieur... Qu’importe la
réalité des statistiques scolaires, seule importe
la promotion que garantissent
(en théorie seulement) des études
supérieures réussies. Nous sommes
entrés dans
un autre monde irréel...
Les
anciennes solidarités ont disparu. Chacun
garde désormais les yeux fixés sur les cours de
la Bourse, puisque c’est là,
nous dit-on, que l’enrichissement sera facile, rapide, et
sans risques !
Une certaine schizophrénie s’installe quand
l’actionnaire demande, pour des
meilleurs profits immédiats, le licenciement du
salarié, et que le salarié et
l’actionnaire ne sont, en définitive,
qu’une seule et même personne... Pour
proposer ce capitalisme prédateur, il fallait auparavant
s’attaquer aux valeurs
de protection sociale des plus défavorisés, et
faire accepter l’idée qu’ils
sont une charge, un poids que doit supporter la malheureuse classe
moyenne (qui
a d’autres aspirations !). C’est ce que
vont réussir Mme Thatcher au
Royaume-Uni et le Président Reagan aux USA dans les
années 80.
12.2.2.
Une
économie de
« casino »,
mondialisée, dominée par les financiers, qui
renforce les inégalités.
« L’Etat
n’est pas la solution, l’Etat c’est le
problème » déclare le
Président
Reagan pour mettre, au début des années 80,
le marché et la Bourse au cœur de
l’économie américaine. Ce
néo-libéralisme va se traduire par
« des politiques récessives qui vont
développer le chômage, la
précarité et la flexibilité de
l’emploi, baisser les
salaires réels et démanteler les
systèmes publics de protection sociale pour en
alléger le coût ; le
néo-libéralisme va également
déréguler les différents
marchés, diminuer les contrôles, et permettre une
nouvelle répartition du
partage de la valeur ajoutée, plus favorable au capital, aux
actionnaires[141] ».
Les mots (archaïques)
« prolétariat,
révolution, lutte des classes »,
maintenant
justement diabolisés, sont remplacés par un
vocabulaire porteur
d’espoirs : « dividende, trader,
golden boy, parachute
doré ».
Chaque nouveau record de
rémunération battu par un grand patron suscite la
curiosité, l’intérêt, la
convoitise. Ces chiffres dénotent le bon fonctionnement
d’une économie saine et
dynamique. « Greed is good[142] »
dit aux spectateurs le financier incarné par Michael Douglas
dans le film
d’Oliver Stone, Wall Street. Pendant que la classe
moyenne rêve, le nombre
des nouveaux pauvres ne cesse d’augmenter. En France, on se
« félicite » du
« succès » des
« Restos du cœur »
(100 millions de repas distribués en 2008/2009). Pour
"boucler les fins de
mois", le recours au crédit menace l'équilibre
budgétaire des ménages les
plus pauvres ("Plus de 50 000 dossiers de surendettement ont
été déposés à
la Banque de France au cours du 1ier trimestre
2009, ce qui
constitue une hausse de 16% par rapport à la même
période de l'an passé[143]").
Les
banques et les marchés boursiers vont recruter des
« génies » des
mathématiques financières, qui vont apporter leur
pierre à ce remarquable
édifice (la classe moyenne,
émerveillée, va entendre parler de
« titrisation », de
« subprimes », de
« Bernard
Madoff »). Le marché est
désormais mondialisé : les travailleurs
de
toute la planète (y compris les chinois
« communistes » !) sont
maintenant en concurrence, pour permettre aux entreprises de
« servir »
aux actionnaires les meilleurs résultats dans le temps le
plus rapide. Les
ménages les plus riches captent la plus grande partie de la
richesse créée,
tandis que les revenus de la classe moyenne stagnent...
(« L’écart entre
les très hauts salaires, le 1% de salariés
à temps complet les mieux payés du
privé, et les autres, s’est accentué au
cours des dix dernières années.
133 000 personnes disposent en moyenne d’un salaire
annuel brut de
215 600 euros[144] »).
Lorsque
survient, périodiquement, une crise (éclatement
d’une « bulle
spéculative ») qui met en danger le
système, l’Etat intervient pour
permettre un retour aux « bonnes
pratiques » financières : on
étatise les pertes, puis on privatise les
bénéfices... Les acquis sociaux sont
liquidés, les dettes des états et des
particuliers sont abyssales, partout le
capitalisme actionnarial envahit l’espace public et
privé, et nul ne se
préoccupe d’avoir une vision à long
terme ! Pour réussir, plus que jamais,
je dois être réactif et flexible,
dévoué et loyal à mon entreprise,
à mon
patron... L’individu vit désormais seul, et dans
l’instant. Il sait qu’il fait
partie du camp du « Bien », et
qu’il doit affronter, tapies dans les
sables du désert ou les montagnes afghanes, les
mystérieuses et maléfiques
« forces du Mal »... Pendant que
je tente de « maximaliser »
mes plaisirs, un continent (l’Afrique, avec son milliard
d’habitants), dépourvu
de « grandes places
financières » se marginalise dans
l’histoire des
civilisations humaines. Sans que ce soit ni tragique ni apocalyptique,
le vide
vient remplir ma vie... « Il ne s’agit
plus de se révolter, mais d’être
cool[145] ».
Je suis célèbre parce que je passe un quart
d’heure à la télévision, je
me
déshabille « pour la
cause », persuadé que le nu (photo,
manifestation dans le plus simple appareil) est désormais un
moyen de lutte
politique efficace, légitime, puisqu’il retient
l’attention des médias[146]...
Désormais la société marchande recycle
toutes les forces sociales, y compris
celles qui la contestent ! Le capitalisme accomplit ses
nouvelles
expérimentations dans l’indifférence.
« L’individu, enfermé dans son
ghetto de messages, affronte désormais sa condition mortelle
sans aucun appui
« transcendant », politique,
moral ou religieux [147]»).
12.2.3.
Une
propagande libérale d’autant plus efficace
qu’elle se présente comme
« naturelle »
12.2.3.1.
La
perte du collectif, la suprématie de
l’individualisme
La
révolution numérique et l’Internet nous
ont fait basculer dans un monde de
science-fiction. Bien évidemment, cette
révolution dans le domaine des
communications et des échanges bouleverse nos
manières de travailler, nous
ouvre les portes des bibliothèques et des bases de
données du monde entier.
Impossible, à l’heure actuelle,
d’évaluer l’impact de ces nouvelles
technologies dans le domaine de la Culture (quel est l’avenir
du cinéma en salle ?
à quoi ressembleront les livres de demain ?), des
Loisirs (comment vont
évoluer les jeux vidéos ?), de
l’accès à l’information
(serons-nous tous,
chacun à notre tour, journalistes ?).
Mais,
dores et déjà, les observateurs ont
remarqué que ce changement de civilisation,
s’il s’accompagnait souvent d’un usage
démocratique et participatif des
nouvelles technologies, touchait maintenant les individus au
cœur même de leur
intimité : j’accepte
d’être joint à tous moments, et pour
cela je suis
prêt à laisser des traces qui permettront de
reconstituer mes trajets,
d’identifier à mon insu les personnes que je
contacte...
Vertov
aurait été bien surpris, lui qui s’est
battu toute sa vie pour un système
social reposant sur le
« collectif », de
constater combien nous nous sommes repliés
sur nous-mêmes, sur nos rassurantes
« communautés »
individualisées
et narcissiques, comme le démontre le succès
phénoménal des réseaux sociaux
comme Facebook, Myspace et autre Twittter (ces réseaux nous
donnent l’illusion
de croire que nous sommes protégés,
isolés, en sécurité, enfin
« libres » dans un monde
d’autant plus inquiétant qu’il
n’existe pas
d’alternative à cette fuite en avant...).
La
société marchande a mis en place une
« propagande douce » (moins
visible mais sans doute tout aussi efficace que celle des pays
totalitaires)
qui participe à notre conditionnement. Par exemple, Nous
avons tout d’abord
découvert la présence de panneaux publicitaires
sur les limites des stades,
puis nous nous sommes habitués aux interviews des
footballeurs et des
entraîneurs sur fond de marques
« amies », et nous avons
considéré
comme allant de soi que des logos soient maintenant peints sur les
pelouses où
s’expriment « les dieux du
stade ».
Demain, pour compenser une chute des recettes
publicitaires, les chaînes
de télévision du service public pourront elles
aussi négocier la présence de
logos et de marques dans les émissions dramatiques ou de
variétés[148].
Notre imaginaire sera alors en voie de « saturation
marchande ».
Notre mémoire aura effacé « la
Terre est bleue comme une orange »
pour imposer le tout aussi poétique «Car-glass
répare, Car-glass
remplace !». La sous culture, insipide mais
choquante et fortement
spectaculaire, sera le moteur de la société de
consommation (« ce qui fait
la « culture de masse, c’est
d’abord un processus d’acculturation à
la
culture dominante à travers des
« sous-produits » qui se
diffusent à
travers les différentes couches sociales,
homogénéisées en un
« grand
public » à dominante
« petite-bourgeoise [149]».
La
« Princesse de
Clèves » pourra enfin tomber dans
l’oubli !
12.2.3.2.
Un
bouleversement technologique qui modifie notre
rapport au monde, à la politique.
Dans
le domaine purement politique, il va de soi qu’il convient
maintenant de
« coordonner et de programmer l’action
politique[150] ».
Sondages, plans médias, plans marketing, parution
d’un livre, conférences de
presse, tout doit être planifié (parfois de
manière cynique) pour
favoriser l’acceptation par l’opinion
des « réformes nécessaires et
courageuses que le Président de la
République entend mener »... Le culte de
la nouveauté et du changement
impose le diktat de la
« rupture ». Chaque jour, une
nouvelle mesure
politique ou un évènement concernant
l’entourage du Président (il divorce, il
se remarie avec un ancien mannequin, son jeune fils cadet,
piètre juriste, est
pressenti pour diriger un des principaux quartiers d’affaires
européens, etc.)
est « mis en musique » par un
aréopage de
« communicants »
efficaces et sans scrupules.
Dans
ce bouleversement permanent des valeurs, dans cette saga où
politique, affaires
et « people » se
mélangent de manière inédite, tout
naturellement la
« Rolex » au poignet devient le
signe incontestable de réussite de la
vie du cinquantenaire, joggeur infatigable qui transpire, au propre
comme au
figuré, au service du pays... Le joueur de foot quant
à lui laisse le
« fair-play » au
vestiaire : il sait qu’il ne doit pas
hésiter à
tricher (sans se faire prendre !) pour accéder aux
salaires faramineux des
stars planétaires du ballon rond.
Désormais
la communication (individuelle et sociale) me berce dans un grand
« Tout » que je pense
maîtriser, et qui n’est, au contraire, que la
forme la plus élaborée du contrôle
social des individus qui peu à peu se met en
place (« puce » RFID, fichiers
des empreintes génétiques, caméras de
surveillance, passes
« mouchards », etc.[151].).
Les
archives historiques prennent des couleurs, le spectateur peut
même entendre
maintenant les sons et les musiques qui
« accompagnaient » ces images[152].
Sans que nous ayons eu le temps de nous demander si cela avait
même un sens,
les images réelles, colorisées,
sonorisées, recadrées, soudain se sont mises
à
raconter d’autres histoires !...
Cette
société sans Histoire va nous proposer comme
nouveaux repères la chute des
« tabous » traditionnels
(sexualité, vie familiale, consommation de
produits stupéfiants, sports extrêmes, salaires
déraisonnables, œuvres d’art
spéculatives, etc.). Tout semble nous éloigner
des pratiques des régimes
totalitaires, et pourtant... On peut rappeler que les
régimes communistes
n’hésitaient pas à falsifier la
réalité (tel homme politique, tombé en
disgrâce
auprès de Mao ou de Staline va être tout
simplement « effacé »
des
photos qui témoignaient de cette alliance). Ce
procédé nous semble scandaleux, totalement
opposé à nos valeurs républicaines et
démocratiques ! Mais voici que, plus
de quinze ans après la disparition de l’URSS
communiste, ce procédé
réapparaît,
pour défendre d’autres
« valeurs », celles du
Libéralisme : « Le
19 novembre 2008, Le Figaro [journal
très
conservateur du milliardaire Serge Dassault] publie
à la une un entretien
avec le ministre de la justice, Mme Rachida Dati. Le journal choisit
d’illustrer cet entretien avec une photo de la Ministre
réalisée quelques mois
auparavant au Sénat. Entre les deux clichés, une
petite
« modification » a
été effectuée par la
rédaction du Figaro... La
Ministre portait un bijou au doigt qui a disparu à la Une du
quotidien !
Il s’agit de la bague
« Liens » de la maison Chaumet
(en or gris pavé
de diamants avec deux liens pavés de diamants, prix
15 600 euros[153]) ».
Nos
sociétés ont gagné une
« liberté »
nouvelle : ce sont les médias
« indépendants » qui
anticipent maintenant les désirs de
« communication » des
gouvernants ! (Les photos du Président de
la République en déplacement
« sur le terrain » nous le
montrent,
cela va de soi, entouré
de françaises et
de français dont la taille ne dépasse pas la
sienne... Quand le Président fait
du canoë sur un lac américain avec son fils,
« Paris-Match
efface les bourrelets disgracieux -
« poignée
d’amour » – au niveau
de la taille du Président [154]»,
tout cela sans même que le locataire de
l’Elysée n’ait besoin de le
demander !...). Ces procédés, qui
révélaient auparavant la présence
d’un
système totalitaire, nous sont maintenant
proposés par les tenants de
l’économie de marché et des
privatisations comme de simples...
« améliorations
esthétiques », comme une
communication politique honnête et
sans arrière-pensées !
12.2.3.3.
La
tentation de réécrire l’Histoire
Dans
ce contexte historique inédit, l’observateur
attentif constate des évolutions
pour le moins étonnantes. Novembre 2009, le 20ième
anniversaire de
la chute du Mur de Berlin est fêté dans la joie,
et les médias détaillent les
évolutions architecturales et urbanistiques qui peu
à peu vont non seulement
effacer le Mur, mais aussi
« gommer »
toute trace du passé communiste dans
l’ancienne RDA... (Sans doute, dans
cette logique, faudra-t-il
également
« gommer » la population de
l’ex-RDA...).
Plus
étonnant, les médias se félicitent en
2009 de la venue à Paris (à l’occasion
de
la célébration du 11 Novembre) de Mme Merkel,
actuelle Chancelière allemande, à
l’invitation du Président Sarkozy. La presse
rappelle que (premier point) le
dernier « poilu »
français est mort, et (second point) que la
chancelière allemande est née en 1955 (bien
après la fin de la deuxième guerre
mondiale). Rien n’empêcherait donc la mise en place
du projet de M. Sarkozy,
Président de la République, de transformer
– sans débat, sans concertation -
cette journée du 11 novembre (qui resterait
un jour férié) en
« journée de
l’amitié franco-allemande[155] » !
Est-il raisonnable de vouloir « mettre entre
parenthèses », sans
débat, au nom de la défense de la Paix et de
l’amitié entre les peuples, un
conflit mondial, parfaitement inscrit dans l’Histoire, qui a
causé la mort de
millions d’êtres humains ?... Sans doute
le contrôle de la mémoire, (qui
passe ici par la
« construction », au
mépris de l’Histoire, d’une
image de leader à dimension internationale), devient
maintenant aussi une
tentation dans nos sociétés
démocratiques, à la fois indifférentes
et avides de
changement, si flexibles, si malléables
(« Alors, que M. Nicolas Sarkozy
soit allé à Berlin le 9 ou le 10 ou le 16
novembre 1989 n’a guère d’importance
en soi, si ce n’est la troublante obstination de sa part,
à vouloir incarner
l’Histoire, à s’y inscrire de force.
Pour mesurer qu’il la domine et même
qu’il
peut la réécrire ? [156]»)..
Qu’il
est tentant de ne porter aucune
attention à ces pouvoirs
de plus en plus
bienveillants, pénétrants, invisibles qui
s’appuient désormais sur la
propagande la plus efficace, celle qui s’avance
masquée, travestie,
ludique ?... Sans
doute ces
nouvelles représentations du monde viennent combler les
peurs que suscite cette
civilisation basée sur la compétition et la mise
à l’écart de
l’ « autre »
(barbelés autour de l’espace de Schengen, ghettos
urbains à l’abandon,
ségrégations à l’emploi,
stratégies de contournement de la
carte scolaire, etc.)... Nous avons besoin de mythes qui nous
rassemblent. Déjà
Jacques Ellul affirmait dans les années soixante :
« Je pense que la
propagande correspond à un besoin de l’individu
moderne[157] ».
12.3.
Cinéma,
audiovisuel et communication : un changement de civilisation
Notre
civilisation pourrait se caractériser par un nouveau
critère, le
« présent-futur ». Il
semble que nous ayons réussi à nous
« libérer » de toutes
les pesanteurs, de toutes les idéologies
contraignantes qui, monstrueuse aberration, nous rattachaient au
passé, nous
inscrivaient dans une
« Histoire ».
Aujourd’hui l’individu se doit
d’être nomade, flexible, beau, en bonne
santé, et heureux !
Puisque
désormais le Capitalisme nous assure confort et
bien-être, il nous reste à
consommer les spectacles (sportifs, cinématographiques,
musicaux) qu’il nous
propose en abondance. Déjà, les
« téléviseurs à
plasma, par le réalisme
des couleurs et la précision des images qu’ils
offrent répondent parfaitement
aux attentes des cinéphiles. Et dès 2010,
Panasonic et Sony lanceront des
téléviseurs TV HD 3D en relief qu’il
faudra regarder, comme au cinéma, avec des
lunettes spéciales[158] »).
Demain nous regarderons des images d’une excellente
qualité (des images en
nombre infini toujours à notre disposition) sur nos
ordinateurs ou même nos
téléphones portables. Nous n’en sommes
pas encore conscients, mais cette
mutation des
technologies de la
communication fait de nous des mutants de la vision et de la
perception, et
donc de la pensée... Sans le savoir, nous sommes
perpétuellement en
attente : la prochaine mode, le prochain objet qui va modifier
nos
loisirs, le prochain médicament qui nous autorisera enfin
à être pour la
première fois dans l’histoire de l’Homme
des
« seniors- jeunes ».
Si
le collectif reste valorisé, c’est dans le cadre
de l’esprit d’entreprise ou pour
les sports d’équipe. Pour le reste, chacun est
renvoyé à sa
« communauté »
(régionale, religieuse, sexuelle), à
l’accomplissement
de son « Moi ». Dans ce monde
« où tout communique dans
l’instant », paradoxalement nous sommes de
plus en plus insensibles à ce
qui se passe à l’extérieur des
barbelés et des miradors qui entourent
notre espace européen (« les
murs se déplacent, ils ne sont pas
abolis ![159] ») ;
l’étranger lointain, est synonyme de danger
(terrorisme), de guerre
« invisible »
(« l’intervention » en
Afghanistan) ou de
menace d’invasion (la
« jungle » (!) de Calais / le
débat sur
« l’identité
nationale » française).
Ce
qui a bel et bien disparu de nos écrans (si l’on
excepte le cinéma de Ken
Loach) c’est l’inscription positive et digne des
exclus, des exploités, des
pauvres, ceux qui n’ont pas la chance de tirer les
bénéfices d’un capitalisme
financier qui a causé leur marginalisation ou leur ruine.
Qui serait assez fou
pour souscrire, en ce début de 21ième
siècle à l'affirmation de
Vertov, cinéaste communiste : "La bourgeoisie a eu
l'idée diabolique
d'utiliser ce nouveau jouet pour amuser les masses populaires, ou, plus
exactement, pour détourner l'attention des travailleurs de
leur objectif
fondamental, la lutte contre leurs maîtres. Le
ciné-drame bourgeois est l'opium
du peuple[160]"
?…
Conclusion : la
douce nostalgie d’un monde disparu... qui n’a
jamais existé ! Il
nous reste un chef-d’œuvre du cinéma.
La
naissance, la joie de vivre, la mort, le cinéma...
« L’homme à la
caméra » nous propose la vision
d’un monde « global »,
un
univers à lui tout seul, avec ses propres règles
spatio-temporelles. Ce monde,
c’est le nôtre, tel que nous pourrions
l’idéaliser : la Liberté, un
climat
agréable, une société de consommation
raisonnable, des relations sociales
pacifiées sans être sclérosantes, et
des individus (chacun d’entre nous),
heureux dans leur travail et en harmonie avec leur environnement. De
cette
douce utopie, ni la guerre, ni les tueurs en série, ni la
publicité, ni le
réchauffement climatique, ni les injustices sociales, ni le
totalitarisme, ni
les menaces sur notre
identité française
ne font partie.
Le
cinéma, art populaire, art véritable, nous
révèle à nous-même, nous
unit dans
la fraternité. Puisque, n’en doutons pas,
« l’histoire avance de
progrès en progrès »,
« L’homme à
la caméra » nous plonge dans un monde
idéal, un nouvel Eden imaginaire qui
n’aurait pas encore été perverti par la
folie de l’Homme
« civilisé », tous
régimes politiques confondus
(« C’est par millions de
tonnes que les
matières plastiques sont aujourd’hui
rejetées dans les océans. A travers
poissons et oiseaux, la chaîne alimentaire est
contaminée; les scientifiques
récupèrent dans le Pacifique Nord environ cinq
kilos de déchets plastiques par
km2, soit six fois plus que le plancton
présent[161]
»).
Certes le communisme a presque disparu, et le camp des tenants de
l’économie de
marché l’a emporté... Mais, quel est le
prix de cette victoire ? Et si,
par malheur, nous partagions (sans vouloir en assumer toutes les
conséquences
pour notre postérité) les
intérêts d’un
« impérialisme dominateur
par les plus riches, aux exigences
insatiables et à l’habileté monstrueuse[162] » ...
Pour cela, englués dans une jeunesse sans fin, nous sommes
devenus
indifférents, apathiques, prêts à
changer rapidement d’opinion (puisque
désormais elles « se valent
toutes »), tant qu’elles ne remettent pas
en cause au final la domination du capitalisme hédoniste et
permissif actuel.
Vertov
et ses contemporains pensaient que les créateurs ont un
rôle important à jouer
dans la société, que les œuvres
créées doivent apporter la joie et le plaisir,
susciter la contemplation, favoriser toutes les réflexions.
Pour Vertov, cette
soif d’embellir le monde, cette volonté de
création esthétique s’articule
parfaitement avec une nouvelle vision politique du monde (le
communisme) qu’il
entend promouvoir. Il n’existe donc pas de
réalité sans un sentiment qui
l’interprète, sans une subjectivité qui
la rende universelle ;
visionnaire, Vertov témoigne aussi, pour notre plus grand
plaisir de
spectateur, de sa propre réalité
émotionnelle.
Théoricien,
cinéaste virtuose et militant humaniste d’une
certaine manière (il rêve de
libérer l’Homme), Vertov se hisse avec ce film,
parmi les plus grands noms de
la culture cinématographique. Il laisse une
« trace » forte,
originale, qui marquera son temps et fera
réfléchir à la complexité
de leur art
bien des cinéastes du muet comme du parlant (la "nouvelle
vague, bien sûr,
mais aussi sans doute Michel Gondry, Tim Burton et Terry Gilliam).
Paradoxalement,
dans notre époque
« post-moderne »
fascinée par le clin d’œil, la
distanciation ironique, les images industrielles et leur
détournement,
« L’Homme à la
caméra » nous apparaît
toujours, quatre-vingts ans
après sa réalisation,
d’une déroutante
et fascinante modernité.
« Placés
devant un tableau, il nous faut des heures – des jours
– pour en saisir
réellement la signification[163] »
affirmait Pierre Francastel. Il nous faudra revenir longuement sur ce
film
« inépuisable », avec
nos savoirs, avec toute notre sensibilité
(comme nous le ferions avec les vitraux de la cathédrale de
Chartres, un film
de Chaplin ou avec un opéra de Mozart) pour en explorer
l’immense richesse.
Vertov,
suivant en cela les valeurs communistes qui ont guidé sa
vie, a fait de nous les
propriétaires de son film, qui est maintenant partie
intégrante de nos
mémoires. A nous de veiller sur ce précieux
héritage.
"Vive
le ciné-œil de la révolution
prolétarienne ![164]"
Gérard
Hernandez
Lauréat de la
certification
« Cinéma-Audiovisuel »
Article rédigé avec la
documentation de l’espace « Images
Histoire » de la Médiathèque
Jacques Ellul de Pessac (33).
[1] Vallet, Odon, « Principes du politique », Masson, Concours culture, 1991.
[2] Union des Républiques Socialistes Soviétiques.
[3] Tsikounas, Myriam, "Les origines du cinéma soviétique, un regard neuf", Les éditions du cerf, 7°Art, 1992.
[4] Le collectif prime sur l'individuel. L'Egalité, dans une société sans classes, aura pour conséquence la Liberté
[5] Dans une société communiste et révolutionnaire, comment s'opposer au cinéma dit "Bourgeois" (basé sur le scénario, l'acteur, le décor, le réalisateur) ?
[6] La Liberté, fondée sur l'intérêt particulier et l'égoïsme des individus, aura pour conséquence l'Egalité.
[7] Vladimir Ilitch Oulianov, dit Lénine avait déclaré : "Le Communisme, c'est le pouvoir des Soviets et l'électrification". (Œuvres complètes - Tome 31).
[8] Marie, Michel, Texte et contexte historique en analyse de films, in Garçon, François (dir), « Cinéma et histoire, autour de Marc Ferro », CinémAction n°65, Corlet, 1992.
[9] Il convient de rappeler ici que la diffusion en salles du chef d'œuvre d’Eisenstein, "Le Cuirassé Potemkine" (1925), n'a été autorisée en France qu'en 1952, car ce film "communiste" subversif prônait la Révolution et la lutte contre les oppressions du régime tsariste, mais pouvait donner des idées dans d'autres pays à d'autres exploités…
[10] Foulquié, Paul, « La dialectique », PUF, Que sais-je n°363, 1976.
[11] Il va de soi que le travail des Historiens a prouvé depuis que la réalité (politique, économique, intellectuelle, etc.) de l’époque est bien plus complexe et contradictoire. Il s’agit ici simplement de rappeler le point de vue communiste sur ces évènements.
[12] Le « programme » annoncé par l’Internationale, chant révolutionnaire, s’annonce radical : « Du passé, faisons table rase ! »
[13] Lavroff, Dimitri Georges, « Histoire des idées politiques », Dalloz, Mémento, 1990.
[14] Meynaud, Jean, Lancelot, Alain, « Les Atttitudes politiques », PUF, Que sais-je ? n° 993, 1964.
[15] La reconstruction du pays sera le sujet de « En avant, Soviet, Pour la Reconstruction ! », que Dziga Vertov présentera en 1926.
[16] Ellenstein, Jean, « Histoire du Communisme 1917 – 1945 », Jannink, 1980.
[17] Carrère d’Encausse, Hélène, « Lénine, la révolution et le pouvoir », Flammarion, Champs, 1979.
[18] Malia, Martin, « La tragédie soviétique, 1917 – 1991 », Seuil, 1995.
[19] Furet, François, "Le passé d'une illusion, essai sur l'idée communiste au XX° siècle", Robert Laffont, 1995.
[20] Fédérovski, Vladimir, « Le fantôme de Staline », Editions du rocher, un nouveau regard, 2007.
[21] Ellenstein, Jean, (op. cité).
[22] Braud, Philippe, « Sociologie politique », 7ième édition, Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence, 2004.
[23] Favre, Pierre et Monique, « Les marxismes après Marx », PUF, Que sais-je ? n° 1408, 1975.
[24] Albéra, François, Cinéma soviétique des années 1924 – 1928 : commande sociale, commande publique, in Bertin-Maghit, Jean-Pierre (dir), « Une histoire mondiale des cinémas de propagande », nouveau monde, 2008.
[25] Courtois, Stéphane, « Cent millions de morts ? le bilan d’une tragédie » (in) « L’histoire numéro spécial les crimes du communisme », octobre 2000.
[26] Pionniers et Komsomols.
[27] Ellul, Jacques, « Propagandes », Armand Colin, 1962.
[28] Abréviation de "agitation et propagande"
[29] Domenach, Jean-Marie, "La propagande politique", PUF, Que sais-je ? N° 448, 1973.
[30] Ferro, Marc, « Cinéma et histoire », Gonthier, Médiations, 1977.
[31] Bauchard, Pascal, "Le cinéma en URSS des années 1920 aux années 1940 : entre art et propagande…", site internet http://www. ac-strasbourg.fr/sections/enseignants/secondaire/intro cinéma- URSS/, consulté le 01/10/09.
[32] Lotman, Iouri, « Esthétique et sémiotique du cinéma » - Editions Sociales, Ouvertures, 1977.
[33] Marx, Karl, Engels, Friedrich, « Manifeste du Parti communiste », Editions sociales, 1973.
[34] Gourfinkel, Nina, « Lénine », Seuil, Le temps qui court, 1976.
[35] Laurent, Natacha, « L’œil du kremlin », éditions Privat, 2000.
[36] Vertov, Dziga, "Nous", Kinophot n°1, 1922, (in) Vertov, "Articles, journaux, projets", Cahiers du cinéma, UGE, 10/18, n°705, 1972.
[37] A l’inverse, Vertov et
les écrivains de gauche
considèrent que le théâtre du
Bolchoï – fendu en deux à la fin du film
par un
trucage – est le symbole d’un art ancien et
révolu ; ils militent pour que
ce bâtiment prestigieux soit reconverti en quelque chose de
plus utile.
[38] Aucouturier, Michel, "Le réalisme socialiste", PUF, Que sais-je ? n°2230, 1998.
[39] Ferro, Marc, Le cinéaste dans la cité, in "Culture et Révolution", Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, 1989.
[40] Bulgakowa, Oksana, Rêves éveillés collectifs : le cinéma soviétique de 1927 à 1939, in Bertin-Maghit, Jean-Pierre (dir), « Une histoire mondiale des cinémas de propagande », nouveau monde, 2008
[41] Aumont, J, Bergala, A, Marie, M, Vernet, M, « Esthétique du film », Nathan, UIF, 1983.
[42] Marie, Michel, « Le cinéma muet », Cahiers du Cinéma / SCEREN-CNDP, 2005.
[43] Jullier, Laurent, Enthousiasme ! Travail de l'ouvrier, travail du cinéaste in "Vertov, l'invention du réel !", (dir. Esquenazi, J. P.), Champs visuel, L'Harmattan
[44] Lazzarato, Maurizio, "La machine de guerre du Ciné-Œil et le mouvement des Kinoks lancés contre le scpectacle", site internet http://www.körotonomedya.net, consulté le 01/10/2009.
[45] Vertov, Dziga, "Le ciné-oeil", 1923 (in) Vertov, "Articles, journaux, projets", Cahiers du cinéma, UGE, 10/18, 1972
[46] Vertov, Dziga, "Extraits de l'histoire des Kinoks", (in) Vertov, "Articles, journaux, projets", Cahiers du cinéma, UGE, 10/18, 1972
[47] Vertov, Dziga, "Nous", Kinophot n°1, 1922, (in) Vertov, "Articles, journaux, projets", Cahiers du cinéma, UGE, 10/18, n°705, 1972
[48] Schnitzer, Luda et Jean, « Histoire du cinéma soviétique, 1919-1940 », Pygmalion, 1979
[49] En 1921, l'industrie de l'URSS est incapable de construire un tracteur.
[50] Vertov, Dziga, "Nous", Kinophot n°1, 1922, (in) Vertov, "Articles, journaux, projets", Cahiers du cinéma, UGE, 10/18, n°705, 1972
[51] Sadoul, Georges, "Histoire générale du cinéma 5. L'art muet 1919 / 1929", Denoël, 1975.
[52] Aumont, J, Marie, M. « L’analyse des films », Nathan, Université, 1988.
[53] Lagny, Michèle, Film-outil : le cinéma exploité, in Trafic n°50, Eté 2004, P.O.L.
[54] Schnitzer, Luda et Jean, « Histoire du cinéma soviétique, 1919-1940 », Pygmalion, 1979.
[55] Albéra, François, Cinéma soviétique des années 1924 – 1928 : le film de montage/document, matériau, point de vue, in Bertin-Maghit, Jean-Pierre (dir), « Une histoire mondiale des cinémas de propagande », nouveau monde, 2008
[56] Leutrat, Jean-Louis, « Le cinéma en perspective : une histoire », Nathan Université, 128, 1992.
[57] Rossignol, Véronique (dir), « Filmer le réel, Ressources sur le cinéma documentaire », BiFi, 2001.
[58] Jameux, Dominique, « L’Art », Larousse, Encyclopoche, 1976.
[59] Brenez, Nicole, « Cinémas d’avant-garde », Cahiers du Cinéma SCEREN-CNDP, 2006.
[60] Vertov, Dziga, "L'importance du cinéma non joué" (in) Vertov, "Articles, journaux, projets", Cahiers du cinéma, UGE, 10/18, n°705, 1972
[61] Ferro, Marc, Le cinéaste dans la cité, in "Culture et Révolution", Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, 1989.
[62] Mitry, Jean, « Le cinéma expérimental, histoire et perspectives », Seghers, Cinéma 2000, 1974.
[63] Pinel, Vincent, « Le montage », Cahiers du cinéma / Scéren-CNDP, Les petits cahiers, 2001.
[64] Comme on pourrait le faire, dans un autre contexte, avec "Le Caméraman" de Buster Keaton.
[65] Mitry, Jean, « Esthétique et psychologie du cinéma », Editions Universitaires, 1990.
[66] Gauthier, Guy," Le documentaire, un autre cinéma", Nathan cinéma, 2002.
[67] Bardèche, Maurice, Brasillac, Robert, "Histoire du cinéma – 1 Le muet", Les sept couleurs, 1964.
[68] Prédal, René, « Histoire du cinéma, abrégé pédagogique », Cinéma’Action, n°73, Corlet Télérama, 1994.
[69] Sadoul, Georges, "Dziga Vertov", Editions champ libre, 1971.
[70] Vertov, Dziga, "Extraits de l'histoire des Kinoks", (in) Vertov, "Articles, journaux, projets", Cahiers du cinéma, UGE, 10/18, n°705, 1972
[71] Jullier, Laurent, « Qu’est-ce qu’un bon film ? », La dispute, 2002.
[72] Vertov, Dziga, "Conseil des Trois du 10.4.1922", (in Vertov, "Articles, journaux, projets", Cahiers du cinéma, UGE, 10/18, 1972
[73] Marx, Karl, Engels, Friedrich, « Manifeste du Parti communiste », éditions sociales, classiques du marxisme, 1973.
[74] Weber, Alain, « Idéologies du montage ou l’art de la manipulation », CinémAction n°23 – 1982.
[75] Encyclopédie Hachette Multimédia, article Vertov, 2005.
[76] Marie, Michel , Impression de réalité, (in) Collet, J, Marie, M., Percheron, D., Simon, J. P., Vernet, M., « Lectures du film », Albatros, ça cinéma, 1975.
[77] Douchet, Jean, La ville tentaculaire, (in) « Catalogue de l’exposition Cités-ciné », Ramsay, 1987.
[78] Vertov, Dziga, "Conseil des Trois du 10.4.1922" (in) Vertov, "Articles, journaux, projets", Cahiers du cinéma, UGE, 10/18, n°705, 1972
[79] Sadoul, Georges, "Dziga Vertov", Editions champ libre, 1971.
[80] Chevalier, Jean-Jacques, « Les grandes œuvres politiques de Machiavel à nos jours », Armand Colin, 1970.
[81] Dadoun, Roger, « La psychanalyse politique », PUF, Que sais-je n° 2948, 1995.
[82] Marin, Louis, Article « La sémiotique du corps », Encyclopædia Universalis, 2006
[83] « L’idéal du corps sain », Textes et Documents pour la Classe, n°982, 15/10/2009.
[84] Vertov, Dziga, "Conseil des Trois du 10.4.1922", (in) Vertov, "Articles, journaux, projets", Cahiers du cinéma, UGE, 10/18, n°705, 1972
[85] Aubert, Nicole, « Que sommes-nous devenus ? », Sciences Humaines, n° 154, 01/11/2004.
[86] Vigarello, Georges, « Corps, beauté, sexualité » (in) « Les grands dossiers des Sciences Humaines », 01/12/2008.
[87] Vertov, Dziga, "Drame artistique et ciné-oeil", (in) Vertov, "Articles, journaux, projets", Cahiers du cinéma, UGE, 10/18, 1972
[88] Queval, Isabelle, « Le corps aujourd’hui », Gallimard, Folio essais, n° 503, 2008.
[89] Albéra, François, article « Soviétique » (in) Bergala, A, Leboutte, P. (dir.) « Une encyclopédie du nu au cinéma », éditions Yellow Now, 1994.
[90] Revault d’Allonnes, Fabrice, article « Erotisme prolétarien » (in) Bergala, A, Leboutte, P. (dir.) « Une encyclopédie du nu au cinéma », éditions Yellow Now, 1994.
[91] Article "L'Homme à la caméra" – Encyclopédie Larousse – site internet : http://www.larousse.fr/encyclopedie/film consulté le 01/10/2009.
[92] Bonnet, Gérard, « Les perversions sexuelles », PUF, Que sais-je, N°2144, 1983.
[93] En 2001, les Cahiers du Cinéma avaient classé le phénomène « trash » Loft Story dans la liste des dix meilleurs... films de l’année !
[94] « Quel corps ? » Maspéro, Petite collection Maspéro, 1975.
[95] Vincent, Gérard, « Une histoire du secret ? » (in) Aries, P., Duby, G. (dir.) “Histoire de la vie privée”, Seuil, Points Histoire, H264, 1999.
[96] Nous sommes ici très loin du film hitlérien et raciste (« les Dieux du stade ») que Léni Riefenstahl, mélangeant antiquité grecque et « suprématie raciale germanique », consacra aux Jeux Olympiques de Berlin en 1936.
[97] Bozonnet, François, « Sport et société », Le Monde Editions, 1996.
[98] Brohm, Jean-Marie, « Critiques du sport », Christian Bourgois, « série rouge », 1976.
[99] Queval, Isabelle, « Le corps aujourd’hui », Gallimard, Folio essais, n° 503, 2008.
[100] L’injection de Botox permet de gommer les rides d’expression de façon temporaire (entre 300 et 500 euros la séance).
[101] Beylie, Claude, « Les films clés de l’histoire du cinéma », Reconnaître comprendre, Larousse, 2002.
[102] Camarade
[103] Vertov, Dziga, "Résolution du conseil des trois du 10.4.1923", (in) Vertov, "Articles, journaux, projets", Cahiers du cinéma, UGE, 10/18, n° 705, 1972
[104] Ellul, Jacques, « Propagandes », Armand Colin, 1962.
[105] Vertov, Dziga, "Résolution du conseil des trois du 10.4.1923", (in) Vertov, "Articles, journaux, projets", Cahiers du cinéma, UGE, 10/18, n° 705, 1972
[106] Poirson-Dechonne, Marion, "Irma Vep d'Assayas, de l'anagramme à la mise en abîme" (in) "Le cinéma au miroir du cinéma", Cinémaction n°124, Corlet, 2007.
[107] Prédal, René, "le "je" dans l'abîme du cinéma français", (in) "Le cinéma au miroir du cinéma", Cinémaction n°124, Corlet, 2007.
[108] Schmidt, Nicolas, "Les usages du procédé de film dans le film", (in) "Le cinéma au miroir du cinéma", Cinémaction n°124, Corlet, 2007.
[109] Vertov, Dziga, "Téatralnaïa Moskva", n°50, 1922, (in) Vertov, "Articles, journaux, projets", Cahiers du cinéma, UGE, 10/18, 1972.
[110] Vertov, Dziga, "Lettre aux Kinoks du sud", (in) Vertov, "Articles, journaux, projets", Cahiers du cinéma, UGE, 10/18, 1972
[111] Fride R.-Carassat, Patricia, "Les mouvements dans la peinture", Larousse, Comprendre, reconnaître, 2003.
[112] Sadoul, Georges, "Dziga Vertov", éditions champ libre, 1971.
[113] Blistène, Bernard, "Une histoire de l'art au 20ième siècle", Centre Pompidou, 1999.
[114] Lucie-Smith, Edward, "L'Art d'aujourd'hui", Nathan, 1976.
[115] Petrova, Evgénia, “La Russie et les avant-gardes”, Fondation Maeght, 2003.
[116] Lippard, Lucy R., "Le
Pop Art",
Thames & Hudson, 1997.
[117] Fragonard, Michel, article « Marché de l’art », (in) « La culture du 20ième siècle », Bordas, Les Actuels, 1995.
[118] Ferry, Luc, « Homo aesthéticus, l’invention du goût à l’age démocratique », Grasset, 1990.
[119] Bourdieu, Pierre, "Les règles de l'art", Seuil, Libre examen, 1992.
[120] Lipovetsky, Gilles, « L’Ere du vide », Gallimard, Folio essais, n°121, 1992.
[121] Marrati, Paola, « Gilles Deleuze, cinéma et philosophie », PUF, Philosophies, 2003.
[122] Il faudra attendre Mai 1981 pour que, avec l'élection du Président François Mitterrand, la Gauche arrive au pouvoir en France (alliance des Socialistes, des Communistes et des Radicaux de gauche).
[123] Aron, Raymond, « Marxismes imaginaires, d’une sainte famille à l’autre », Gallimard, Folio N° 319, 1970.
[124] Aristarco, Guido, « Marx, le cinéma et la critique de films », « Etudes cinématographiques » n° 88-92, Lettres Modernes Minard, 1972.
[125] Collectif "Cinéma de Quat'sous", "Arrêtez votre cinéma !", La Pensée sauvage, 1977.
[126] Collectif "Cinéma de Quat'sous", "Arrêtez votre cinéma !", La Pensée sauvage, 1977
[127] Collectif "Cinéma de Quat'sous", "Arrêtez votre cinéma !", La Pensée sauvage, 1977
[128] Collectif de cinéastes communistes (direction Jean-Patrick Lebel), "Cinéma, culture ou profit", supplément au n°89 de la Nouvelle Critique, 1975.
[129] Collectif de cinéastes communistes (direction Jean-Patrick Lebel), "Cinéma, culture ou profit", supplément au n°89 de la Nouvelle Critique, 1975.
[130] Serceau, Daniel, « L’impression de beauté est-elle réactionnaire ? » (in) Cinéma militant, histoire, structures, idéologie et esthétique, « Cinéma d’Aujourd’hui », numéro double 5-6, mars avril 1976.
[131] Hennebelle, Guy, « Un cinéma pour transformer le monde » (in) Cinéma militant, histoire, structures, idéologie et esthétique, « Cinéma d’Aujourd’hui », numéro double 5-6, mars avril 1976
[132] Institut des Hautes Etudes Cinématographiques, que remplacera la FEMIS en 1985.
[133] Copans, Richard, « Cinélutte, au service de la gauche ouvrière contre le révisionnisme », (in) Cinéma militant, histoire, structures, idéologie et esthétique, « Cinéma d’Aujourd’hui », numéro double 5-6, mars avril 1976
[134] Palmier, Jean-Michel, « Histoire de l’art et marxisme » (in) « Esthétique et marxisme », Union générale d’éditions, 10/18, 1974.
[135] Winock, Michel, « L’age d’or du communisme français », (in) « L’Histoire numéro spécial le siècle communiste », Juillet 1998.
[136] Werth, Nicolas, « L’URSS ou le règne de la terreur », (in) « L’Histoire numéro spécial les crimes du communisme », octobre 2000.
[137] Courtois, Stéphane, « Cent millions de morts ? Le bilan d’une tragédie », (in) « L’histoire numéro spécial les crimes du communismes », octobre 2000.
[138] Aron, Raymond, « Plaidoyer pour l’Europe décadente », Robert Laffont, 1977.
[139] "49 millions d'américains mal nourris", Libération, 17/11/2009.
[140] Pinçon, Michel, Pinçon-Charlot, Monique, « Les ghettos du gotha, comment la bourgeoisie défend ses espaces », Seuil, 2007.
[141] Bihr, Alain, Pfefferkorn Roland, Article « Inégalités », Encyclopædia Universalis 2006.
[142] « L’appât du gain est bien une valeur positive ! »
[143] "Dossiers de surendettement : + 16% au 1ier Trimestre 2009", L'Expansion, 04/05/2009.
[144] « Portrait social de la France : chômage en hausse, pouvoir d’achat en baisse », Libération, 13/11/2009.
[145] Jost, François, « Le culte du banal, de Duchamp à la télé-réalité », CNRS éditions, 2007.
[146] « La lutte à fleur de peau », Libération, 14/09/09.
[147] Lipovetsky, Gilles, « L’Ere du vide », Gallimard, Folio essais, 1983.
[148] Douhaire, Samuel, « La télé trouve ses marques », Télérama, n° 3111, 26/08/2009.
[149] Fragonard, Michel, « La culture au 20ième siècle, Bordas, Les Actuels, 1995.
[150] Bongrand, Michel, « Le marketing politique », PUF, Que sais-je ? n° 1698, 1986.
[151] « Je te vois ! Comment nous sommes tous sous surveillance », Les dossiers du canard enchaîné, n°113, 2009.
[152] Ekchajzer, François, « Les images d’archives peuvent-elles mentir ? », Télérama n° 3114, 16/09/2009.
[153] Mandonnet, Eric, « Le Figaro retouche une photo de Rachida Dati à la Une », L’Express, 20/11/2008.
[154] « Le bourrelet gommé de Sarkozy », Le Monde, 22/08/2007.
[155] Si l’on appliquait le même raisonnement à la France, il va de soi qu’il devient inutile de célébrer le 14 Juillet, puisque le dernier « sans-culotte" est mort depuis longtemps et que notre Président n’a pas été un contemporain de ces évènements révolutionnaires fondateurs de notre République...
[156] Heuré, Gilles, « Pourquoi tant d’Histoire ? », Télérama n°3123, 21/11/09.
[157] Ellul, Jacques, « Propagandes », Armand Colin, 1962.
[158] Commiot, Dominique, « Du hublot à la 3 D », (in) « Télérama n° 3121 spécial guide télévision », 07/11/09.
[159] Bensaïd, Daniel, « Le pari mélancolique », Fayard, 1997.
[160] Vertov, Dziga, "Instructions provisoires aux cercles ciné-œil", (in) Vertov, "Articles, journaux, projets", Cahiers du cinéma, UGE, 10/18, n°705, 1972
[161] « Les océans malades du plastique », Sciences & Vie, n° 1103, Août 2009.
[162] Dumont, René, « L’Utopie ou la mort », Seuil, Politique, 1974.
[163] Francastel, Pierre, « Etudes de sociologie de l’art », Denoël, médiations, 1985.
[164] Vertov, Dziga, "Instructions provisoires aux cercles ciné-œil", (in) Vertov, "Articles, journaux, projets", Cahiers du cinéma, UGE, 10/18, 1972
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